Israël en guerre - Jour 63

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'L'humour, ça aide à vivre'

Yvette Lundy, 101 ans et toujours résistante

Cette survivante de la Shoah fabriquait de faux papiers pour des juifs, des hommes fuyant le STO en Allemagne ou des prisonniers de guerre évadés que son frère aidait

Yvette Lundy, 101, pose le 26 avril 2017 dans une maison à la retraite à Epernay, dans le nord-est de la France (Crédit : AFP PHOTO / FRANCOIS NASCIMBENI)
Yvette Lundy, 101, pose le 26 avril 2017 dans une maison à la retraite à Epernay, dans le nord-est de la France (Crédit : AFP PHOTO / FRANCOIS NASCIMBENI)

Résistante, déportée dans le camp de concentration nazi de Ravensbrück et revenue de ce « trou d’enfer », Yvette Lundy incarne toujours, à 101 ans, l’engagement total pour la liberté, habitée par le « devoir » de raconter son épopée tragique aux jeunes générations.

« Encore aujourd’hui, il y a un moment de la journée où je pense au camp… C’est souvent le soir, avant de m’endormir », confie la vieille dame, assise dans un fauteuil du séjour de son appartement qui donne sur les champs et les coteaux champenois d’Epernay (Marne).

Coquette pour recevoir, enjouée pour deviser, la mémoire au garde-à-vous et le regard perçant propre aux fortes têtes, elle a fait de la dérision son arme ultime, persuadée que « l’humour, ça aide à vivre ».

Le 8 mai, la centenaire a été élevée Grand Officier dans l’ordre de la Légion d’honneur, une distinction supplémentaire pour son engagement résistant puis citoyen.

Benjamine d’une famille de sept frères et sœurs, elle fut institutrice à Gionges, village viticole près d’Epernay, où elle officiait aussi comme secrétaire de mairie, un poste-clé qui lui permit d’intégrer le réseau de résistance Possum.

Sa mission : fabriquer de faux papiers pour des juifs, des hommes fuyant le STO en Allemagne ou des prisonniers de guerre évadés que son frère Georges – mort en déportation en 1945 – cachait dans sa ferme. « Il me disait ‘j’ai encore un gars’ alors j’opérais en conséquence », explique celle qui s’est engagée en 1940 dans cette « tricherie honnête » sans se poser « aucune question ».

‘Un trou plein de vide’

Ce stratagème dure jusqu’au 19 juin 1944, lorsque la Gestapo vient l’arrêter pendant sa classe, signant le prologue d’un périple inimaginable pour cette jeune femme d’alors 28 ans.

Après un passage à la prison de Châlons-en-Champagne puis au camp de Neue Bremm près de Sarrebruck, Yvette Lundy est réduite au matricule n°47360 à Ravensbrück, le seul réservé aux femmes et aux enfants, dans lequel environ 130.000 personnes seront déportées.

En passant le portail du camp nazi, elle sent « une chape de plomb » lui tomber sur les épaules, incrédule face à la déshumanisation débutant dès l’arrivée des détenues, forcées de se déshabiller devant les S.S.

« Le corps est nu et le cerveau tout à coup est en guenilles : on est comme un trou, un trou plein de vide, et si on regarde autour, c’est encore du vide », glisse Yvette.

« Le corps est nu et le cerveau tout à coup est en guenilles : on est comme un trou, un trou plein de vide, et si on regarde autour, c’est encore du vide »

Sa constitution « assez robuste » et son caractère coriace l’aident à survivre dans ce « trou d’enfer » caractérisé par le travail harassant, « les chiens et les bâtons qui font partie de l’ordinaire », l’épuisement et la mort prompte à emporter les plus faibles.

Finalement affectée dans un Kommando près de Weimar, elle est libérée par l’armée russe le 21 avril 1945 et réussit à regagner l’Hexagone par avion, au terme d’un parcours retracé dans son livre « Le Fil de l’araignée ».

‘En revenir, un miracle’

A la Libération, elle choisit d’abord de se taire devant une partie de sa famille qui croit cette survivante de l’indicible, comme tant d’autres, « déboussolée ».

Mais dès 1959, poussée par l’Education nationale, elle intervient dans les écoles pour témoigner, répétant l’exercice devant des centaines d’élèves, surtout des collégiens français et parfois allemands, convaincue qu’ils ont compris « le drame » de la guerre et du nazisme.

Ses conférences ont cessé en début d’année, mais des jeunes viennent encore lui rendre visite dans sa résidence pour seniors, pour lui poser des questions.

Interrogé par l’AFP sur sa popularité dans le département, Franck Leroy, maire (UDI) d’Epernay qui la connaît depuis 27 ans, estime que « partout où elle est passée, elle a marqué les esprits. Elle a toujours eu cette vivacité intellectuelle, cette exigence morale avec des valeurs sur lesquelles on ne transige pas ».

Désormais le camp est loin, mais ses atrocités ne s’oublient pas : « En revenir, c’est un miracle. » Elle n’est jamais retournée à Ravensbrück par crainte d’être « trop chiffonnée ».

Son précepte intemporel? « Demandez toujours : où allons-nous ? Avec qui ? Que ferons-nous ? Chacun a un devoir de responsabilité, si jeune soit-il. »

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