Zemmour séduit les droites les plus radicales – sauf Soral et Benedetti
De nombreux militants d'Action française ont rallié "Génération Z" ; le Youtubeur néofasciste Papacito et le suprémaciste blanc Daniel Conversano le soutiennent aussi
A l’approche de 2022, la droite extrême se sent portée par le bond d’Eric Zemmour dans les sondages. Royalistes, identitaires, suprémacistes blancs, catholiques ultraconservateurs, antisionistes… Le polémiste fédère de nombreux déçus de Marine Le Pen.
En moins de deux mois, le polémiste s’est hissé dans des sondages au rang de la candidate du Rassemblement national (RN) à la présidentielle de 2022, avec une radicalité assumée.
Adoption de la théorie complotiste du « grand remplacement », qui prophétise l’effacement de la population européenne par une population immigrée, défense du maréchal Pétain : le presque candidat se « fou(t) de la diabolisation ».
De quoi susciter l’enthousiasme de toute une nébuleuse d’extrême droite, qui voit désormais en lui un accélérateur pour faire triompher ses idées.
De nombreux militants de l’organisation royaliste Action française (AF) ont rallié « Génération Z », l’appareil qui fédère les jeunes soutiens de M. Zemmour. Ils représentent « un pourcentage à deux chiffres des personnes mobilisées autour de lui », affirme à l’AFP une source engagée dans la pré-campagne.
« Nous sommes patriotes avant d’être monarchistes. Si le bien commun passe par avoir un président comme Zemmour, alors très bien », se justifie l’ancien porte-parole de l’Action française, Antoine Berth, qui fait partie des militants ayant sauté le pas.
« Zemmour décale complètement la fenêtre d’Overton » (concept libéral faisant référence aux idées acceptables dans le débat public, NDLR), s’enthousiasme le jeune homme de 29 ans.
Vent debout contre « l’immigration massive », il se réjouit qu’un candidat « pose enfin le bon diagnostic en parlant de grand remplacement », concept réfuté par les démographes.
Selon Mediapart, Eric Zemmour accepte aussi les services de certains ex-membres de Génération Identitaire (GI), groupuscule dissous en mars en raison de son idéologie et son activisme xénophobe, et qu’il comparait à des « héros ».
« On ne fait pas la police pour des engagements passés de certaines personnes », assume le président de Génération Z, Stanislas Rigault, 22 ans. Avant d’assurer que les militants de GI et de l’AF seraient « une quinzaine tout au plus », et que ces derniers « délaissent leurs convictions royalistes pour faire campagne ».
« Nationalisme ethnique »
« Face à Marine Le Pen, Macron était sûr de gagner. Peut-être que Zemmour peut changer ce script », avance l’ex-porte parole de GI, Thaïs d’Escufon, alors que les sondages le donnent perdant face à Emmanuel Macron.
Si elle n’a pas rejoint les équipes du polémiste et ne soutient encore officiellement personne, Thaïs d’Escufon promet d’utiliser sa nouvelle chaîne Youtube pour donner des consignes de vote en faveur d’un « candidat capable de stopper la folie migratoire ».
Parmi ses « amis » influenceurs, certains font déjà allégeance. « Il faut qu’Eric Zemmour soit élu. (…) Je vais tout faire pour », déclarait ainsi début octobre le Youtubeur néofasciste Papacito, dont les vidéos irriguées par un discours viriliste et antirépublicain peuvent atteindre le million de vues.
« On a rendez-vous avec l’Histoire en 2022 », estime le Toulousain, « sédévacantiste » revendiqué – mouvance catholique traditionaliste qui considère le pape comme un usurpateur depuis le concile Vatican II.
Au-delà de la jeunesse militante, M. Zemmour suscite également l’adhésion de nombreuses figures historiques d’extrême droite.
De l’énarque Jean-Yves Le Gallou, inventeur du concept de préférence nationale pour le Front national dans les années 80, à Thomas Joly, président du Parti de la France, en passant par le suprémaciste blanc Daniel Conversano, tous le soutiennent publiquement.
Hervé Lalin, dit Ryssen, condamné de multiples fois pour provocation à la haine envers les juifs, dit également dans le dernier numéro de la revue Civitas qu’il « préfère le programme de Zemmour à celui de Marine Le Pen ». Au grand dam d’autres multirécidivistes comme Yvan Benedetti ou Alain Soral, qui s’opposent de manière irréductible au chroniqueur juif.
« Zemmour incarne un retour à un nationalisme ethnique exacerbé », qui séduit notamment les déçus de la soi-disante stratégie de dédiabolisation menée par le RN ces dernières années, observe l’historien spécialiste des droites extrêmes, Nicolas Lebourg. Une dynamique qui, rappelle selon lui, « le Front national des années 90 de Le Pen père », fondé sur un « compromis nationaliste » entre les différentes chapelles d’extrême droite.
« La question, c’est de savoir ce que ça va donner après la présidentielle », anticipe-t-il. « Personne n’a jamais réussi à créer un parti significatif à droite de l’entreprise familiale Le Pen. »