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France : Dissolution du groupe d’extrême droite Génération identitaire

La procédure avait été lancée mi-février par Gérald Darmanin, après une énième action, fin janvier, de l'association contre des migrants dans les Pyrénées

Des membres et partisans du groupe d'extrême droite Génération identitaire et un drapeau du mouvement lors d'une manifestation contre sa possible dissolution, à Paris, le 20 février 2021. (Crédit : Bertrand GUAY / AFP)
Des membres et partisans du groupe d'extrême droite Génération identitaire et un drapeau du mouvement lors d'une manifestation contre sa possible dissolution, à Paris, le 20 février 2021. (Crédit : Bertrand GUAY / AFP)

Le groupe d’extrême droite Génération identitaire, (très) proche du Rassemblement national, a été dissout mercredi en Conseil des ministres, après des années de polémiques et d’actions musclées notamment contre l’immigration et l’islam, « des menaces » qu’il appelle à combattre.

La procédure avait été lancée mi-février par Gérald Darmanin après des patrouilles anti-migrants, fin janvier, de l’association dans les Pyrénées – une action similaire avait déjà eu lieu en 2018 dans les Alpes. L’action de janvier avait « scandalisé » le ministre et donné lieu à une enquête préliminaire pour provocation à la haine raciale.

Aussitôt, le RN avait dénoncé une procédure « politique » et « une dangereuse atteinte aux libertés fondamentales ». Dans la foulée, Génération identitaire avait organisé le 20 février à Paris une manifestation pour protester contre sa dissolution annoncée.

Clément Martin, un des porte-parole de l’association dont le siège est à Lyon, a prévenu que GI allait déposer un recours « pour excès de pouvoir » devant le Conseil d’État contre la décision du Conseil des ministres. « Sur l’aspect purement juridique, nous sommes plutôt confiants. La question est de savoir si le Conseil d’État va faire de la politique ou va faire du droit », a-t-il dit à l’AFP.

Il a évoqué également un « référé suspension » et le dépôt de deux QPC (questions prioritaires de constitutionnalité).

Le ministre de l’Intérieur a annoncé la dissolution mercredi du mouvement dans un tweet, faisant valoir que Génération identitaire « incit(ait) à la discrimination, à la haine et à la violence ».

Génération Identitaire lors d’une opération dans les Alpes pour marquer leur hostilité à l’entrée de migrants clandestins par la frontière italienne en août 2018. (Capture d’écran : YouTube)

« Milice privée »

Le décret de dissolution pointe du doigt les incitations « à la violence envers des individus en raison de leur origine, de leur race et de leur religion ». « Par sa forme et son organisation militaires », GI « peut être regardée comme présentant le caractère d’une milice privée », y justifie M. Darmanin.

Le décret fait également état des « liens avec des groupuscules d’ultradroite dont (GI) reçoit un soutien logistique et qui défendent une idéologie appelant à la discrimination, à la violence ou à la haine au nom de théories racialistes ou suprémacistes ».

Capture d’écran d’une vidéo retransmise le 15 mars 2019 montre le tireur Brendon Tarrant dans une voiture avant les fusillades massives dans deux mosquées de Christchurch, en Nouvelle-Zélande. (Capture d’écran : Shooter’s Video via AP)

Il y est encore noté que l’association a reçu des dons de Bredon Tarrant, le tueur des mosquées de Christchurch (Nouvelle-Zélande) où il avait assassiné 51 personnes en mars 2019.

Lors de son audition, en avril 2019, par la commission d’enquête parlementaire sur les groupuscules d’extrême droite, l’ancien directeur de TRACFIN Bruno Dalles avait affirmé que Brendon Tarrant était « membre bienfaiteur » de GI.

« Par cette décision, nous mettons fin aux activités parfois violentes d’un groupe qui avait depuis fort longtemps coupé les ponts avec la République », a fait valoir le porte-parole du gouvernement, Gabriel Attal, en rendant compte des travaux du Conseil des ministres. « Génération identitaire ne défendait plus des idées, il était le bras armé de l’extrémisme et la xénophobie », a-t-il ajouté.

Un nombre de militants réduit mais un écho maxi

Créée en 2012, l’association loi 1901, qui revendique 2 800 adhérents mais dont le nombre de militants et sympathisants est estimé par les spécialistes à 800 tout au plus, présente « l’immigration et l’islam comme des menaces que les Français doivent combattre » et entretient « délibérément la confusion entre musulmans, immigrants et islamistes ou terroristes », selon le ministère de l’Intérieur.

Il rappelle que son « acte fondateur » avait été l’occupation spectaculaire du toit d’une mosquée en construction à Poitiers en 2017, accompagnée de slogans hostiles aux musulmans. Cinq militants de GI ont été d’abord condamnés en 2017 mais relaxés en juin 2020 en appel pour ces faits, jugés prescrits.

« Ils étaient alors environ 70, et des militants de toute la France : c’est-à-dire qu’ils ne pouvaient trouver 70 mecs sur place et dans les environs… mais ils ont tourné toute la journée sur BFM TV ! Leur impact médiatique est disproportionné par rapport à leur nombre », estime auprès de l’AFP Nicolas Lebourg, historien spécialiste de l’extrême-droite.

En 2019, GI avait occupé le toit de la caisse d’allocations familiales de Bobigny et déployé une banderole « De l’argent pour les Français, pas pour les étrangers ». Pour ces faits, 19 militants ont été condamnés en mars 2020 à des peines d’un à trois mois de prison avec sursis.

À l’actif également de l’association, l’agression de supporters turcs lors de l’Euro 2016 de football en France.

« GI a compris qu’il évoluait dans une société du paraître », explique Nicolas Lebourg.

Le groupuscule, initialement la branche jeunesse des Identitaires, mouvement politique d’ultra-droite créé sur les cendres d’Unité radicale (dissous après la tentative d’assassinat sur Jacques Chirac, le 14 juillet 2002, par l’un de ses membres Maxime Brunerie), utilise ainsi abondamment les médias et réseaux sociaux pour diffuser ses idées.

Les vidéos, souvent léchées, de leurs actions coup de poing, sont largement relayées, et leur ancien porte-parole et principale figure médiatique, Damien Rieu (un nom d’emprunt), est très actif sur Twitter pour ses 90 000 abonnés.

« Par ce mode d’action de l’happening médiatique et de l’agit-prop », il s’agit « d’attirer l’attention des médias sur des problèmes de notre société pour ensuite avoir des répercussion politiques derrière », expliquait à Sud Radio le 27 janvier l’une de leurs porte-paroles, Thaïs d’Escufon (un nom d’emprunt également), revendiquant le qualificatif de « Greenpeace de droite ».

« Nous nous définissons comme lanceurs d’alerte » pour « alerter sur les problèmes de l’immigration, de l’islamisation », ajoutait-elle, estimant que « partout où il y a de l’islam, il y a de l’islamisme ».

Les Identitaires défendent une vision ethnique et culturelle de l’Europe blanche et chrétienne à laquelle ne peut s’assimiler selon eux l’islam. Ils prônent ainsi la « remigration », soit le retour de tous les immigrés dans leur pays d’origine.

« L’idée est à la fois de retrouver la fierté et la puissance de cette grande civilisation qu’est l’Europe, et de la purger de tout ce qui est arabo-musulman. Ces deux projets, l’un ‘positif’, l’autre ‘négatif’, vont de pair », souligne Nicolas Lebourg.

Pour les mener et obtenir une large audience, les militants identitaires ont également rompu avec « l’image de maudits, de réprouvés par la société cultivée » par les militants de l’extrême-droite radicale à l’apparence et au style vestimentaire intimidants, selon le chercheur.

Place aux femmes, « mises en avant » comme Thaïs d’Escufons « alors que le mouvement n’est pas tant féminisé », à un « look travaillé » et à de « belles gueules », note Nicolas Lebourg. 

Il développe : « Leur crédo c’est un peu ‘faire peur à l’adversaire, pas à la grand-mère’. C’est une vraie rupture : le militant du GUD (organisation étudiante d’extrême-droite très active dans les années 70/80, NDLR) avec son ‘flight jacket’ (blouson aviateur) et parfois son crâne rasé, ne s’affichait pas à la télé ou sur les réseaux ! »

La dissolution de Génération identitaire intervient alors que le ministère de l’Intérieur a, ces derniers mois, obtenu celle de trois associations proches de la mouvance islamiste (CCIF, BarakaCity, et le collectif Cheikh Yassine) dans le sillage de l’assassinat de Samuel Paty en octobre 2020, et de celle du groupe ultranationaliste turc des « Loups gris ».

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