12 Démocrates juifs appellent Omar à clarifier sa comparaison Israël/Talibans
"Assimiler les États-Unis et Israël au Hamas et aux talibans est aussi offensant que malavisé", indique la déclaration publiée, à l'initiative du représentant Brad Schneider
WASHINGTON (JTA) – Douze des 25 démocrates juifs de la Chambre des représentants des Etats-Unis ont déclaré que le fait d’associer les Etats-Unis et Israël avec les Talibans et le Hamas dans des remarques sur la poursuite des crimes de guerre fournit « une couverture aux groupes terroristes », et ont appelé leur collègue, la représentante Ilhan Omar du Minnesota, à clarifier ses précédentes déclarations.
« Assimiler les États-Unis et Israël au Hamas et aux talibans est aussi offensant que malavisé », indique la déclaration publiée mercredi soir, à l’initiative du représentant Brad Schneider (Illinois).
« Ignorer les différences entre les démocraties régies par l’État de droit et les organisations méprisables qui se livrent au terrorisme, c’est au mieux discréditer l’argument que l’on veut faire passer et au pire refléter des préjugés profondément ancrés. »
« Les États-Unis et Israël sont imparfaits et, comme toutes les démocraties, méritent parfois d’être critiqués, mais les fausses équivalences donnent une couverture aux groupes terroristes », poursuit la déclaration. « Nous demandons instamment à la congressiste Omar de clarifier ses propos plaçant les États-Unis et Israël dans la même catégorie que le Hamas et les Talibans. »
La déclaration est intervenue après une réunion du caucus juif démocrate non officiel plus tôt dans la journée qui a discuté du tweet publié par Omar lundi.
« Nous devons avoir le même niveau de responsabilité et de justice pour toutes les victimes de crimes contre l’humanité », a-t-elle écrit. « Nous avons vu des atrocités impensables commises par les États-Unis, le Hamas, Israël, l’Afghanistan et les Talibans. »
We must have the same level of accountability and justice for all victims of crimes against humanity.
We have seen unthinkable atrocities committed by the U.S., Hamas, Israel, Afghanistan, and the Taliban.
I asked @SecBlinken where people are supposed to go for justice. pic.twitter.com/tUtxW5cIow
— Rep. Ilhan Omar (@Ilhan) June 7, 2021
Omar et un certain nombre d’autres progressistes ont sévèrement critiqué Israël suite au conflit du mois dernier avec le Hamas dans la bande de Gaza. Certains démocrates juifs ont largement critiqué leurs collègues, mais se sont abstenus de les nommer jusqu’à mercredi.
Les démocrates juifs se sont réunis mercredi pour discuter de la montée de l’antisémitisme après le conflit de Gaza, mais Schneider a orienté la conversation vers Omar, dont le tweet avait suscité de vives critiques de la part de groupes pro-israéliens centristes et de droite et de responsables israéliens, ainsi que de républicains et de médias conservateurs.
Finalement, 11 des 25 démocrates juifs ont rejoint Schneider dans la déclaration. Les autres sont Jake Auchincloss (Massachusetts), Ted Deutch, Lois Frankel et Debbie Wasserman Schultz (Floride), Josh Gottheimer (New Jersey), Elaine Luria (Virginie), Kathy Manning (Caroline du Nord), Jerry Nadler (New York), Kim Schrier (Washington), Brad Sherman (Californie) et Dean Phillips (Minnesota), dont la circonscription de Minneapolis est voisine de celle d’Omar.
Des sources ont déclaré que la frustration des membres du caucus était unanime quant au commentaire d’Omar, mais qu’ils ne savaient pas comment y répondre.
Le représentant Jamie Raskin du Maryland, un progressiste de premier plan, a semblé hésiter, mais ne s’est pas opposé catégoriquement à une déclaration, ont indiqué les sources.
Signe que la polémique enfle, un autre élu démocrate, qui n’avait pas signé ce communiqué, John Garamendi, a estimé jeudi qu’Ilhan Omar devait « revenir » sur ses propos.
« Le problème, c’est que ce type de langage incite des violences ici aux Etats-Unis », a-t-il déclaré sur CNN.
Les actes antisémites avaient nettement augmenté en mai aux Etats-Unis, sur fond de conflit entre Israël et le mouvement islamiste palestinien Hamas, selon l’Anti-Defamation League (ADL).
Certains démocrates juifs ont hésité à faire une déclaration.
Plus attendues, les critiques fusent également contre elle du côté des républicains, qui appellent les chefs démocrates à « agir » pour la sanctionner.
Certains pourraient réclamer un vote de censure ou pour l’évincer de son siège à la commission sur les Affaires étrangères, dès leur retour à la Chambre la semaine prochaine.
« Les remarques antisémites et anti-américaines d'(Ilhan) Omar sont abjectes », a tweeté le chef de la minorité démocrate à la Chambre, Kevin McCarthy.
Ilhan Omar, 38 ans, a elle dénoncé jeudi l’initiative « honteuse » de ses collègues, car ils ne l’ont pas, selon elle, contactée directement avant ce communiqué.
« Les stéréotypes islamophobes de ce communiqué sont insultants », a-t-elle tweeté, après avoir confié recevoir une « avalanche de menaces de mort ».
Le porte-parole de la représentante Omar, Jeremy Slevin, a déclaré que ses remarques avaient été sorties de leur contexte et déformées par l’extrême droite.
« Comme d’habitude, l’extrême droite attise la haine contre la représentante Omar pour une question technique sur une enquête en cours », a-t-il déclaré. « C’est le rôle de la représentante en tant que membre du Congrès exerçant une surveillance fédérale de suivre les faits, de poser des questions à l’administration et de travailler pour s’assurer que le public comprenne que notre gouvernement ne devrait pas empêcher quiconque de chercher la justice. »
Le tweet d’Omar contenait une vidéo d’elle interrogeant le secrétaire d’État Antony Blinken au Congrès le même jour sur les raisons pour lesquelles l’administration Biden s’oppose aux efforts de la Cour pénale internationale pour enquêter sur les ressortissants de certains pays pour des crimes de guerre présumés.
Omar a déclaré qu’elle ne pensait pas que le Hamas, le gouvernement afghan, les Talibans et Israël atteignaient le seuil d’un système de justice militaire suffisant pour poursuivre la justice de manière indépendante.
« Je n’ai pas vu de preuves dans les deux cas », – les conflits afghan et de Gaza, – « que les tribunaux nationaux peuvent et veulent poursuivre les crimes de guerre et les crimes contre l’humanité », a-t-elle déclaré. « Où pensez-vous que les victimes sont censées aller pour obtenir justice, et quels mécanismes de justice soutenez-vous ? »
Slevin a déclaré que sa question visait à remercier l’administration Biden d’avoir retiré les sanctions imposées à la CPI pour avoir envisagé des poursuites contre des responsables américains et israéliens, et à demander à quel mécanisme les victimes de crimes de guerre présumés pourraient accéder en dehors de la CPI.
Les responsables israéliens et les principaux responsables pro-israéliens ont exprimé leur indignation face au tweet d’Omar.
« Plus que choquant. Au-delà du répréhensible », a déclaré sur Twitter David Harris, directeur général de l’American Jewish Committee. « Les membres de son propre parti vont-ils s’exprimer ? » Schneider a été impliqué dans l’AJC avant d’entrer au Congrès.
Brad Sherman, qui a également un passé pro-israélien, a posté : « Ce n’est pas une nouvelle qu’Ilhan Omar fasse des déclarations scandaleuses et clairement fausses sur l’Amérique et Israël. Ce qui est nouveau, c’est qu’elle admet que le Hamas est coupable d’atrocités innommables. Il est temps pour tous les détracteurs d’Israël de condamner le Hamas. Et il est temps pour toutes les personnes de bonne volonté de rejeter toute équivalence morale entre les États-Unis et Israël d’une part, et le Hamas et les Talibans d’autre part. »
« J’en ai assez que des collègues diabolisent » Ilhan Omar, a réagi l’élue controversée de la Chambre d’origine palestinienne Rashida Tlaib. « Elle a le courage de dénoncer les abus contre les droits humains, peu importe le responsable. »
« Marre de la calomnie, de la caricature malintentionnée et des critiques publiques constantes d’Ilhan Omar venant de notre groupe parlementaire », a tweeté Alexandria Ocasio-Cortez. « Ils n’ont aucune idée du danger qu’ils font peser sur elle », en faisant remonter l’affaire dans les médias sans lui en parler « en privé ».
En 2019, Ilhan Omar avait été épinglée à la Chambre pour son soutien à la campagne internationale de boycott d’Israël, que certains partisans de l’Etat hébreu assimilent à une forme d’antisémitisme.
Elle avait ensuite affirmé que le lobby pro-Israël Aipac finançait les responsables politiques américains afin qu’ils soutiennent ce pays du Proche-Orient, provoquant de nouvelles accusations d’intolérance.