25 000 bougies illuminent Tel Aviv 25 ans après l’assassinat de Rabin
Une installation sur la place Rabin, où l'ancien Premier ministre a été assassiné, clôt une journée de commémorations nationales assombrie par les tensions politiques actuelles
Des milliers de bougies ont été allumées jeudi sur la place Rabin à Tel Aviv pour marquer le 25e anniversaire de l’assassinat du Premier ministre Yitzhak Rabin, abattu par un extrémiste juif alors qu’il tentait d’instaurer la paix avec les Palestiniens.
Le Centre Yitzhak Rabin a affirmé avoir allumé 25 000 bougies sur la place qui porte désormais son nom, là où il a été assassiné le 4 novembre 1995, après un discours lors d’un rassemblement pour la paix.
L’idée se basait sur la tradition juive d’allumer une bougie à la mémoire d’un être cher à l’anniversaire de sa mort. De nombreuses bougies avaient été allumées par des adolescents et jeunes Israéliens dans les jours qui ont suivi le meurtre.
L’allumage vient clore les 24 heures de cérémonies et d’événements organisés dans tout le pays à la mémoire du leader de gauche. Israël organise les cérémonies commémoratives pour marquer cet anniversaire selon le calendrier juif. Cette année, la date hébraïque de cet anniversaire tombe un vendredi, ce qui a conduit à organiser les événements le jour précédent.

Le candidat démocrate à la présidentielle américaine Joe Biden a honoré Rabin dans un tweet, où il s’est félicité d’avoir été son « ami ».
I join Israelis in honoring Prime Minister Yitzhak Rabin z"l, 25 years after his assassination. He led a life of service to his country and its security — and bravely gave his life pursuing peace. I was honored to call him a friend.
— Joe Biden (@JoeBiden) October 29, 2020
Plus tôt dans la journée, lors d’une session spéciale de la Knesset en l’honneur de cet anniversaire, le Premier ministre Benjamin Netanyahu a déclaré que des menaces similaires contre sa vie et sa famille n’étaient pas prises au sérieux.
« 25 ans après le meurtre de Rabin, il y a des incitations à assassiner le Premier ministre et sa famille, et presque personne ne dit rien », a déclaré Netanyahu, provoquant les huées de certains députés.
Le Premier ministre, sous pression constante de la part de manifestants au sujet des affaires pénales engagées contre lui, n’a pas précisé quelles menaces il avait reçues. La police a enquêté sur un certain nombre de menaces proférées contre Netanyahu et sa famille sur les réseaux sociaux, mais il est difficile de savoir si les forces de l’ordre les considèrent comme crédibles.
Netanyahu lui-même a été accusé d’avoir contribué à créer une atmosphère de haine qui a conduit l’assassin de Rabin, Yigal Amir, à appuyer sur la gâchette, ce qui a laissé une tache indélébile sur la nation.
« Nous devons rejeter l’incitation à la haine quel que soit son origine, envers toutes les communautés. Envers les Juifs, envers les Arabes, envers les dirigeants », a déclaré Netanyahu. « Depuis la nuit des temps, notre peuple a connu des catastrophes nationales lorsque des fanatiques déchaînés ont appliqué leur propre justice. Si nous permettons aux personnes marginalisées d’en faire autant aujourd’hui, nous nous retrouverons une fois de plus au bord du gouffre. »

Le chef de l’opposition, Yair Lapid, a déclaré que, depuis le meurtre de Rabin, l’incitation à la haine provient « des mêmes personnes ».
« Le véritable héritage de Rabin n’est ni la paix ni la guerre. C’est la confiance. Rabin était un dirigeant dont le leadership reposait sur la confiance. Les gens l’ont cru, donc ils ont cru en lui », a déclaré Lapid.
« L’État d’Israël traverse l’un des moments les plus difficiles de son histoire. Ce n’est pas seulement la pandémie. C’est ce qui se passe en nous. L’incitation à la haine est de retour. La même incitation, par les mêmes personnes. La division, la fracture, le repli identitaire – tout est là. La vérité et le mensonge ont le même statut. La violence est légitime. La haine est un outil politique. Un échec du leadership », a déclaré Lapid.

Lors d’une autre cérémonie jeudi, le président Reuven Rivlin a allumé une bougie commémorative depuis sa résidence et a exprimé sa tristesse face aux divisions au sein de la société israélienne qui se sont creusées encore davantage depuis cet assassinat.

« Je me surprends aujourd’hui à m’interroger sur l’âme de ce pays qu’Yitzhak aimait tant. Cette année, plus que jamais, nous nous réunissons ici aujourd’hui et je crains que les clivages parmi nous ne s’embrasent en constituant un danger pour notre foyer », a déclaré Rivlin.
« 25 ans plus tard, le pays est divisé en deux camps comme la mer Rouge et la haine gonfle sous nos pieds. Il est inadmissible d’exposer des pancartes appelant à la mort de citoyens. Il est inadmissible que les journalistes vivent sous la menace. Il est inadmissible que les citoyens affrontent d’autres citoyens. Il est inadmissible que la police soit confrontée à de graves agressions verbales », a déclaré Rivlin.
« Et il est inadmissible que quelqu’un considère l’assassinat d’un Premier ministre, ministre, président, membre de la Knesset, comme une possible option. Il est inadmissible que nous permettions ou tolérions le prochain meurtre politique, même d’une manière infime, par nos discours ou par notre silence, par notre choix de regarder ou de détourner les yeux, par notre action ou par notre inaction », a déclaré Rivlin.
Rabin fut l’un des chefs militaires légendaires d’Israël : il a commandé l’unité de combat du Palmach dans les forces armées pré-étatiques, puis il a gravi les échelons jusqu’à devenir chef d’état-major de l’Armée de défense d’Israël lors de la victoire d’Israël dans la guerre des Six jours en tant que soldat de carrière.

Il s’est ensuite lancé dans une carrière politique et a servi deux mandats en tant que Premier ministre.
Après avoir été élu Premier ministre pour la deuxième fois en 1992, il a travaillé au service de la paix avec les Palestiniens, en essayant en vain de forger un accord permanent avec le chef de l’OLP Yasser Arafat.
En 1994, il a reçu le prix Nobel de la paix avec le ministre des Affaires étrangères de l’époque Shimon Peres et Arafat, pour sa contribution à la signature des accords de paix d’Oslo.
Il a été abattu par Yigal Amir, un ultra-nationaliste qui purge actuellement une peine à perpétuité.