Israël en guerre - Jour 468

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Analyse

A Hébron, l’armée découvre qu’il est très facile de disparaître

Israël a dévoilé le nom des principaux suspects de l’enlèvement du 12 juin, mais les retrouver est une autre histoire

Avi Issacharoff est notre spécialiste du Moyen Orient. Il remplit le même rôle pour Walla, premier portail d'infos en Israël. Il est régulièrement invité à la radio et à la télévision. Jusqu'en 2012, Avi était journaliste et commentateur des affaires arabes pour Haaretz. Il enseigne l'histoire palestinienne moderne à l'université de Tel Aviv et est le coauteur de la série Fauda. Né à Jérusalem , Avi est diplômé de l'université Ben Gourion et de l'université de Tel Aviv en étude du Moyen Orient. Parlant couramment l'arabe, il était le correspondant de la radio publique et a couvert le conflit israélo-palestinien, la guerre en Irak et l'actualité des pays arabes entre 2003 et 2006. Il a réalisé et monté des courts-métrages documentaires sur le Moyen Orient. En 2002, il remporte le prix du "meilleur journaliste" de la radio israélienne pour sa couverture de la deuxième Intifada. En 2004, il coécrit avec Amos Harel "La septième guerre. Comment nous avons gagné et perdu la guerre avec les Palestiniens". En 2005, le livre remporte un prix de l'Institut d'études stratégiques pour la meilleure recherche sur les questions de sécurité en Israël. En 2008, Issacharoff et Harel ont publié leur deuxième livre, "34 Jours - L'histoire de la Deuxième Guerre du Liban", qui a remporté le même prix

Photo illustrative de soldats israéliens dans la ville de Hébron en Cisjordanie (Crédit photo: Porte-parole de Tsahal / Flash90)
Photo illustrative de soldats israéliens dans la ville de Hébron en Cisjordanie (Crédit photo: Porte-parole de Tsahal / Flash90)

Des autobus remplis de soldats de l’école des commandants de peloton sont arrêtés sur l’autoroute Trans-Judée mardi. Des centaines de soldats sont descendus avec précaution vers le lit des rivières au nord de la route, qui fait partie du village de Beit Kahil, au nord d’Hébron.

Les futurs commandants, qui portent des armes et des gilets de combat – certains d’entre eux portant des gilets pare-balles vétustes, peu susceptibles de beaucoup aider en cas d’attaque – ont commencé une recherche minutieuse dans la zone.

Des lignes de soldats se déplacent entre les maisons, scrutant les grottes, les puits et les cours d’eau. Cette fois aussi, tout comme les 11 derniers jours – en vain.

La veille, les soldats avaient trouvé une collection de grenades et des fusils de sniper dans une maison, mais pas les ravisseurs de Naftali Fraenkel, Eyal Yifrach et Gil-ad Shaar, ni les trois adolescents eux-mêmes.

La région de Hébron est si immense, avec de nombreux petits canyons et cachettes – qu’une armée entière aurait des difficultés à la scuter entièrement – supposant que les adolescents sont encore dans la région.

Les ravisseurs avaient assez de temps la nuit de l’enlèvement, le 12 juin – sept heures avant que les services de sécurité ne réalisent ce qui s’était passé – et beaucoup de moyens pour atteindre n’importe quel point du territoire, ou au sein de la Ligne verte, s’ils le voulaient.

Il y a quatre ans, les forces de sécurité palestiniennes ont trouvé une maison dans le quartier de Haris dans la banlieue nord de Hébron – qui surplombe la route où les bus sont garés en semaine – à partir de laquelle il y avait un tunnel qui atteignait l’autoroute Trans-Judée.

Le Hamas, il semblerait, avait creusé le tunnel pour mener les attaques sur la route, et s’échapper. La leçon à tirer de cet incident, et des fouilles sans fin des deux dernières semaines, est que sans indication précise, l’emplacement des ravisseurs ou des victimes sera difficile, voire impossible, à déterminer.

C’est ce qui a conduit à la décision des commandants de l’armée plus tôt cette semaine de réduire le profil des opérations des recherches sur le terrain aussi longtemps qu’il n’y aura pas d’informations spécifiques exploitables.

Mais ce n’est pas le seul facteur. L’opération, qui également est dirigée plus largement contre l’infrastructure du Hamas, est destinée à s’affaiblir une fois que la sécurité aura compris que, à la veille du Ramadan qui commence ce samedi, la présence manifeste de l’armée israélienne ne mènerait pas à la libération ou ne permettrait pas de retrouver les adolescents, mais attiserait plutôt les haines.

La frustration de la population palestinienne dans les territoires peut être ressentie lorsque l’on voit la série d’affrontements avec les forces de sécurité israéliennes, et comme nous l’avons vu samedi soir, une attaque contre un poste de police de l’Autorité palestinienne, un événement que ni Israël ni l’Autorité palestinienne ne veulent revivre.

Et il semble que le retrait de Hébron a un peu atténué l’atmosphère tendu. Mardi après-midi, la ville ressemblait à un grand centre commercial. Des milliers de personnes en virée shopping ont transformé le cœur de la ville en un immense embouteillage – extraordinaire même pour le Hébron normalement bondé.

Tandis que le Hamas a enlevé les trois adolescents israéliens dans un mouvement visant à renforcer le soutien pour l’organisation, et surtout à embarrasser Mahmoud Abbas, le président de l’Autorité palestinienne a répondu avec une attaque sans précédent contre les ravisseurs, et a menacé de les traiter en conséquence lorsque leurs identités seraient découvertes.

Le processus interne de réconciliation Fatah-Hamas, récemment décrié par le gouvernement israélien comme une menace énorme pour le bien-être du pays, est devenu depuis l’enlèvement une notion irréaliste, pas encore officiellement annulée, mais qui disparaît rapidement de l’ordre du jour des Palestiniens en Cisjordanie et à Gaza.

La position ferme d’Abbas contre les ravisseurs a également brisé l’apathie de l’opinion publique israélienne envers les Palestiniens et l’Autorité palestinienne. Soudain, des hordes de journalistes des grands médias écrivent avec empathie au sujet du « leader » des Palestiniens, relançant l’idée qu’Israël a un partenaire potentiel de paix.

Mais Abbas paie, et continuera de payer, un prix lourd pour sa position qui n’est pas populaire parmi son peuple.

L’Autorité palestinienne est en train de perdre son emprise sur son public – maintenant prêt à attaquer ses propres représentants, ses propres policiers, dans le cœur de sa capitale administrative, à Ramallah.

Abbas connaît aussi la solitude d’un leader qui prend une position qui va à l’encontre des positions de son peuple. Aucun membre du Fatah ou l’AP se tiennent à ses côtés. Tout à coup, les fonctionnaires qui ont donné d’innombrables interviews à la presse dans le passé – comme la tête de l’équipe de négociation de l’AP, Saeb Erekat, son ancien collègue de l’équipe Mohammad Shtayyeh, et bien d’autres – ont disparu. Ils n’ont pas murmuré un mot sur l’enlèvement, pas un mot en défense de leur président.

Les hauts fonctionnaires du Fatah ont la tête ailleurs en ce moment. Dans un mois et demi, la septième conférence générale du Fatah devrait avoir lieu, au cours de laquelle la direction de l’organisation sera élu – à la fois le Comité central du Fatah et le Conseil révolutionnaire du Fatah. Personne à ce stade ne veut apparaître comme n’étant pas suffisamment patriotique en critiquant un enlèvement qui, après tout, pourrait aboutir à la libération des prisonniers.

Les ravisseurs et le Hamas

Il n’est pas facile de nos jours d’être un agent de terrain du Shin Bet opérant à Hébron. La mission pour retrouver les adolescents et leurs ravisseurs – pour localiser ce que les médias hébreux appellent
« l’indice en or » – retombe sur les épaules de ces agents. Mais la mission est le moins qu’on puisse dire problématique.

Un ancien haut responsable des services de sécurité de l’AP a déclaré au Times of Israel cette semaine que lorsque ses hommes réussissait dans le passé à arrêter les cellules planifiant un enlèvement et les interrogeaient, ce qui était clair était qu’il était facile de tout simplement disparaître.

La première chose qui sort de ces interrogatoires est que les membres de ces cellules (les plus sérieuses, en tout cas) avaient préparé une cachette à l’avance. C’est habituellement un sous-sol ou un tunnel, et il y a des milliers et des milliers de ces cachettes dans les maisons de Hébron.

En 2012, l’AP a trouvé une planque de ce genre dans le village d’Urif, dans la région de Naplouse du nord de la Cisjordanie. Le plan de cette cellule était d’amener la victime israélienne là et la garder pendant une longue période de temps.

« Il y avait de l’électricité là-bas, peut-être une télévision et bien sûr, beaucoup de nourritures et de boissons. Les ravisseurs vont dans le souterrain et se cachent, et la question est à quelle moment ils devront quitter la cachette », a déclaré le fonctionnaire au Times of Israel. « Le problème est qu’à partir du moment où ils déconnectent leurs téléphones portables et se débarrassent d’eux, la possibilité de savoir où ils sont est extrêmement limitée ».

Dans le cas des trois adolescents israéliens enlevés, l’identité des ravisseurs était connue dès le début et a maintenant été rendue publique – Marouane Kawasmeh, 29 ans, et Amer Abou Eisheh, 32 ans. Ils vivaient à proximité de l’autoroute Trans-Judée, dans le quartier de Hares à Hébron. Ils priaient à la même mosquée. L’un allait même à la maison de l’autre pour faire couper les cheveux de ses enfants.

Ce sont des membres dévoués du Hamas. Pas le genre qui ont une connexion faible et secrète avec le mouvement, mais ceux qui ont grandi aux pieds des membres plus âgés. (En raison de la censure militaire israélienne, je ne peux pas entrer dans les détails.)

Au-delà de la question de l’identité des ravisseurs, une autre question est dans ​​l’esprit de l’armée israélienne et le Shin Bet maintenant : Qui a aidé les deux suspects et leur cellule à créer l’infrastructure de l’enlèvement ? Ont-ils agi de leur propre chef, ou ont-ils reçu un soutien financier et matériel provenant d’autres sources ?

Il est toujours possible que la cellule de Hébron ait agi seul. Mais il est plus probable, étant donné les exigences logistiques (cachette, nourriture, voiture, etc.), que d’autres personnes les ont aidés, au moins financièrement.

Un responsable de la sécurité a déclaré la semaine dernière que Saleh al-Arouri, qui est Cisjordanien, mais vit actuellement en Turquie, est soupçonné d’aider la cellule en amont de l’enlèvement. Mais des sources de sécurité ont également ajouté qu’ils n’ont aucune preuve.

Dans le même temps, les hauts fonctionnaires de sécurité de l’AP affirment que ceux qui planifient sont des figures centrales du Hamas, qui voulaient avant tout torpiller les efforts de réconciliation. Selon ces responsables, il y a, aujourd’hui, un groupe important dans l’organisation terroriste profondément opposé à la réconciliation avec le Fatah aux conditions acceptées par la direction de Gaza.

« Ils ne sont pas d’accord pour abandonner le pouvoir à Gaza, ou avec la façon dont la direction du Hamas à Gaza a échoué pour trouver une solution au problème des salaires des employés. Pour eux, l’enlèvement était une chance réelle de renforcer le soutien populaire à pour l’organisation, d’une part, et d’arrêter la réconciliation, de l’autre ».

Après tout, qu’est qui pourrait être plus efficace que l’enlèvement de trois Israéliens en vue de régler des comptes politiques intra-palestiniens ?

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