À Jérusalem, le candidat à la papauté Pizzaballa est sur la corde raide dans le contexte de la guerre
Le patriarche latin de Jérusalem, qui vit dans la capitale depuis des décennies, s'efforce de maintenir de bonnes relations avec les Israéliens et les Palestiniens, tout en étant réaliste quant aux défis à relever

Fin diplomate et théologien polyglotte au caractère déterminé, le cardinal italien Pierbattista Pizzaballa s’est retrouvé sur le devant de la scène en tant que patriarche latin de Jérusalem depuis fin 2023 avec la guerre entre le Hamas et Israël.
Plus haut responsable catholique de la région, sa juridiction s’étend sur les catholiques latins d’Israël, des territoires palestiniens, de Jordanie et de Chypre.
Ce Franciscain de 60 ans à la barbiche poivre et sel, installé à Jérusalem depuis 1990, s’est toujours efforcé d’entretenir de bonnes relations aussi bien avec les autorités israéliennes que palestiniennes, malgré des moments de tensions avec Israël au début du conflit avec le Hamas.
Lors de sa dernière rencontre avec des journalistes à Jérusalem, avant son départ pour Rome où il prendra part au conclave, il a salué l’héritage du pape François, qui devrait selon lui perdurer. « On ne peut pas être pleinement religieux si l’on ne travaille pas pour la paix, la réconciliation et le dialogue », a-t-il souligné.
« Ici, nous sommes amis de tous, comme saint François, (car) nous n’avons aucun pouvoir. Rien à défendre, tout à donner », disait-il en mars 2023 à l’hebdomadaire catholique Famiglia Cristiana.
Mais en octobre 2023, quelques jours après l’attaque du Hamas et la guerre qui s’est ensuivie, il signe un communiqué conjoint avec d’autres responsables religieux de la région qui, sans condamner l’attaque du Hamas, provoque la colère d’Israël en demandant à ce dernier « d’éviter de tuer des innocents ».

Ce fin connaisseur de la société israélienne prend ensuite ses distances avec le texte, affirmant comprendre la réaction israélienne, qui dit combattre une guerre qui lui a été imposée, et condamnant « la barbarie inacceptable et incompréhensible du Hamas ».
Quelques jours plus tard, il fait la une de la presse en proposant de se substituer aux enfants israéliens retenus comme otages à Gaza.
Depuis, il essaie de rester impartial entre les deux parties, conscient du rôle marginal des chrétiens dans ce conflit. « Politiquement, nous sommes plus ou moins insignifiants », concédait-il en août 2024.
Et face à ce conflit qui perdure, il déplore qu' »en ce moment, chrétiens, juifs et musulmans n’arrivent pas à se retrouver (…) et (même) au niveau institutionnel, nous avons du mal à parler entre nous ».
« Nous reconstruirons tout »
Né le 21 avril 1965 dans la région de Bergame (nord de l’Italie), Pierbattista Pizzaballa se rend très jeune en Emilie-Romagne (centre-nord), où il effectue toute son éducation religieuse jusqu’à obtenir en 1990 son diplôme en théologie.
La même année, il part à Jérusalem où il se spécialise dans l’étude de la Bible et entre rapidement dans la custodie de Terre Sainte, qui regroupe les Franciscains présents en Israël, dans les territoires palestiniens, en Jordanie, en Syrie, au Liban, en Egypte, à Chypre et dans l’île de Rhodes.
De 2004 à 2016, Mgr Pizzaballa est le supérieur hiérarchique des Franciscains dans cette région, avant d’être nommé administrateur apostolique du Patriarcat de Jérusalem (2016-2020), période lors de laquelle il remet de l’ordre dans les finances en dépit des résistances, puis patriarche en 2020.
Parlant parfaitement l’hébreu, il est très impliqué dans le dialogue interreligieux et est connu des autorités locales pour son action sur le terrain.
Souvent décrit comme un homme opiniâtre, il est créé cardinal en 2023 par le pape François dont il suit les traces, cherchant à rester au plus près de ses fidèles.

Certains de ses proches voient en lui un possible successeur au jésuite argentin, l’ordre franciscain prônant une vie de pauvreté.
Mgr Pizzaballa a ainsi effectué une visite surprise à Gaza le 22 décembre 2024, où il a présidé une messe trois jours avant Noël, même si le territoire palestiniens ne compte qu’un millier de chrétiens environ, dont seulement 135 catholiques.
« Tout le monde voulait venir pour être avec vous et apporter des cadeaux (…) Vous êtes devenus la lumière de notre Église dans le monde entier », avait-il déclaré dans son homélie prononcée dans la paroisse de la Sainte Famille où, au cours du conflit, la communauté chrétienne avait cherché refuge.
« Je ne sais pas quand ni comment cette guerre se terminera, et chaque fois que nous approchons de la fin, il semble que nous recommencions à zéro. Mais tôt ou tard, la guerre se terminera (…), nous reconstruirons tout: nos écoles, nos hôpitaux et nos maisons », avait-il ajouté.
« Nous ne vous abandonnerons jamais », avait-il également promis.