À Paris, un Pessah assombri par les 129 otages israéliens encore aux mains du Hamas
La France compte la première communauté juive d'Europe, qui se mobilise depuis l'automne pour les otages : tous les vendredis à midi, un rassemblement est organisé au Trocadéro pour réclamer leur libération
« Une solennité encore plus forte » : la fête de Pessah, qui commence lundi soir pour marquer la Pâque juive, est entourée d’une gravité particulière pour les Français de confession juive qui espèrent la libération des otages du Hamas.
« C’est la fête de la liberté, où l’on parle de tous les opprimés, de toutes sortes de libérations », explique Pauline Bebe, rabbin de la communauté juive libérale d’Ile-de-France, en rappelant que Pessah commémore la libération de l’esclavage que les Juifs subissaient en Egypte.
« Il y a nécessairement une résonance particulière » cette année puisque la fête « s’inscrit pour la première fois dans l’après 7-Octobre » et prendra « une dimension et une solennité encore plus forte », observe le président du Consistoire central Elie Korchia.
A Pessah, qui commence le premier soir par un repas (le Séder) propre aux retrouvailles, « toutes les familles juives dans le monde auront une pensée pour les personnes tuées et celles qui ne peuvent pas participer aux fêtes », dit-il.
Cette fête d’une semaine est l’une des plus importantes du calendrier : « Se trouver dans le cadre familial, quel que soit le degré de pratique, est toujours un moment essentiel de la fête de Pessah », ajoute-t-il.
Au matin du 7 octobre, des commandos du Hamas ont mené des attaques sanglantes dans le sud d’Israël qui ont fait 1 170 morts, d’après un décompte de l’AFP à partir de chiffres officiels israéliens. Plus de 250 personnes ont été enlevées et Israël estime que 129 otages restent captifs.
La France compte, avec un demi-million de personnes, la première communauté juive d’Europe, qui se mobilise depuis l’automne pour les otages : tous les vendredis à midi, un rassemblement est organisé au Trocadéro pour demander leur libération.
Cette année, le grand rabbin de France Haïm Korsia a également demandé de garder une place vide à table « pour associer les otages absents aux festivités ». Lui aussi estime que Pessah « va prendre toute sa signification cette année ».
« Trop dangereux »
Pessah intervient aussi une dizaine de jours après les attaques de l’Iran contre Israël, le 13 avril. Au lendemain de cette offensive, le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin a demandé aux préfets de renforcer la sécurité devant les lieux de culte juifs ainsi que devant les écoles confessionnelles.
Des mesures qui en rassurent certains : « La sécurisation est nécessaire, les gens en sont conscients et sont très heureux de voir les services de sécurité présents », assure Maurice Dahan, le président du Consistoire israélite du Bas-Rhin.
D’autres sont plus sceptiques. « Je n’irai pas à la synagogue, c’est trop dangereux », affirme Rebecca, 42 ans, qui refuse « par sécurité » de donner son nom. Elle est d’ailleurs venue dans un supermarché de Bagnolet faire ses courses de Pessah sans sa fille parce que « s’il se passe quelque chose, c’est moi qui prends ».
Comme beaucoup, Rebecca témoigne d’une hausse des actes antisémites depuis le 7 octobre (+ 284 % à 1 676 l’an dernier, selon l’Intérieur) : « J’ai reçu un mot dans ma boîte aux lettres disant ‘tu es la prochaine sur la liste, sale juive' », affirme-t-elle.
Lors des 80 ans du Crif, en mars, le président de la République Emmanuel Macron a affirmé que l’Etat continuerait à être « intraitable » face à l’antisémitisme.
Du côté du Consistoire, on assure qu’ « il n’est pas question de tomber dans la psychose » malgré « un climat particulièrement anxiogène »: « L’état d’esprit est très résilient, on fait tout pour rester positif », explique Elie Korchia.
Dans le supermarché où il pousse son caddie entre les rayons proposant pain azyme et concombre mariné, Claude se veut philosophe : « Ça va passer, je ne m’en fais pas », note ce Parisien de 85 ans, convaincu qu’ « Israël s’en sortira ».