Alon Ushpiz : La réforme judiciaire nuira à la réputation d’Israël
Selon l'ancien directeur des Affaires étrangères, Israël ne pourra plus se prévaloir de l'indépendance de son système judiciaire pour se protéger d’un examen de la CIJ
Alon Ushpiz, diplomate chevronné, qui a récemment démissionné de son poste de directeur général du ministère des Affaires étrangères, a prévenu que la refonte judiciaire controversée du gouvernement pourrait avoir un impact considérable sur la réputation internationale d’Israël et lui faire courir le risque de se voir poursuivi devant les tribunaux internationaux.
« Israël a besoin, pour ses relations étrangères, d’un système juridique indépendant et fort », a déclaré Ushpiz dans une interview accordée au quotidien Haaretz et publiée jeudi. « Notre intérêt stratégique est évident à cet égard. »
Ushpiz, qui a démissionné en janvier, est diplomate de carrière depuis 30 ans. Il a été à la tête du ministère pendant plus de deux ans sous les ministres Gabi Ashkenazi et Yair Lapid, lequel vient d’être remplacé par Eli Cohen du Likud.
Selon Ushpiz, si Israël a réussi à échapper pendant si longtemps à la censure des tribunaux internationaux, c’est grâce à son système judiciaire indépendant, et sa capacité à mener des enquêtes sur tout signalement d’abus et de violations.
« Notre capacité à promouvoir et à défendre les intérêts fondamentaux d’Israël en dépend grandement. Ces questions concernent également notre sécurité », a-t-il déclaré.
C’est notamment le cas en matière de protection des soldats de l’armée israélienne contre les accusations de crimes de guerre liés au conflit avec les Palestiniens.
« L’État d’Israël, et ses différents gouvernements, ont toujours compté sur les fonctionnaires de l’État pour assurer la meilleure protection possible à un commandant de peloton ou de compagnie envoyé en mission. Pour que les gens qui vivent ici soient disposés à effectuer ces missions, ils doivent être assurés que des gens comme moi feront tout leur possible pour les protéger face à menace légale, et que ces gens disposent des meilleurs outils pour le faire », a déclaré Ushpiz.
Ushpiz a cité en exemple la barrière de sécurité de Cisjordanie, dont la construction il y a près de vingt ans – officiellement pour empêcher les kamikazes palestiniens de pénétrer en Cisjordanie – avait fait l’objet de nombreuses critiques internationales et d’un examen minutieux par les tribunaux internationaux.
« Le fait qu’aucun des avis de la Cour internationale de justice n’ait eu d’incidence sur nos relations avec la communauté internationale dans la pratique vient du fait que la Haute Cour de justice a repris l’examen du tracé de la barrière et a rendu toutes sortes de décisions », a déclaré Ushpiz.
« Même le gouvernement d’Israël, et ce n’était pas un gouvernement de gauche, a accepté d’en modifier le tracé afin de se conformer à la norme [fixée par la Cour]. Depuis lors, nous n’en entendons plus parler et jusqu’à aujourd’hui, ladite barrière permet de protège des vies et il n’y a aucune discussion publique ou internationale à ce sujet avec la communauté internationale. »
Les critiques d’Ushpiz rejoignent celles d’autres anciens fonctionnaires qui ont averti que la réforme judiciaire proposée saperait la démocratie israélienne et nuirait à son économie et à sa sécurité.
Les réformes, qui sont en passe d’être adoptées par la Knesset depuis plusieurs semaines, prévoient notamment que la nomination des juges, y compris ceux de la Cour suprême, soit entièrement contrôlée par le gouvernement, que l’autorité de la Cour suprême concernant l’examen et l’invalidation des lois soit supprimée et que les politiciens puissent nommer, et limoger, leurs propres conseillers juridiques.
Ces projets ont engendré des manifestations hebdomadaires de masse dans les grandes villes, des mises en garde alarmantes émanant d’universitaires, d’économistes, de juristes et d’entrepreneurs technologiques en Israël et à l’étranger ; ils ont également fait l’objet de critiques virulentes de la part de l’opposition.