Alors que l’orage se prépare en Cisjordanie, Abbas se cherche un successeur
Septembre pourrait être un mois fatidique, avec une escalade de la violence, des changements majeurs chez les dirigeants palestiniens, ou les deux
Avi Issacharoff est notre spécialiste du Moyen Orient. Il remplit le même rôle pour Walla, premier portail d'infos en Israël. Il est régulièrement invité à la radio et à la télévision. Jusqu'en 2012, Avi était journaliste et commentateur des affaires arabes pour Haaretz. Il enseigne l'histoire palestinienne moderne à l'université de Tel Aviv et est le coauteur de la série Fauda. Né à Jérusalem , Avi est diplômé de l'université Ben Gourion et de l'université de Tel Aviv en étude du Moyen Orient. Parlant couramment l'arabe, il était le correspondant de la radio publique et a couvert le conflit israélo-palestinien, la guerre en Irak et l'actualité des pays arabes entre 2003 et 2006. Il a réalisé et monté des courts-métrages documentaires sur le Moyen Orient. En 2002, il remporte le prix du "meilleur journaliste" de la radio israélienne pour sa couverture de la deuxième Intifada. En 2004, il coécrit avec Amos Harel "La septième guerre. Comment nous avons gagné et perdu la guerre avec les Palestiniens". En 2005, le livre remporte un prix de l'Institut d'études stratégiques pour la meilleure recherche sur les questions de sécurité en Israël. En 2008, Issacharoff et Harel ont publié leur deuxième livre, "34 Jours - L'histoire de la Deuxième Guerre du Liban", qui a remporté le même prix

La bonne nouvelle de la Cisjordanie ces dernières semaines est que le public palestinien n’est pas allé dans la rue en masse pour protester contre la détention administrative de Mohammed Allaan, qui faisait une grève de la faim.
Malgré le flot continu de députés arabes pour des séances photo au Centre médical Barzilai à Ashkelon en compagnie du membre du Jihad islamique (au cas où quelqu’un aurait oublié ce fait mineur), il n’y a pas beaucoup d’agitation pour cette cause dans les Territoires palestiniens.
Oui, il y a bien eu des manifestations, mais elle étaient relativement restreintes. Même le meurtre horrible, le mois dernier, d’un enfant et de son père palestiniens dans le village de Duma en Cisjordanie, au sud de Naplouse, n’a pas conduit à une troisième Intifada.
Cette indifférence de la rue palestinienne vient comme une sorte de surprise pour les forces de sécurité israéliennes et palestiniennes, toutes deux avaient averti que le meurtre du père et du fils Dawabsha conduirait à une large vague de protestation populaire.
Il est encore trop tôt pour dire s’il y aura des réactions, même si cela sera très probablement sous la forme d’une augmentation supplémentaire de la motivation des brutes solitaires, des assaillants au couteau, des conducteurs qui utilisent leurs voitures telles des béliers, et des personnes qui fabriquent des bombes et improvisent des armes avec des matériels que l’on peut acheter sur n’importe quel marché (comme l’engin qui a été lancé mercredi contre un poste de l’armée près de Bethléem, blessant un soldat israélien).
Comprendre l’indifférence
On peut voir l’augmentation du nombre d’attaques comme une conjonction d’événements spécifiques. On peut aussi adopter une vision à plus long terme.
L’indifférence du public palestinien est peut-être le résultat du désespoir, mais ce même désespoir alimente le feu de ceux qui veulent nuire aux Israéliens.
Des jeunes Palestiniens sont largement concentrés sur des questions de la vie quotidienne et économiques, mais il y a ceux qui veulent mener des attaques de vengeance et une ‘résistance’ armée. L’impasse à un niveau politique, la construction continue d’implantations, le manque d’horizon économique, tout cela entraînera probablement de plus en plus d’attaques de loups solitaires, indépendants et non soutenus par n’importe quelle organisation.
Il faut pourtant ajouter une nuance importante à tous ces avertissements. Lors de la rencotnre cette semaine avec le chef de l’opposition Isaac Herzog, le président de l’Autorité palestinienne Mahmoud Abbas a exprimé sa préoccupation d’une troisième intifada. D’autres officiels palestiniens évoquent aussi la possibilité qu’un seul incident entraîne au final une conflagration plus large.
Cela pourrait commencer avec un incident mineur, pas nécessairement lié à l’armée ou aux habitants des implantations, mais à l’Autorité palestinienne, et qui pourrait se transformer en un conflit plus important. Les débordements populaires sont difficiles à prévoir.
Peut-être que l’augmentation du nombre d’attaques isolées a aussi contribué à ce que l’on appelle l’effet septembre. Il y a ce sentiment global en Cisjordanie que quelque chose de dramatique va probablement avoir lieu le mois prochain, quelque chose qui n’est pas forcément lié à Israël, mais plutôt à des développements politiques internes.
Un brouillard utile
Même si cela a commencé avec des informations en provenance de médias israéliens, la possibilité qu’Abbas quitte son poste en septembre constituera rapidement une discussion houleuse au sein des commentateurs palestiniens.
Si les proches d’Abbas nient ces informations, ils font bien des allusions à quelque chose d’important qui devrait se produire. Le bureau du président de l’Autorité palestinienne ne s’est pas donné la peine de confirmer ou de nier les informations au sujet de la démission imminente d’Abbas, le brouillard est peut-être utile.
Pour le moment, il ne semble pas probable qu’Abbas démissionne. Il continue à consolider intensivement sa position au sein de l’Autorité palestinienne et de l’OLP, et semble tout particulièrement préoccupé à se défaire de ses ennemis de l’intérieur, c’est-à-dire à fermer les bureaux de politiciens ou officiels rivaux.
Après avoir renversé Mohammad Dahlane, Yasser Abed Rabbo et Salam Fayyad, la prochaine cible d’Abbas pourrait bien être Jibril Rajoub, qui apparaît comme l’une des plus puissantes figures de l’OLP.
Abbas prend aussi le temps de promouvoir la personne qu’il aimerait bien avoir comme son éventuel successeur, Saeb Erekat, le secrétaire général du Comité Exécutif de l’OLP et le chef de l’équipe (défunte) de négociation avec Israël. Erekat ne bénéficie pas d’un large soutien populaire, c’est peut-être pourquoi Abbas veut qu’il dirige un jour l’OLP.
Dans tous les cas, quelque chose dans la stabilité politique, même au sein du Fatah, s’est rompu. Dans quelques mois, la septième conférence doit se rassembler afin de choisir la nouvelle direction du Fatah et le contexte politique domestique est brûlant.
Des problèmes sévères avec l’approvisionnement en eau pour plusieurs villes en Cisjordanie au cours de récentes semaines, par exemple, ont conduit à une vague de manifestations contre les maires locaux, notamment le maire de Naplouse Ghassan al-Skaa. Celui-ci est membre du Comité Exécutif de l’OLP et une figure importante du Fatah.
Au cours des dernières élections municipales, il s’est présenté comme candidat indépendant et a remporté la victoire. Suspectant que des personnalités clefs du Fatah étaient derrière les récentes manifestations, et s’étant rendu compte qu’il avait perdu la majorité au conseil municipal, il a démissionné.
Les cadres de Fatah aiguisent leurs couteaux, et les tensions dans le parti devraient augmenter alors que la septième conférence approche.
Dans le même temps, Abbas doit rassembler le Conseil National Palestinien de l’OLP, pour sélectionner des membres du comité exécutif. Aucune date n’a encore été fixée pour le rassemblement mais, à nouveau, la tempète s’annonce déjà.
Mercredi, on a vu apparaître des informations selon lesquelles la moitié des membres du comité exécutif, y compris Abbas et al-Skaa, avaient soumis leurs démissions de leur poste. Ils attendront probablement jusqu’à samedi pour véritablement démissionner, après qu’une annonce officielle soit faite sur la convention du Conseil National Palestinien.
Des officiels israéliens de la Défense s’efforcent désespérément de dissuader Abbas de démissionner de son poste de chef de l’Autorité palestinienne. Même le bureau du Premier ministre comprend clairement que c’est dans le meilleur intérêt d’Israël qu’il reste en fonction.
L’annonce extraordinaire publiée par le bureau de Netanyahu cette semaine, niant tout contact avec le Hamas, devrait être remarquée dans ce contexte.
Le démenti jette une lumière étrange sur les efforts monumentaux de l’ancien représentant du Quartet, Tony Blair, qui a récemment rencontré des hauts responsables du Hamas dans une tentative d’obtenir une trève à long terme avec Israël.
Si le bureau du Premier ministre dément que Blair agissait pour le compte d’Israël ou avec le consentement de l’Etat juif, alors au nom de qui Blair a-t-il rencontré Khaled Meshaal ?
L’Autorité palestinienne, pour sa part, insiste que des officiels israéliens ont effectivement rencontré récemment des représentants du Hamas dans un pays africain.
Dans le même temps, des sources palestiniennes soulignent qu’Israël conduit des négociations directes avec le Hamas pour la libération de deux citoyens israéliens que l’on croit être détenus à Gaza, avec Gershon Baskin, un négociateur de l’accord Shalit, agissant pour Israël, et Ghazi Hamad pour le Hamas.
Selon les sources palestiniennes, Israël a exprimé sa volonté de libérer des prisonniers du Hamas qui avaient été arrêtés avant et pendant l’opération Bordure protectrice de l’été dernier, mais qui “n’avaient pas enfreint la loi”, en échange des deux Israéliens.
Le Hamas a pour l’instant refusé, demandant que tous les prisonniers soient libérés, et donc les négociations ne sont pas parvenues à une solution.