Amichaï Chikli dit avoir « d’excellentes relations avec le RN » de Marine Le Pen
Le ministre de la Diaspora partage et appose sur X des sous-titres au discours de Jordan Bardella, le parti fondé par Jean-Marie Le Pen et Pierre Bousquet, au "bénéfice" de tous les Israéliens

Alors que le premier tour des élections législatives approche à grands pas en France et suscite de profondes divisions au sein de la communauté juive, le ministre israélien de la Diaspora, Amichaï Chikli (Likud et ex-Yamina), a publié mercredi sur Twitter une vidéo montrant le discours du président du parti politique français d’extrême droite du Rassemblement national (RN) Jordan Bardella, – ce qui a laissé certains commentateurs penser que le gouvernement rompait ainsi avec le boycott du parti par les autorités israéliennes, qui dure depuis des dizaines d’années.
Chikli décrit la vidéo, dans laquelle Bardella s’exprime contre une solution à deux États, la qualifiant de « dramatique » et y a ajouté des sous-titres en hébreu afin que les Israéliens puissent comprendre son contenu.
Le parti a été fondé en 1972 par Jean-Marie Le Pen, condamné à plusieurs reprises pour discours de haine antisémite et négationnisme, et par Pierre Bousquet, ancien commandant de la Waffen-SS du parti nazi.
Depuis que Marine Le Pen, la fille de Jean-Marie Le Pen, a pris la tête du parti en 2011, elle a entrepris une tentative de dédiabolisation du parti pour gagner le soutien du grand public. Elle a assuré avoir pris ses distances avec la rhétorique antisémite de son père et l’a exclu du parti en 2015. Elle s’est ensuite focalisée sur les musulmans, qui représentent 11 % de la population française, et qu’elle considère comme une menace pour le pays.
Cependant, bien que Marine Le Pen ait publiquement dénoncé l’antisémitisme, son proche entourage et nombre de ses partisans sont largement accusés de défendre des positions antisémites, homophobes et xénophobes de manière disproportionnée, selon les experts.
נאום דרמטי של מועמד מפלגת RN (מרין לה פן) לראשות ממשלת צרפת ברדלה: תמכנו לאורך השנים בפתרון שתי המדינות, אולם העמדה הזו התיישנה לאור זוועות חמאס ב-7 באוקטובר. הכרה במדינה פלסטינית בעת הזו תהיה פרס לטרור והענקת לגיטימציה פוליטית לתנועה שחרטה על דגלה את השמדת ישראל.@J_Bardella ???????? pic.twitter.com/SZOk9aknIP
— עמיחי שיקלי – Amichai Chikli (@AmichaiChikli) June 24, 2024
Contacté par le quotidien Haaretz, un porte-parole de Chikli a déclaré qu’il avait « d’excellentes relations avec le Rassemblement national et que nous sommes ravis à l’idée d’établir un dialogue productif avec eux ».
Chikli s’était également immiscé dans la politique américaine, déclarant en avril à la radio publique Kan que « si j’étais un citoyen américain avec le droit de vote, je voterais pour [Donald] Trump et les Républicains, » car, selon lui, Joe Biden nuit aux liens avec Israël.
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Chikli, loin d’être apprécié par les Juifs de Diaspora, n’est pas un ministre de premier plan et on ne sait pas à qui ce « nous » faisait concrètement référence. Chikli avait contribué à la chute du gouvernement de Naftali Bennett en quittant le parti Yamina et son ministère est considéré depuis longtemps comme une officine gouvernementale sans but précis, bien que la Diaspora demande de plus en plus à avoir son mot dans la politique israélienne.
Une visite dans un centre juif londonien avait été annulée en septembre dernier en raison de « pressions internes » et de « préoccupations de longue date » concernant les déclarations incendiaires de Chikli, qui encourage les propos au vitriol contre les manifestants qui étaient alors opposés à la refonte judiciaire, ses déclarations antérieures contre la communauté LGBTQ, sa diffusion de théories du complot et sa rhétorique anti-palestinienne.
Chikli avait fait face à des préoccupations similaires lors de ses récents voyages aux États-Unis, où plusieurs groupes juifs ont refusé de le rencontrer et où il a été photographié en train de faire un doigt d’honneur à des manifestants opposés à la réforme du système judiciaire – un geste qu’il a nié.
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« Il y a incontestablement une tentative du RN de séduire les juifs de France, ce n’est pas totalement nouveau mais cela s’est accéléré depuis le 7 octobre », estimait Yonathan Arfi, le président du Crif (Conseil représentatif des institutions juives de France) en amont des élections européennes.
Toutefois sur ce sujet « très sensible » – et qui concerne moins de 1 % du corps électoral – il n’existe « pas de données claires » et « il faut beaucoup se méfier des effets de loupe ».
Les institutions juives, elles, font bloc : « les juifs sont traversés par les même peurs que l’ensemble des Français » mais « le nom de Le Pen reste encore, en partie, un repoussoir puissant », affirmait encore Yonathan Arfi qui fustige « un parti populiste incompatible avec le cadre républicain » et de manière générale les extrêmes.
Mais des personnalités notables ont contribué à brouiller les lignes – par exemple le respecté Serge Klarsfeld, qui a estimé fin mai auprès de l’AFP que le RN « est progressivement entré dans le cercle des partis républicains ». Klarsfeld a récemment précisé qu’en cas de duel contre la nouvelle alliance à gauche, il voterait RN – suscitant une levée de boucliers parmi les personnalités juives. Une démarche qui a été soutenue par Daniel Knoll, le fils de Mireille Knoll, une octogénaire juive assassinée à son domicile parisien en 2018.