Après la libération des otages, la grande incertitude des séquelles psychologiques
Selon les experts, la capacité à récupérer après une telle épreuve varie de façon imprévisible d'une personne à l'autre
Les otages détenus par le Hamas à Gaza, dont un premier groupe doit être libéré cet après-midi, parviendront-ils à se remettre psychologiquement ? Difficile de répondre, selon les experts, tant la capacité à récupérer après une telle épreuve varie de façon imprévisible d’une personne à l’autre.
« Toutes les personnes qui sortent de captivité (…) ne développent pas un stress post-traumatique ou d’autres troubles mentaux, mais c’est le cas d’une importante minorité », explique à l’AFP le psychiatre britannique Neil Greenberg, spécialiste des traumatismes psychologiques.
La question se pose alors qu’une cinquantaine d’otages, femmes et enfants, doivent être libérés ces prochains jours dans le cadre d’une trêve conclue entre Israël et le Hamas, après avoir été captifs de ce dernier, à Gaza, pendant un mois et demi.
Environ 240 personnes ont été enlevées en Israël le 7 octobre, lors de l’attaque du Hamas qui a causé la mort de 1 200 personnes, en grande majorité des civils, selon les autorités israéliennes.
Quelles séquelles mentales garderont ces otages ? Et, sans qu’il soit question de mettre en concurrence les traumatismes, y a-t-il une spécificité psychologique par rapport à d’autres expériences comme les bombardements par Israël sur Gaza, à l’origine de très nombreux morts civils ?
En général, « il n’y a pas de symptôme du stress post-traumatique qui soit spécifique aux otages », tranche M. Greenberg.
En revanche, l’expérience même d’un otage présente des particularités susceptibles de servir de ressort à des troubles futurs : isolement, humiliations potentielles, sentiment d’impuissance…
De plus, les prises d’otages, par la médiatisation dont elles font souvent l’objet, mettent particulièrement en lumière la capacité des victimes à se remettre ou pas.
Certaines ont sombré, comme le journaliste Brice Fleutiaux, qui a mis fin à ses jours en 2001, peu de temps après avoir été retenu en otage en Tchétchénie, ou l’héritier John Paul Getty III, qui ne s’est jamais remis de son enlèvement en Italie dans les années 1970 alors qu’il était enfant, et a plongé dans une spirale d’addictions qui l’ont laissé tétraplégique jusqu’à sa mort.
Sans être aussi dramatiques, une vaste série de symptômes post-traumatiques ont été recensés chez les anciens otages : difficultés à se concentrer et pertes de mémoire, accès dépressifs ou anxieux, mise en retrait de la vie sociale.
Difficile à étudier
Mais les victimes tendent tout de même à reprendre le contrôle de leur vie, et certains anciens otages, aussi paradoxal que cela puisse paraître, enregistrent à terme des conséquences positives de leur expérience sur le plan psychologique.
Comment expliquer ces différences ? Les psychiatres peinent à répondre et admettent qu’il est difficile de savoir à l’avance si un otage risque plus qu’un autre de développer des troubles mentaux.
« On n’a pas clairement délimité les facteurs qui conduisent à une évolution défavorable après une prise d’otage », admettaient en 2009 les auteurs d’un résumé sur le sujet, dans la revue de la Société royale britannique de médecine (RSM).
Quelques possibles facteurs de risque ont toutefois été identifiés : être une femme, avoir un faible niveau d’études, avoir été séquestré longtemps… Mais ces travaux datent et la recherche est difficile à mener sur le sujet.
« Pour des raisons éthiques et pratiques, en particulier quand des enfants sont en jeu, il est difficile de suivre les otages après leur libération », explique le résumé de la RSM, soulignant le risque de réactiver un traumatisme en interrogeant d’anciens otages. « Les données médicales et scientifiques sont donc relativement modestes. »
Beaucoup d’études se basent sur des autobiographies d’anciens otages, un point de vue forcément limité. Des recherches existent aussi sur les anciens prisonniers de guerre, une situation proche mais pas équivalente aux otages.
Un élément, enfin, complique le suivi des séquelles psychologiques : les troubles peuvent mettre longtemps à émerger.
« Cela peut ressurgir un an, deux ans, dix ans après, et c’est absolument imprévisible », explique à l’AFP la psychiatre Christine Roullière, spécialiste des troubles post-traumatiques, qui souligne notamment la nécessité d’une prise en charge dès la libération d’un otage.
Il faut « tout de suite permettre à la personne de verbaliser ce qu’elle a pu vivre », insiste-t-elle. « C’est une façon de remettre dans le fil de sa vie des événements hors normes qui l’ont fait passer de l’autre côté du miroir. L’objectif, c’est d’accompagner le retour dans le monde des vivants. »