Arrêté lors d’une manifestation, un réalisateur qualifie la refonte de « blasphème »
Hagaï Levi, le créateur de la célèbre série de HBO "Our Boys" a été arrêté lors d'un rassemblement à Tel Aviv pour avoir filmé la police
Jessica Steinberg est responsable notre rubrique « Culture & Art de vivre »
Le réalisateur israélien Hagaï Levi a fustigé le nouveau gouvernement et sa réforme du système judiciaire après avoir été arrêté alors qu’il filmait la police lors d’une manifestation jeudi dernier.
Levi a qualifié les efforts du gouvernement pour réduire le système judiciaire « d’énorme hiloul Hashem », un acte blasphématoire qui viole l’interdiction dans la Torah de profaner le nom de Dieu.
Levi, qui a été arrêté par la police lors des manifestations de la « Journée nationale de paralysie » contre la réforme, a participé chaque semaine aux manifestations de masse.
Il a été brièvement arrêté parce qu’il filmait les manifestations avec son téléphone.
« Je filme beaucoup, juste avec mon iPhone, peut-être pour un futur projet, mais surtout parce que c’est assez incroyable ce qui se passe, on ne peut pas s’empêcher de filmer », a déclaré Levi au Times of Israel.
Levi a expliqué qu’il se trouvait dans un petit groupe de manifestants, à proximité de la rue Kaplan à Tel Aviv et du centre commercial Azrieli, lorsque la police a perdu patience et a commencé à arrêter certains des principaux activistes.
« Ils ont d’abord arrêté les leaders, puis d’autres au hasard », a déclaré Levi. « Je me tenais près du trottoir, mais officiellement j’étais dans la rue, alors ils m’ont soudainement attrapé et m’ont dit : ‘Vous vous tenez dans la rue’. »
Levi a expliqué qu’il avait filmé une arrestation plus violente quelques minutes plus tôt, en filmant l’intérieur de la voiture de police.
« Je pense qu’ils étaient énervés », a-t-il déclaré.
Levi a indiqué qu’il avait été détenu pendant deux heures, une expérience bien plus légère que celle de certaines personnes arrêtées pendant les manifestations.
« J’ai eu de la chance », a-t-il déclaré, « et il faut toujours se rappeler que si je n’étais pas juif, ça aurait été totalement différent », en référence à ce que vivent certains Palestiniens lorsqu’ils sont arrêtés par la police israélienne.
Levi a déclaré qu’il participait aux manifestations de masse hebdomadaires depuis qu’elles ont commencé il y a près de trois mois, en opposition aux projets de réforme du système judiciaire du gouvernement.
« Je suis présent tous les jeudis et tous les samedis soirs », a déclaré Levi. « C’est la seule chose qui m’aide, sinon je déprime et je me sens impuissant. Cela me donne au moins l’impression de faire quelque chose. »
Levi, connu pour des séries télévisées telles que « Our Boys », « In Treatment », « Scenes from a Marriage » et « The Affair », qui a remporté un Golden Globe, vit à Tel Aviv et s’installe temporairement aux États-Unis chaque fois qu’il a une production pour HBO.
Il est également à l’origine d’une protestation réussie contre le projet de cinéma israélien de la Fondation Rabinovich, après que le nouveau ministre de la Culture et des Sports, Miki Zohar, a fait pression pour que les artistes et les cinéastes soient obligés de garantir que leurs œuvres ne porteront pas atteinte à la réputation d’Israël ou à l’armée.
Le Israel Film Council (IFC) a commencé à exiger des cinéastes qui sollicitent des subventions gouvernementales de signer une clause stipulant qu’ils ne produiront pas de contenu anti-Israël.
En réponse, plus de 100 cinéastes israéliens, menés par Levi, ont lancé une contre-campagne appelant le Fonds Rabinovich à supprimer ces exigences.
Les cinéastes – dont Nadav Lapid (« Synonymous »), lauréat de l’Ours d’or à Berlin, Ari Folman (« Où est Anne Frank »), Eran Kolirin (« The Band’s Visit ») et Levi ont signé une pétition appelant l’industrie à boycotter le Fonds Rabinovich jusqu’à ce que la fondation cesse d’exiger cette signature.
Le 7 mars, la direction publique de la Fondation Rabinovich a retiré la déclaration d’obéissance et l’a remplacée par des clauses acceptées par tous les fonds cinématographiques, selon Levi.
« Il s’agit d’une petite victoire, mais d’une victoire symbolique », a-t-il déclaré. « De nos jours, tout compte. »
Levi explique qu’il participe parfois à des manifestations aux cotés de militants d’extrême-gauche qui brandissent des drapeaux palestiniens.
Il sait que le drapeau palestinien n’est pas bien toléré en ce moment.
« Je peux le comprendre », a-t-il déclaré.
Cela étant dit, Levi trouve « génial » que les récentes manifestations de masse aient récupéré le drapeau israélien en tant que symbole national qui avait été revendiqué par l’extrême-droite ces dernières années, bien qu’il n’ait pas encore apporté son propre drapeau aux manifestations.
« Je ne prends pas mon drapeau pour une raison : je ne me sens pas encore à l’aise avec ce dernier », a-t-il déclaré.
Le père de Levi est un rabbin orthodoxe et Levi a lui-même fréquenté une yeshiva, abandonnant progressivement son mode de vie religieux lors de son service militaire.
Sa famille est cependant politiquement de centre-gauche, y compris son père, qui a des racines italiennes et qui a élevé Levi et ses frères et sœurs dans une forme plus libérale de judaïsme traditionnel.
« C’est ainsi que nous avons été élevés et nous nous y sommes toujours sentis attachés », a déclaré Levi.