Au-delà des espoirs et des craintes de Chuck Schumer, que veulent les Israéliens ?
Le chef Démocrate US craint qu'Israël ne devienne un paria et appelle à des élections, mais les résultats seraient-ils différents ? * La nécessité du soutien américain pour lutter contre le Hamas
David est le fondateur et le rédacteur en chef du Times of Israel. Il était auparavant rédacteur en chef du Jerusalem Post et du Jerusalem Report. Il est l’auteur de « Un peu trop près de Dieu : les frissons et la panique d’une vie en Israël » (2000) et « Nature morte avec les poseurs de bombes : Israël à l’ère du terrorisme » (2004).
Les propos cinglants de Chuck Schumer sur le Premier ministre Benjamin Netanyahu et son gouvernement de coalition d’extrême droite, qui « ne répond pas aux besoins d’Israël depuis le 7 octobre », et son appel à des élections « une fois que les combats se seront calmés », ont, comme on pouvait s’y attendre, provoqué une tempête de réactions critiques. Netanyahu a, lui-même, dénoncé la tentative flagrante de Schumer d’intervenir dans les affaires politiques d’un allié démocratique.
Ils soulèvent également une question de taille.
Jusqu’au dernier scrutin, les électeurs israéliens n’ont pas manqué d’occasions de se rendre aux urnes. Le gouvernement le plus extrémiste à ce jour, dirigé par Netanyahu, a été élu moins d’un an avant le massacre de 1 200 personnes par le groupe terroriste Hamas dans le sud d’Israël, le 7 octobre. Netanyahu s’est maintenu au pouvoir pendant la quasi-totalité des 15 dernières années et, malgré ses procès, a été réélu fin 2022, ayant réussi à progressivement faire reculer l’étroite majorité de la coalition Bennett-Lapid qui l’avait brièvement relégué sur le banc de l’opposition.
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La question est donc de savoir pourquoi Schumer pense que, si on leur demandait de voter, les Israéliens éliraient une coalition moins extrême, dirigée par un autre leader.
À l’instar de nombreux Israéliens, Schumer craint de voir Israël devenir un État paria.
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Ouvertement honni par une partie de plus en plus importante du monde à mesure que la guerre contre le Hamas se poursuit et que les horreurs du 7 octobre s’estompent, Israël est désormais tenu pour le principal responsable de la perte de vies civiles à Gaza, alors que c’est le Hamas qui a mis ces civils en danger et qui pourrait mettre fin à la guerre en libérant les otages et en déposant les armes.
Cela fait, en outre, des années que, sous Netanyahu, le pays se détruit de l’intérieur : le Premier ministre et ses alliés affaiblissent la démocratie israélienne en s’attaquant à l’indépendance du système judiciaire et mettent en danger la majorité juive en étendant les implantations dans toute la Judée et la Samarie bibliques, même dans des zones qu’Israël serait tenu d’abandonner en cas de séparation, avec pour conséquence une détérioration des relations entre Israël et les millions de Palestiniens de Cisjordanie.
Tous les sondages d’opinion réalisés depuis le 7 octobre montrent que si le souhait de Schumer se réalisait et que les Israéliens se voyaient offrir une nouvelle chance, ils rejetteraient massivement un nouveau cycle de gouvernance de Netanyahu, notamment parce que c’est sous son mandat que le Hamas a envahi le pays. Chaque sondage révèle qu’aujourd’hui, les Israéliens voteraient pour Benny Gantz, un homme d’État, plutôt que pour Netanyahu, un éternel diviseur, désormais déchu de son titre de M. Sécurité, et accorderaient aux partis non extrémistes suffisamment de sièges à la Knesset pour permettre à Gantz de former une coalition plus modérée.
Mais comme l’ont démontré cinq élections en moins de quatre ans, Gantz ne fera pas le poids face à Netanyahu et à sa machine électorale — à savoir, la Quatorzième chaîne, les réseaux sociaux, les bots et tout le reste – une fois que la campagne sera officiellement lancée. Et malgré toutes les conclusions qui semblent concluantes, les résultats des sondages n’ont que peu de sens.
Depuis le 7 octobre, on n’a pas observé en Israël de glissement politique vers le centre, fief de Gantz, et encore moins vers le centre-gauche de Yesh Atid, le parti du leader de l’opposition, Yair Lapid.
Le massacre monstrueux perpétré par le Hamas, le soutien apporté à cette attaque par les Palestiniens de Gaza et de Cisjordanie, le refus généralisé du monde arabe de dénoncer la barbarie, les manifestations anti-israéliennes dans le monde entier et la déformation, le déni et le rejet rapide de l’histoire de ce qui s’est réellement passé le 7 octobre – tout cela et bien d’autres choses encore ont rendu les Israéliens peut-être plus méfiants que jamais à l’égard d’un compromis avec les Palestiniens et de la cession de terres à ces derniers. Ceci pourrait contribuer à renforcer le Likud et l’extrême-droite. Parallèlement, l’électorat ultra-orthodoxe continue de croître et se trouve fermement dans le camp de la droite, qui continue de le protéger de l’armée et de toute autre forme de service national.
Beaucoup d’Israéliens, peut-être la plupart, étaient et sont amèrement opposés à la tentative de Netanyahu de soumettre le pouvoir judiciaire à la majorité politique. Beaucoup d’Israéliens, et probablement une grande majorité, trouvent inadmissible qu’un dangereux raciste soit notre ministre de la Police et qu’un autre soit notre ministre des Finances. Beaucoup d’Israéliens, probablement la plupart, tiennent Netanyahu pour principal responsable, ainsi que ses chefs de la sécurité, de l’insondable incapacité dont ils ont fait preuve à identifier les signes évidents d’une attaque imminente et à empêcher l’invasion du Hamas.
Mais au-delà de la polémique autour de la tentative de Chuck Schumer d’intervenir dans le processus démocratique israélien, il se pourrait que, par une évolution progressive exacerbée par les horreurs du 7 octobre, l’Israël qu’il souhaite voir se réaffirmer, tant aux urnes que dans ses politiques centrales, un Israël attaché à ses valeurs fondamentales d’Etat juif majoritaire et résolument démocratique, un Israël tendant la main à ses voisins en toute sérénité, n’existe plus.
Si tel est le cas, le présent auteur estime que, pour inspirer et galvaniser les foules, il faudra voir émerger un nouveau leadership politique, frais, articulé, énergique et diversifié, poussé à l’action par le désastre du 7 octobre, véritablement déterminé à agir dans l’intérêt national, rompant avec le cynisme, les querelles intestines, les divisions et l’incompétence de l’actuelle génération.
Le maintien du soutien américain pour combattre le Hamas à Rafah
La capacité de Tsahal à achever le démantèlement du Hamas à Gaza ne dépendra pas des livraisons d’armes en provenance du Canada.
Mais Israël s’inquiète néanmoins d’un éventuel effet domino à la suite de la déclaration d’Ottawa, mardi, selon laquelle elle cessera d’exporter des armes vers Israël.
La question essentielle est de savoir si les États-Unis sont enclins à restreindre les livraisons d’armes à Israël, car sans elles, Tsahal se verrait forcé de reconsidérer la poursuite de la guerre.
Le président Joe Biden a déclaré explicitement que les États-Unis veilleraient à ce qu’Israël dispose des moyens de se défendre contre ses ennemis, mais ce n’est pas tout à fait la même chose que de s’engager à fournir en permanence tout ce dont Tsahal pourrait avoir besoin dans son offensive.
Israël a longtemps affirmé avec fierté sa capacité à se défendre seul, mais l’ampleur et la nature de cette guerre contre le Hamas ont clairement souligné sa dépendance fondamentale et pratique par rapport aux livraisons d’armes américaines pour y parvenir. Alors que Tsahal est confronté à la complexité de la lutte contre les quatre derniers bataillons du Hamas à Rafah, sur les 24 que compte la bande de Gaza, cette dépendance lui interdit d’ignorer les vives inquiétudes des États-Unis concernant l’opération imminente dans le sud de la bande de Gaza.
Alors que Netanyahu enverra la semaine prochaine à Washington deux de ses principaux fidèles, le ministre des Affaires stratégiques Ron Dermer et le chef du Conseil de sécurité nationale Tzachi Hanegbi, pour discuter de l’opération de Rafah à la demande de Biden, et que le ministre de la Défense Yoav Gallant est sur le point d’effectuer sa première visite à Washington depuis le 7 octobre, Tsahal a déjà fait comprendre qu’une offensive terrestre à Rafah ne serait pas nécessairement le type d’assaut de haute intensité qu’elle a mené dans le nord de la bande de Gaza.
Netanyahu a souligné à plusieurs reprises que Tsahal doit démanteler et démantèlera le Hamas à Rafah ; ne pas le faire, a-t-il dit, reviendrait à mettre fin à la Seconde Guerre mondiale en laissant « un quart de l’armée nazie en place ».
Toutefois, six mois après le début de la guerre, Tsahal dispose de renseignements d’un tout autre ordre sur les forces de combat restantes du Hamas, en surface et sous terre, obtenus à la fois par les interrogatoires de terroristes du Hamas détenus en Israël et par la saisie d’ordinateurs et d’autres données. Elle a également six mois d’expérience de combat avec le Hamas, et une meilleure compréhension de la façon dont le Hamas se bat, de ses succès dans la guerre jusqu’à présent, ainsi que de ses échecs. Elle comprend également qu’elle doit veiller à minimiser les pertes civiles dans une zone où se concentre désormais la majeure partie de la population de Gaza.
L’incursion à Rafah est actuellement suspendue, dans l’attente de la coordination exigée par les Etats-Unis et du résultat de la reprise des négociations sur la libération des otages. Cependant, une fois lancée, tout porte à croire que l’offensive terrestre de Tsahal à Rafah se fera par étapes, zone par zone, en utilisant les renseignements et l’expérience accumulés par Tsahal.
Cela semble être le seul moyen pour Tsahal d’achever le démantèlement des cellules de combat du Hamas, tout en conservant un soutien international suffisant, mais, surtout, l’appui concret des États-Unis.
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