Avec un Obama au ralenti, Poutine en profite pour avancer ses pions en Syrie
Netanyahu sait que le dirigeant russe fera ce qu'il veut dans la région et cela pour une simple raison : parce qu'il le peut
Avi Issacharoff est notre spécialiste du Moyen Orient. Il remplit le même rôle pour Walla, premier portail d'infos en Israël. Il est régulièrement invité à la radio et à la télévision. Jusqu'en 2012, Avi était journaliste et commentateur des affaires arabes pour Haaretz. Il enseigne l'histoire palestinienne moderne à l'université de Tel Aviv et est le coauteur de la série Fauda. Né à Jérusalem , Avi est diplômé de l'université Ben Gourion et de l'université de Tel Aviv en étude du Moyen Orient. Parlant couramment l'arabe, il était le correspondant de la radio publique et a couvert le conflit israélo-palestinien, la guerre en Irak et l'actualité des pays arabes entre 2003 et 2006. Il a réalisé et monté des courts-métrages documentaires sur le Moyen Orient. En 2002, il remporte le prix du "meilleur journaliste" de la radio israélienne pour sa couverture de la deuxième Intifada. En 2004, il coécrit avec Amos Harel "La septième guerre. Comment nous avons gagné et perdu la guerre avec les Palestiniens". En 2005, le livre remporte un prix de l'Institut d'études stratégiques pour la meilleure recherche sur les questions de sécurité en Israël. En 2008, Issacharoff et Harel ont publié leur deuxième livre, "34 Jours - L'histoire de la Deuxième Guerre du Liban", qui a remporté le même prix
Le Premier ministre, Benjamin Netanyahu rencontrera la semaine prochaine Vladimir Poutine, le président de la seule superpuissance du monde actuellement.
eUne déclaration publiée par la bureau de Netanyahu, révèle que le Premier ministre « présentera les menaces posées à Israël par l’augmentation du flot du matériel de guerre avancé dans l’arène syrienne et le transfert d’armes meurtrières aux Hezbollah et d’autres organisations terroristes ».
Nous pouvons deviner que quelqu’un à l’ambassade de Russie en Israël a fait passer une traduction de cette déclaration à Moscou, ce qui a dû provoquer pas mal de sourires là-bas. Poutine et même Netanyahu sont bien conscients que ses avertissements ne changeront pas de la vieille-nouvelle politique de Moscou dans la région.
Vladimir Poutine va faire ce qu’il veut au Moyen-Orient pour une raison simple : parce qu’il le peut. À l’heure actuelle il n’y a pas d’autre superpuissance pour s’opposer à la Russie ou le dissuader d’agir de la manière dont il le souhaite.
Netanyahu peut se consoler avec le fait qu’il est en bonne compagnie. Les exhortations et les avertissements du secrétaire d’Etat américain John Kerry ou du propre patron de Kerry, le président Barack Obama, sur l’augmentation de la participation russe en Syrie ne changeront pas les plans de Poutine.
Poutine a décidé de faire quelque chose en Syrie, activement, pour empêcher l’effondrement complet de ce qui reste du régime de Bashar el-Assad. Lorsque Poutine a vu le tâtonnement de l’Occident face au flot ininterrompu des réfugiés en provenance de Syrie, il s’est rendu compte que l’administration américaine ne pouvait pas être invoquée quand il s’agissait de mettre fin à la guerre civile, et a décidé d’agir.
Ce n’est pas, à l’heure actuelle, une opération de la Russie pour reconquérir la Syrie. Pourtant, l’article publié cette semaine dans le New York Times et les images satellites de la politique étrangère montrent clairement dans quelle mesure la visite de Netanyahu ou les déclarations creuses de Washington sont trop légers et arrivent trop tard.
Les Russes ont commencé à construire un aéroport assez proche de Lattaquié, et des tanks de l’espèce la plus avancée y ont déjà été transportés. Selon l’article du New York Times, des chars T-90 et des APC ont été repérés, avec des caravanes résidentielles et environ 1 500 troupes russes en tout.
Ces choses là ne sont que le début de la liaison aérienne. Elles seront renforcées avec des avions de combat avancés qui peuvent même être utilisés pour attaquer des cibles de l’opposition. Le but de tout cela est évidemment d’assurer la survie des « Alawistan », la petite portion du littoral de Lattaquié et de Tartous.
Cette région, où l’armée de Bashar el-Assad a toujours le contrôle, était en danger de tomber aux mains de l’opposition à la lumière des prises de contrôle dans le district d’Idlib. Les groupes qui sont opposés à Bashar el-Assad ont réussi à parvenir à quelques réalisations importantes dans le secteur nord de la Syrie et a repoussé l’armée d’Assad à l’ouest, vers la mer. Nous pouvons deviner qu’avec l’importante couverture aérienne russe, ce progrès sera arrêté et l’armée syrienne sera même capable de contre-attaquer.
Un autre objectif de l’action de l’armée russe en Syrie semble être le plan américano-turc à établir une zone d’exclusion aérienne à la frontière nord de la Syrie. Le stationnement des avions russes est un message clair et fort de Moscou qu’un tel effort est voué à l’échec.
D’étranges compagnons de lit
Comme toujours, les derniers à se rendre compte que les règles du jeu ont changé sont les Américains, et la Maison Blanche est le premier d’entre eux.
Avec Washington profondément immergé dans la lutte pour l’approbation de son accord nucléaire avec l’Iran, la Russie est en train de concocter différents complots avec les différents acteurs régionaux pour établir son influence au Moyen-Orient.
Il passe des accords d’armement avec l’Egypte, il tient des réunions à Moscou avec Qasem Soleimani – le commandant de la Force Qods des Gardes révolutionnaires iraniens, qui est en charge des troupes chiites en Syrie (ainsi que de l’activité iranienne dans d’autres endroits, comme le Yémen) – et il a même organisé une médiation entre Le Caire et le peuple de Bashar el-Assad.
Il y a une semaine, le chef des renseignements Assad, Ali Mamlouk, a rencontré le président égyptien, Abdel Fattah el-Sissi, qui est prêt à faire beaucoup pour assurer la survie du régime d’Assad. L’Egypte craint que l’effondrement de la Syrie ne crée un effet papillon dans la région une fois de plus, ce qui provoquerait un tremblement de terre qui va secouer tout le Moyen-Orient.
Les liens qui sont créés maintenant semblaient totalement impossible il y a seulement quelques mois.
Les Egyptiens, qui étaient les alliés des Saoudiens, jusqu’à récemment, et qui travaillaient au coude à coude avec Israël dans la guerre contre le terrorisme dans le Sinaï, essaient de travailler avec Moscou et Damas (et, indirectement, avec l’Iran) pour aider Bashar ael-Assad – qui, à son tour, est menacé par des groupes d’opposition qui reçoivent une aide massive en provenance de l’Arabie saoudite.
Les Etats-Unis sont parvenus à un accord avec l’Iran et travaillent aux côtés de la Turquie, qui est devenu un ennemi majeur de l’Egypte en raison de son soutien aux Frères musulmans.
Le Hamas, la branche terroriste palestinienne des Frères musulmans, n’a pas réussi à développer des liens étroits avec l’Iran, et a été accueilli par le roi à Ryad. L’Egypte a enlevé quatre membres de l’aile militaire du Hamas sur son territoire et les retient dans un lieu tenu secret.
Au milieu de toute cette agitation, Uri Ariel, le ministre de l’Agriculture d’Israël, a décidé de monter sur le mont du Temple pour y prier à la veille du Nouvel An juif, provoquant une agitation importante par cette seule action.
L’ennui, paraît-il, est une chose que nous ne connaîtrons jamais ici.