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Certains Juifs britanniques séduits par Katie Hopkins et ses attaques anti-islam

Selon les critiques, la journaliste prend des positions pro-israéliennes pour blanchir son islamophobie - même si son obsession du judaïsme peut sembler aussi réelle que bizarre

Katie Hopkins lors d'une manifestation en faveur de la libération de l'activiste d'extrême-droite Tommy Robinson à Londres, en Angleterre, le 11 juillet 2019 (Crédit :  Luke Dray/Getty Images/via JTA)
Katie Hopkins lors d'une manifestation en faveur de la libération de l'activiste d'extrême-droite Tommy Robinson à Londres, en Angleterre, le 11 juillet 2019 (Crédit : Luke Dray/Getty Images/via JTA)

JTA — Aux yeux de ses critiques, la journaliste britannique Katie Hopkins est moins une activiste anti-immigration qu’une islamophobe décomplexée, diabolisant l’islam pour défendre ceux qu’elle qualifie de « Britanniques blancs ».

De tels points de vue lui ont valu les critiques acerbes et le rejet des responsables de la communauté juive au Royaume-Uni.

Et pourtant, sur le terrain, l’engagement de Hopkins auprès de certaines parties de la communauté juive et autres minorités – ainsi que ses actions croissantes sur Israël et l’attention qu’elle porte à l’Etat juif – lui ont amené de nombreux partisans juifs.

Dans un article publié samedi, le New York Times a noté que le président Donald Trump – déjà sous le feu des critiques pour un tweet qui prenait pour cible, entre autres, deux députées américaines musulmanes – avait retweeté une publication de Hopkins, lui apportant son soutien. Le Times a décrit Hopkins comme une « commentatrice britannique de droite qui s’est attirée des condamnations répétées en raison de nombreux antécédents de propos anti-musulmans et pour avoir attribué la responsabilité d’une fusillade, dans une synagogue, à un responsable juif ».

Et en effet, Hopkins avait suggéré l’année dernière sur Twitter que les positionnements favorables adoptés par le grand rabbin britannique Ephraim Mirvis sur les questions d’immigration étaient, d’une manière ou d’une autre, liés au massacre perpétré l’année dernière dans la synagogue Tree of Life de Pittsburgh, aux Etats-Unis, au cours duquel onze fidèles avaient perdu la vie.

Le tireur de Pittsburgh avait écrit, à ce moment-là, être furieux face aux politiques pro-immigration d’un groupe juif et d’autres.

« Ne blâmez pas Trump », avait écrit Hopkins. « Regardez plutôt le grand rabbin et son soutien à l’immigration massive depuis la Méditerranée », avait-elle écrit. « C’est là que vous trouverez la vérité ».

Le rabbin britannique Ephraim Mirvis dans un camp de réfugiés en Grèce sous les auspices de World Jewish Relief (Crédit : Minos Alchanati / World Jewish Relief )

Le Times a également évoqué ses nombreuses critiques de l’islam et son usage du terme « solution finale » pour décrire ce qui devait suivre à Manchester – aux musulmans, on peut le présumer – dans le sillage d’un attentat terroriste qui avait eu lieu là-bas, en 2017.

Mais Hopkins, 44 ans, représente également ce point de rencontre entre le nationalisme d’extrême-droite européen et le sentiment pro-israélien.

En fait, elle a été critiquée par certains, à l’extrême-droite de l’échiquier politique, pour ses positions pro-israéliennes présumées. Par ailleurs, certains à gauche affirment que le soutien qu’elle affiche envers l’Etat juif relève d’une tentative visant à blanchir son propre sentiment anti-musulman et même antisémite.

« Il semble qu’Israël soit, en quelque sorte, mon foyer naturel », avait déclaré Hopkins l’année dernière à Tel Aviv devant un public qui s’était réuni à l’occasion de la projection de son documentaire « Homelands », consacré à la fuite des chrétiens et des Juifs d’Europe.

Hopkins, qui a 969 000 abonnés sur Twitter, avait alors ajouté que « c’est mon ambition d’être Juive ».

Elle s’était rappelée avoir dit à un chauffeur de taxi israélien qui lui avait demandé si elle était juive : « Non. J’ai bien eu le nez, mais pas le nez juif ».

Hopkins, qui avait fait carrière au sein des services de météorologie britanniques, est devenue célèbre en 2007 grâce à son apparition dans l’édition britannique de l’émission de télé-réalité « The Apprentice ».

A Tel Aviv, elle avait également déclaré lors de son discours que « tous mes amis sont Juifs. J’espère qu’en me frottant suffisamment à eux se produira un phénomène d’osmose ».

De tels propos avaient été forcément remarqués parmi les néo-nazis, qui s’étaient par ailleurs délectés lorsqu’elle avait qualifié les immigrants arrivant sur des bateaux de « cafards » qui devaient être arrêtés par des « canonnières », ou séduits par l’attention journalistique qu’elle avait pu porter aux « Britanniques blancs » qui « se transforment en minorités » dans des quartiers et des villes qui deviennent, petit à petit, à majorité musulmane, comme elle l’explique dans « Homelands ».

« Hélas, mais elle aime les Juifs, si je me souviens bien », avait déploré, l’année dernière, un usager du site internet néo-nazi Stormfront.

Un autre utilisateur avait renchéri : « Elle est ce que la plupart des gens appellent ‘l’alt-lite‘. Elle fait partie du Rebel Media du Juif Ezra Levant », en référence à un site internet auquel elle avait, dans le passé, apporté sa contribution.

Hopkins avait commencé à écrire sur ce site après son renvoi de LBC Radio qui avait été entraîné par le tweet sur la « Solution finale ». (Alors que l’indignation enflait, elle avait supprimé sa publication et affirmé qu’elle avait cherché à écrire ‘vraie solution’ pour ne pas se montrer ‘irrespectueuse envers les survivants de Manchester’. » )

Hopkins, qui a refusé notre demande d’entretien pour cet article, avait également supprimé son tweet sur la fusillade de la synagogue.

Suite à la publication sur le grand rabbin, elle avait rapidement fait disparaître son texte et présenté quelque chose qui pouvait ressembler à une excuse – des excuses auxquelles cette mère de trois enfants a indiqué, dans le passé, ne pas croire.

« Jamais je ne me suis excusée pour quelque chose que j’ai pu dire », avait déclaré Hopkins en 2015. « Je trouve très décevant que les gens s’excusent. On doit conserver cette attitude morale positive de défendre ce qu’on a pu dire ».

Jonathan Hoffman. (Autorisation : Jonathan Hoffman)

Jonathan Hoffman, ex-vice-président de la Zionist Federation en Grande-Bretagne, estime que l’intérêt croissant porté par Hopkins à Israël et aux Juifs s’explique en partie par sa vision des Juifs européens qu’elle considère comme des canaris dans une mine de charbon – les toutes premières cibles des radicaux musulmans qui, craint-elle, en viendront à s’en prendre aux autres groupes présents dans les sociétés de leurs pays adoptifs.

« Je crois qu’elle voit réellement le fait qu’avec Israël, les Juifs ont un endroit où se réfugier en cas de besoin », dit-il.

Il ajoute : « Je pense que ça relève d’une théorie du complot, cette idée qu’elle utiliserait Israël ou la communauté juive comme une sorte d’instrument qui viendrait soutenir ses comportements anti-musulmans. Je n’y crois pas. En fait, je ne pense pas qu’elle soit suffisamment habile pour ça ».

Toutefois, Hoffman estime que la présence de Hopkins dans des conférences organisées par des groupes Juifs est inappropriée parce qu’elle « a franchi la ligne rouge du racisme » dans sa rhétorique opposant les « Britanniques blancs » aux musulmans.

« Je n’entends personne, au sein de la communauté juive, s’exprimer ainsi, même à la marge de la droite », explique-t-il. (Hopkins s’était rendue à une campagne de collecte de fonds organisée par la Zionist Federation, à Londres, l’année dernière, invitée par un invité. La fédération avait présenté ses excuses pour sa présence, disant qu’elle n’avait pas été anticipée).

L’organisation Board of Deputies des Juifs britanniques est l’une des critiques les plus féroces de Hopkins. Elle a condamné également le soutien apporté à la journaliste par certains Juifs britanniques.

Après que le groupe juif Campaign 4 Truth, plutôt à droite, a accueilli Hopkins pour une projection, ce mois-ci, de « Homelands », la présidente du Board, Marie van der Zyl, a écrit sur Twitter que « ce film vil de chasse aux musulmans n’aurait jamais dû voir le jour. Ceux qui ont organisé et promu un tel événement devraient avoir honte ».

Marie van der Zyl, présidente du Conseil des représentants des Juifs britanniques, participe à un événement à Londres le 13 juin 2018 (Crédit : Board of Deputies of British Jews)

Le film fait la transition entre les craintes nourries face à l’islam par les Européens non-Juifs et les décisions des Juifs ayant quitté la France dans un contexte de violences antisémites qui, selon certains groupes de veille, sont attisées presque entièrement par les extrémistes musulmans.

Hopkins devait organiser une projection, cette année, en Israël, mais l’événement a été annulé après le retrait du soutien de la municipalité de Raanana.

Même s’il est en désaccord avec les prémisses et la terminologie qui sont utilisés dans le documentaire de la journaliste, Hoffman affirme pouvoir apercevoir sa logique interne qui, selon lui, est à l’origine de l’attention portée par la réalisatrice à Israël, que ce soit dans son documentaire ou au-delà.

« Si on croit en l’idée que l’Europe est condamnée – ce que je ne pense pas être mon cas – il y a un élément raisonnable à noter : Les Juifs ont un refuge dans lequel ils peuvent se rendre et les non-Juifs n’en ont pas », dit Hoffman.

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