Chicago : Les manifestations pro-Gaza se propagent dans les lycées, alarmant les élèves juifs
Il a été demandé aux clubs juifs de ne pas faire de campagne en faveur de la libération des otages alors que la grève réclamant un cessez-le-feu a été autorisée
CHICAGO — Mercredi, des centaines d’élèves ont pris part à des sit-ins dans des lycées de Chicago pour afficher leur solidarité avec les Palestiniens de Gaza alors que les mouvements de protestation anti-israéliens ont bouleversé, ces dernières semaines, les campus des universités américaines.
Plusieurs dizaines d’élèves ont participé à ces rassemblements qui ont eu lieu dans une demi-douzaine de lycées – des établissements où certains lycéens juifs ont dit avoir ressenti un sentiment d’insécurité en constatant que l’administration avait donné son feu vert aux regroupements et en assistant à ces derniers.
« J’ai appris lors des premiers mois passés au lycée que si vous n’adhérez pas à l’idéologie majoritaire, les gens ne vont voir en vous que ça et ils vous tourneront le dos. J’ai perdu cette année un grand nombre d’amis que je connaissais depuis toujours, parce que je suis Juive et que je suis fière de l’être », explique Mira Rosenblum, qui fait ses études au lycée Jones College Prep, pendant une conférence de presse avec les responsables juifs de Chicago.
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Rosenblum accuse les administrateurs de son école de détourner le regard face à l’antisémitisme. Si sa demande d’organiser une veillée, au lendemain du massacre commis par le Hamas sur le sol israélien, le 7 octobre, avait été rejetée, le lycée avait toutefois permis à des centaines d’élèves de participer, au mois de janvier, à une grève en faveur d’un cessez-le-feu à Gaza, un mouvement qui avait mobilisé les élèves de plusieurs lycées de Chicago. Rosenblum ajoute que, dans le sillage de cette manifestation, ses données personnelles ont été diffusées sur la Toile et elle a été qualifiée « d’anti-noirs » et « d’islamophobe » par ses pairs parce qu’elle a déposé une plainte contre les responsables des élèves qui manifestaient et qui avaient estimé qu’ils étaient, aujourd’hui, « l’équivalent des rebelles juifs qui avaient lutté contre l’Allemagne nazie ».
Le lycée Jones College Prep n’avait pas répondu à une demande de réaction au moment de l’écriture de cet article.
« Quand je vois tout cet antisionisme, ça ressemble vraiment à de l’antisémitisme », a déclaré devant les caméras de la chaîne ABC 7 Max Rubinstein, qui est entré au lycée Jones College Prep cette année. « A peu près tous les élèves juifs ressentent un malaise en voyant ces manifestations énormes ».
« Ceux qui sont antisémites et qui disent qu’ils sont pro-palestiniens ne sont pas pro-palestiniens », a commenté un leader du mouvement de protestation organisé dans ce lycée. Il s’est fait appeler Atticus auprès des journalistes d’ABC 7.
« Si nous soutenons le droit de nos lycéens à manifester, un droit octroyé par la constitution, le harcèlement, les discriminations et les atteintes liées à d’éventuels préjugés n’ont pas leur place dans notre communauté scolaire et ils ne seront pas tolérés », a indiqué le réseau des écoles publiques de Chicago dans un communiqué.
Expliquant l’élan qui a entraîné la mobilisation pour le sit-in, Atticus a déclaré que « nous avons voulu afficher notre soutien aux campements qui sont de plus en plus nombreux dans tout le pays, notamment à la Northwestern et à Columbia, et nous avons voulu afficher notre soutien au mouvement de protestation plus général contre le génocide palestinien ».
Si les sit-ins n’ont pas donné lieu à des incidents, les rassemblements évoqués par Atticus, dans les universités, ont entraîné des centaines d’arrestations – et notamment celles de 300 extrémistes anti-israéliens qui avaient violemment pris d’assaut et occupé un bâtiment du campus de Columbia. A l’université de Californie Los Angeles, des groupes pro-israéliens et pro-palestiniens se sont affrontés dans la soirée de mercredi, des échauffourées qui ont fait plusieurs blessés.
Les manifestations, dans les universités, se sont multipliées dans tout le pays, avec des organisateurs qui ont promis de rester dans les tentes qui ont été dressées dans les jardins des campus jusqu’à ce que leurs écoles acceptent de rompre tous leurs liens financiers et universitaires avec l’État juif. Les administrateurs ont dû se résoudre à appeler la police en renfort pour freiner les étudiants contrevenant aux règlements – avec le risque d’attirer davantage l’attention sur la cause palestinienne – ou à conclure des accords avec eux, ce qui a entraîné la colère des députés et des organisations juives.
Jusqu’à cette semaine, les campements se limitaient malgré tout aux campus des universités. C’est à Chicago que le plus grand nombre de lycéens a rejoint les étudiants dans leur combat mais des sit-ins similaires ont néanmoins été signalés à Austin, au Texas et à Seattle, dans l’état de Washington. Une manifestation qui était prévue dans le New Jersey, la semaine dernière, a, semble-t-il, été annulée après que deux commissaires du comté ont demandé l’intervention du superintendant du district.
Au lycée Walter Payton, les médias n’ont pas été autorisés à accéder à l’endroit où avait lieu le sit-in – mais les fenêtres du bâtiment laissaient voir les participants.
Le groupe, assis sur le sol, se tenait devant un responsable du mouvement de protestation qui lisait à haute voix des informations sur le conflit israélo-palestinien, donnant des astuces pour manifester et enseignant les slogans pro-palestiniens que les lycéens devaient s’attendre à entendre et à reprendre lors des rassemblements.
Le réseau des écoles publiques de Chicago avait émis des directives pour les manifestations du jour qui avaient été autorisées à durer 30 minutes – mais le sit-in qui a eu lieu au Jones College Prep a duré au moins une heure, selon le parent d’un élève. Le mouvement de protestation avait été organisé par le groupe Chicago Youth For Justice.
Après le sit-in, un grand nombre de participants se sont rendus aux « campements en solidarité avec Gaza » voisins, des camps qui avaient été établis à la DePaul University et à l’Université de Chicago, quelques jours auparavant.
Les lycéens ont été accueillis là-bas à bras ouverts. L’un des lycéens de Jones a ainsi eu l’occasion de lancer le slogan « Les bombes envoyées par Joe Biden tuent des enfants et leurs mamans ! », un slogan qui a été repris avec ferveur par les centaines d’étudiants présents.
A la DePaul University, les élèves du lycée Lincoln Park ont rejoint les étudiants, s’adonnant à des danses amérindiennes traditionnelles au milieu de la cour qui était remplie de tentes et de drapeaux palestiniens.
« C’est pour nous rappeler qu’en tant que populations indigènes, nous sommes unis en faveur de la libération », a indiqué l’un des organisateurs du mouvement de protestation étudiant lorsque la musique s’est tue, sous les applaudissements des lycéens.
Un autre organisateur a pris le micro pour signaler qu’il venait tout juste de quitter une réunion avec les responsables de DePaul, qui avaient refusé d’accepter les demandes soumises par les manifestants.
« Tout le monde, dans cette équipe, va rester ici pour le moment et personne ne partira avant que cette université répugnante ne se désinvestisse de ces entreprises génocidaires », a-t-il poursuivi, acclamé par les centaines de personnes présentes.
« Divulguez, désinvestissez, nous n’arrêterons pas, nous n’arrêterons pas ! », a ensuite scandé la foule de manière répétée.
Les lycéens ont ensuite aidé les étudiants à faire des panneaux qui ont été accrochés sur la barrière entourant les manifestants de DePaul.
« Netanyahu est un Hitler des temps modernes et Biden est sa p…ute », disait l’un d’eux.
Sur un autre, un dessin Marvel était accompagné de la légende : « Magneto hait les sionistes ! »
Une étudiante a montré celui qu’elle venait de créer elle-même : « Aucune fierté dans le génocide », était-il écrit dessus.
Approchée par un passant qui lui demandait si elle savait que les queer étaient marginalisés et pris pour cible en Cisjordanie et à Gaza, l’étudiante masquée a répondu qu’elle l’ignorait avant d’ajouter que « de toute façon, personne ne sera réellement libre avant que tout le monde soit libre ». Elle a fini d’accrocher son panneau et elle s’est éloignée.
Lors de la conférence de presse des leaders de la communauté juive, à quelques kilomètres de là, Jane Charney, du groupe Jewish United Fund, a demandé au réseau des écoles publiques de Chicago, le CPS, de mettre un terme aux sit-ins.
« Comment les responsables du CPS vont-ils garantir que les Juifs ne sont pas harcelés, qu’ils pourront aller dans leurs écoles en signalant l’identité qui est la leur ? Quelles seront les conséquences pour ceux qui utilisent un langage antisémite ? Comment les enseignants et les élèves seront-ils formés pour comprendre ce que vivent les Juifs américains et le lien profond que nous entretenons avec Israël ? Le CPS a gardé le silence sur toutes ces questions », a déploré Charmey.
« Jusqu’à présent, nous n’avons pas vu grand-chose au-delà des ‘espaces de traitement’ réservés aux élèves juifs et des appels répétés en faveur du respect des normes, par les lycéens, qui figurent dans les règlements – les mêmes règlements qui interdisent les sit-ins« , a-t-elle regretté, notant qu’il a été demandé aux clubs juifs de ne pas faire de campagne en faveur de la libération des otages alors que la grève réclamant un cessez-le-feu a été autorisée.
« Cette application hypocrite et sélective des règles, sur les campus, et la capitulation devant le plus grand nombre transmet un message clair aux élèves juifs et à leurs familles, celui que notre sécurité et notre capacité à nous rendre dans nos écoles, dans l’intégralité de ce que nous sommes, ce n’est pas important, » a-t-elle poursuivi.
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