Climat : L’AgTech israélienne relève le défi posé par les pires scénarios de crise
Les sciences, les données et les technologies joueront un rôle majeur dans l'adaptation aux effets du changement climatique, disent les entrepreneurs du secteur Agritech & Agrotech
Alors que les recherches visant à augmenter les rendements des récoltes se heurtent à la problématique d’un climat en proie à une crise qui ne cesse d’empirer, les innovateurs du secteur AgTech israélien trouvent de nouvelles voies à explorer avec pour objectif de moderniser et de réinventer l’agriculture. Les technologies agricoles ne sont pas une nouveauté – mais le secteur redouble de créativité en réfléchissant et en adoptant des méthodes nouvelles, qui sont susceptibles de bouleverser le fonctionnement des activités agricoles.
« Le changement climatique devient encore plus imprévisible que ce n’était le cas auparavant », s’exclame Matan Rahav, directeur du développement commercial au sein de CropX, une firme d’analyse de systèmes d’agriculture, lors d’une visioconférence avec le Times of Israel, ce mois-ci.
« En fin de compte, les agriculteurs doivent produire plus, avec moins de ressources et moins d’eau et en même temps, nous attendons des agriculteurs qu’ils soient plus durables en termes d’environnement. Et la seule manière de dépasser cette problématique, c’est d’exploiter et d’utiliser les données et les technologies de l’innovation ».
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Avec une étude récemment publiée sous l’autorité de la NASA qui a montré l’impact potentiel du changement climatique sur la production des récoltes dès la prochaine décennie, il est certain que le secteur agricole va rester au centre du discours environnemental. Les résultats de cette étude ont résonné sur tout le globe, les prévisions contenues dans cette recherche établissant que les rendements de maïs pourraient bien chuter de 24 % dans certaines parties du monde « à cause de la hausse des températures, de l’évolution des saisons de pousse des végétaux, du niveau de dioxyde de carbone en augmentation dans l’atmosphère et des chutes de pluies plus aléatoires ».
La principale leçon à tirer de l’étude qui a été publiée dans le journal Nature Food, c’est que les modèles climatiques avancés combinés aux modèles de prévision concernant les récoltes indiquent que les rendements agricoles, dans le monde entier, seront touchés par l’impact du changement climatique bien plus tôt que cela n’avait été précédemment envisagé.
« Nous ne nous attendions pas à constater un changement aussi fondamental en comparaison avec les projections de rendement agricole qui avaient été présentées, en 2014, dans les modèles précédents consacrés à l’agriculture et au climat », a commenté le principal auteur de l’étude, Jonas Jägermeyr, scientifique spécialisé dans les modèles de rendement agricole et de climat au sein du GISS (Goddard Institute for Space Studies) de la NASA et de l’Institut de la Terre à l’université de Columbia, à New York, auprès de Earth Science News Team. « Une baisse de 20 % de la production actuelle de maïs pourrait avoir de graves répercussions dans le monde entier ».
Les entrepreneurs et les scientifiques locaux du secteur AgTech disent ne pas avoir été surpris par ces conclusions.
« Nous savons que l’agriculture, dans le monde entier, est d’ores et déjà perturbée par le changement climatique. L’étude s’est concentrée sur deux choses en particulier, les rendements en maïs et en blé », note Rahav qui souligne qu’en plus des rendements agricoles, les inondations, les périodes de sécheresse, les végétaux, les agents pathogènes et les ressources en eaux sont en pleine évolution en raison d’un environnement qui change en permanence.
« Cette étude ne m’effraie pas parce que nous sommes en capacité d’atténuer certains de ces effets », déclare la docteure Calanit Bar Am, responsable de la stratégie au sein de la plateforme de veille agro-alimentaire Trellis, au cours d’un entretien avec le Times of Israel. « Nous sommes capables de nous adapter… en fin de compte, cette étude pourrait être une opportunité. Et nous devons donc nous montrer un peu plus créatifs ».
Elle dit être confiante sur le fait que la technologie débouchera sur « de nouvelles opportunités » dans le secteur de l’agriculture.
« Les sciences, les données et la technologie joueront un rôle majeur dans l’adaptation des rendements agricoles, dans la conservation de la qualité du maïs et du blé face au changement climatique et elles offriront de nouvelles opportunités à toute la filière », affirme Bar Am.
Un peu plus de créativité
Les entreprises israéliennes ont développé des solutions pour les nombreux acteurs de la filière agricole – cultivateurs, entreprises du secteur agro-alimentaire ou distributeurs. Après tout, cela fait longtemps que le pays est reconnu pour son hi-tech innovant et pour ses start-ups travaillant dans les technologies du secteur alimentaire et agricole.
Les firmes locales qui, pour certaines, sont devenues leaders sur le marché, offrent des solution à la fois prometteuses et innovantes dans l’irrigation de précision, dans le contrôle des récoltes, dans la pollinisation par les insectes ou dans l’anémogamie, dans le traitement des eaux usées pour l’aquiculture, dans le traitement des terres après les récoltes, dans l’amélioration de la qualité du blé ou dans la pollinisation des récoltes. Parmi les entreprises pionnières dans ces technologies, Kaiima, qui améliore la productivité dans des systèmes agricoles à grande échelle ; Phytech, une start-up de l’Internet des objets qui offre aux agriculteurs des services de conseil pour améliorer leurs rendements ; Tevel Aerobotics Technologies, une plateforme robotique qui se consacre à la culture et à la gestion des vergers et, bien sûr, Netafim, leader mondial dans l’irrigation de précision durable.
« Il y a de nombreuses firmes AgTech étonnantes, qui offrent des solutions incroyables sur différents aspects de l’agriculture », déclare Rahav. CropX a été distingué par le Forum économique mondial cette année, qui l’a désigné comme l’un de ses « pionniers technologiques » pour sa plateforme de gestion agricole qui développe des capteurs à placer dans le sol, qui analysent et stockent les données du sol en temps réel.
De son côté, Trellis exploite un système utilisant l’intelligence artificielle (IA) qui permet de réduire les déchets agricoles et d’améliorer l’efficacité de la production alimentaire en aidant les agriculteurs à mieux déterminer la quantité appropriée d’une culture en tirant le maximum de bénéfices de ressources limitées.
« Au niveau agricole, les producteurs devront adopter des espèces végétales qui résistent à la chaleur et changer leurs pratiques de culture. Il y a 40 % de déchets alimentaires, selon les estimations et ça, la société ne peut plus le tolérer et il faut les réduire à zéro. Les compagnies du secteur comprennent d’ores et déjà qu’un meilleur approvisionnement, une meilleure production et l’optimisation des stocks amélioreront leur avantage concurrentiel et leur permettront de fournir des produits de haute qualité en continu », explique Bar Am. « Les données, l’intelligence artificielle et l’apprentissage automatique sont des outils déterminants pour parvenir à optimiser ces opportunités ».
« Il y a de nombreuses inconnues : chaque année est différente, l’agriculture n’est jamais dans les temps », déclare pour sa part Ilay Englard, directeur-général et co-fondateur de Trellis. « C’est très difficile de tirer des leçons de l’histoire, de ce qui a pu arriver dans le passé. L’agriculture, c’est un système biologique… Et c’est anarchique. Il s’agit véritablement d’intégrer des centaines de couches de données ensemble, de comprendre exactement comment les quantifier et de s’assurer qu’elles seront exploitables par le producteur, par l’acheteur ou par le vendeur, ou encore par le responsable des stocks ».
Ori Ben Ner, directeur-général de SupPlant, une firme dont les activités se consacrent à la l’agriculture de précision, répète la nécessité de mettre au point des technologies innovantes face aux modèles climatiques changeants.
« Nous devons penser aux capteurs à cause du changement climatique », explique Ben Ner au Times of Israel. « La majorité des modèles d’irrigation ont été développés dans les années 1980 et dans les années 1990 et ils ne sont plus pertinents, avec les modèles climatiques que nous avons aujourd’hui. Les saisons ont changé ; il ne pleut plus quand il pleuvait auparavant et il y a des sécheresses dans le monde entier. »
SupPlant collecte des données à partir de ses capteurs pour améliorer l’agriculture. Ces capteurs se placent à cinq endroits de l’arbre fruitier ou de la plante – dans le sol en profondeur ; dans le sol à la surface ; dans la tige, dans la feuille et dans le fruit. Les données ainsi recueillies sont « téléchargées sur le Cloud toutes les dix minutes et elles sont ensuite combinées aux prévisions météorologiques, afin de donner à l’agriculteur des recommandations et un aperçu uniques et de grande précision sur les besoins en irrigation », indique Ben Ner au Times of Israel.
« Ce qui est très utile au quotidien mais particulièrement crucial quand un événement climatique exceptionnel est attendu. Cela permet à l’agriculteur d’avoir des recommandations spécifiques en termes d’irrigation pour ‘traverser l’orage’ et ne pas trop ou insuffisamment irriguer. »
La technologie développée par SupPlant a récemment figuré dans le classement des 100 meilleures inventions réalisé par le magazine TIME (aux côtés de trois autres inventions israéliennes).
Lors de la conférence sur le climat de la COP26 des Nations unies qui a eu lieu au début du mois, les pays et les organisations se sont engagés à augmenter « leurs investissements dans la recherche et dans l’innovation agricoles de manière à créer des technologies et des pratiques plus résilientes et à faibles émissions de gaz à effet de serre ».
Les scientifiques et les entrepreneurs du secteur AgTech considèrent le rapport de la NASA et la déclaration de la COP26 comme un appel à travailler sur des technologies plus innovantes encore, qui permettront de produire et de fournir suffisamment d’alimentation pour nourrir la population mondiale qui ne cesse de croître, dans un contexte de ressources naturelles limitées.
« Les producteurs, les compagnies du secteur agro-alimentaires et les vendeurs disposent déjà de données qu’ils peuvent exploiter mais elles sont soit cloisonnées, soit sous utilisées », déplore Bar Am. « L’intelligence artificielle et l’apprentissage automatique peuvent être utilisés pour une meilleure planification, une meilleure compréhension des scénarios hypothétiques et pour optimiser la filière alimentaire toute entière. »
« Le secteur agricole a toujours été, en Israël, relativement avancé en matière technologique ; la majorité des agriculteurs du pays sont très bien formés, avec des centres de recherche de premier plan, le ministère de l’Agriculture… Israël est un pôle en termes de technologies agricoles », s’exclame Rahav. « Notre positionnement est bon à cet égard et Israël est un formidable terrain de jeu pour les start-ups du secteur AgTech ».
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