Contrôleur de l’État : Des « lacunes importantes » dans la gestion de la pandémie
Le rapport intérimaire présente un tableau sombre, avec des mises en quarantaine forcées non nécessaires, des entreprises en difficulté et des étudiants qui ne peuvent plus étudier

Après huit mois de pandémie, Israël semble mal préparé pour l’hiver, place en quarantaine les mauvaises personnes et frustre les entrepreneurs, qui n’ont pas accès aux prestations à temps, et les écoliers, qui n’ont pas accès à Internet, selon un nouveau rapport du contrôleur de l’État.
Publié lundi, juste un jour après que le Premier ministre Benjamin Netanyahu a déclaré que les caisses de l’État ne pouvaient pas couvrir les cours quotidiens des plus jeunes élèves des écoles primaires – ce qui signifie qu’ils ne devront assister qu’à la moitié de la semaine – le document soulève des questions sur la dépense de 112 millions de shekels de fonds publics, sans plan.
Le document, un rapport intérimaire, indique que le ministère de la Santé avait acheté 2,4 millions de kits pour tester les citoyens au virus et s’ils avaient guéri, pour un coût de 112 millions de shekels, mais qu’il n’avait pas de plan clair sur la manière dont ils seront déployés, et n’en a utilisé que 60 000.
Le rapport a également présenté le suivi des contacts opéré par le Shin Bet, destiné à mettre en quarantaine ceux qui rencontrent une personne infectée, comme une opération maladroite qui contraint à l’isolement de nombreuses personnes n’ayant pas côtoyé de personnes contaminées. Dans le même temps, la recherche des contacts n’a pas fonctionné comme il se doit.
« Il y a des lacunes importantes dans la gestion de la crise », a déclaré le contrôleur de l’État Matanyahu Englman.
Il a souligné que les questions soulevées étaient importantes « surtout en ce moment, dans la deuxième vague, et compte tenu de l’importance du matériel pour les besoins de la santé, de l’éducation et de l’économie, et afin d’aider les populations qui sont touchées pendant et après la crise, y compris les personnes âgées, les chômeurs, les personnes en congé, entre autres ».

Les analystes affirment que certaines des conclusions étaient dévastatrices.
« Le rapport du contrôleur de l’État montre qu’une grande partie du demi-million d’Israéliens à qui l’on a dit de se mettre en quarantaine avait reçu cette instruction par erreur », commente Tehilla Shwartz Altshuler, chercheuse principal à l’Institut israélien pour la démocratie. « Les conséquences sociales, ainsi que la perte de jours de travail et de revenus, ne sont pas revues par les autorités. »
Le rapport, bien que sévère, ne critique pas le financement ou le fonctionnement des services de santé, ni le nombre de décès dus au coronavirus. Il met cependant en lumière le nombre élevé de décès dans les maisons de retraite.
Les résidents des maisons de retraite ne représentent qu’1 % de la population israélienne mais constituaient 36 % des décès dus au coronavirus jusqu’au début du mois d’octobre. Ce chiffre est presque six fois plus élevé que celui des Israéliens âgés qui vivent dans leur propre maison.
Le contrôleur a exhorté le ministère de la Santé de trouver de meilleurs protocoles pour isoler les résidents des maisons de retraite afin de les protéger contre l’infection, et a exprimé des inquiétudes quant au fait que le personnel entrant dans les maisons ne faisait pas l’objet de tests. Il s’est également inquiété de l’impact possible de la propagation de la grippe dans les maisons de retraite alors que le coronavirus circule, notant qu’Israël avait une culture de faible vaccination contre la grippe parmi les soignants – seulement environ un sur trois, soit environ la moitié du taux dans de nombreux autres pays.
Englman a fait état d’une préoccupation générale concernant les vaccins contre la grippe, en déclarant qu’au moment de la rédaction du présent rapport en septembre, « la préparation pour la vaccination n’était pas terminée ».
Il a insisté : « Pour garantir que la plus grande partie possible de la population soit vaccinée contre la grippe et que les vaccinations soient effectuées en toute sécurité et en temps voulu, il est recommandé de formuler un plan systématique de vaccination. » Pas plus tard que la semaine dernière, un éminent médecin s’est inquiété du fait que cela ne s’était toujours pas produit.

Englman a soulevé une autre inquiétude à laquelle Israël doit faire face avec l’effet de la double épidémie qui se profile, c’est-à-dire la propagation simultanée de la grippe et du coronavirus. Le succès d’Israël dans la lutte contre ces épidémies hivernales pourrait dépendre, dans une large mesure, de la généralisation des tests. Le responsable de la lutte contre le coronavirus, Ronni Gamzu, exhorte actuellement les Israéliens à se faire tester même s’ils n’ont qu’un léger risque d’infection, et les responsables affirment qu’ils prévoient d’augmenter bientôt la capacité de test quotidienne à 100 000 personnes.
Mais le rapport met en doute l’ampleur des augmentations prévues, soulignant un « écart » entre les plans du ministère de la Santé et « la capacité dont disposeront les laboratoires du fonds de santé et leur volonté d’effectuer les tests dans leurs laboratoires en hiver ». Il a également exhorté le ministère de la Santé à « trouver des moyens d’améliorer l’efficacité et de raccourcir les processus de test » et à « analyser les raisons des résultats incorrects des tests et agir pour en réduire le nombre ».
Le suivi des téléphones par le Shin Bet, destiné à retracer les contacts des porteurs de coronavirus, présente de nombreux problèmes et impose une quarantaine inutile à de nombreuses personnes, selon le rapport, qui recommande au service de renseignement de trouver une nouvelle technologie.
« Les résultats de son activité reflètent le potentiel de nombreux individus qui entrent en isolement, parmi lesquels beaucoup n’ont pas été en contact étroit avec un individu infecté », a écrit le contrôleur. « Le ministère de la Santé et le ministère du Renseignement, avec l’aide du Conseil national de sécurité, devraient agir pour mettre en œuvre efficacement des moyens numériques alternatifs au lieu du système de suivi [du Shin Bet]. »
Les autorités ont également été présentées comme n’utilisant pas correctement les résultats des enquêtes épidémiologiques, qui permettent d’identifier les porteurs de COVID-19 et de mettre en quarantaine leurs contacts.
Trop peu de patients sont examinés, et lorsque leurs contacts sont retrouvés, un temps précieux pendant lequel les personnes potentiellement infectées devraient être mises en quarantaine est perdu, selon le rapport. Le contrôleur a indiqué que, dans un échantillon aléatoire de 76 enquêtes épidémiologiques menées dans le district de Jérusalem en juin et juillet 2020, environ 64 % d’entre elles avaient commencé après quatre jours ou plus suivant le diagnostic, « même si le délai effectif pour mener une telle enquête est de 24 à 48 heures après avoir reçu un résultat positif à un test de laboratoire ».
Englman a également évalué l’impact de la pandémie sur les Israéliens au-delà du domaine de la santé.

Quelque 74 % des entreprises ont subi des pertes importantes en mars et avril, selon le rapport, alors que les chiffres de la deuxième vague n’étaient pas encore disponibles au moment de sa publication.
Les entreprises qui essaient de naviguer dans le système des subventions de l’administration fiscale ont du mal, avec des dysfonctionnements informatiques et de nombreuses personnes qui attendent plus d’une heure au téléphone pour parler aux opérateurs, a déclaré M. Englman.
Les critères d’attribution des aides publiques « ont entravé la capacité de plusieurs groupes de travailleurs indépendants et d’entreprises à recevoir les subventions prévues », et il y a eu également une certaine confusion sur le fonctionnement des allocations, et le non-paiement de l’argent à certaines personnes qui auraient dû en recevoir. Le contrôleur a déclaré que « des déficiences avaient été constatées dans l’attribution des subventions telles que déterminées par le gouvernement ».
En outre, de nombreux enfants ne peuvent pas participer à l’enseignement à distance en raison d’un manque d’ordinateur, d’accès à Internet, ou des deux. L’État devrait « agir de toute urgence » pour remédier à cette situation – et au problème des enseignants qui tentent d’enseigner à leurs élèves à distance sans ordinateur, a déclaré le contrôleur.
Le rapport a révélé que 44 % des élèves des écoles élémentaires Haredim n’avaient pas d’ordinateur et 74 % n’avaient pas accès à Internet, tandis que 38 % des enfants arabes de l’enseignement élémentaire n’avaient ni ordinateur ni accès à Internet. En comparaison, 6 % des élèves juifs des écoles élémentaires non Haredim n’avaient pas d’ordinateur, et 9 % n’avaient pas accès à Internet.
Se concentrant sur l’enseignement en face à face, par opposition à l’enseignement en ligne, le rapport « recommande que le ministère de l’Education examine la question de l’utilisation accrue des espaces ouverts en dehors des écoles pour organiser les cours et les réunions pendant cette période ».
Englman voulait publier rapidement son rapport intérimaire avant qu’une enquête complète ne soit menée dans les mois à venir, dans l’espoir de mettre en place ce qu’il appelle des « solutions urgentes ».
« Les organismes qui ont fait l’objet d’une enquête doivent agir rapidement et efficacement pour corriger les déficiences qui n’ont pas encore été corrigées afin d’améliorer leur gestion continue de la crise du coronavirus », a-t-il déclaré.
Shoshanna Solomon a contribué à cet article.