Créteil : les agresseurs d’un couple en 2014 renvoyés aux assises pour antisémitisme
L'appartement, qui appartenait aux parents du jeune homme, juif, avait été cambriolé par 3 hommes armés d'un fusil à canon scié et d'une arme de poing ; la jeune femme avait été violée
L’agression très médiatisée d’un couple à Créteil fin 2014 était antisémite selon un juge d’instruction, qui vient de renvoyer cinq hommes, dont l’un est toujours en fuite, devant la cour d’assises du Val-de-Marne, a appris l’AFP vendredi de source proche du dossier.
Le 1er décembre 2014, un couple avait été séquestré à Créteil, en banlieue parisienne. La jeune femme avait été violée. L’appartement, qui appartenait aux parents de son compagnon, de confession juive, avait été cambriolé par trois hommes armés d’un fusil à canon scié et d’une arme de poing.
Un complice faisait le guet à l’extérieur, un cinquième homme avait aidé à la préparation de l’agression.
Les malfaiteurs, originaires de la commune voisine de Bonneuil-sur-Marne, avaient volé les ordinateurs, les téléphones et les bijoux de leurs victimes. Ils avaient également extorqué le code de la carte bancaire du jeune homme et retiré 480 euros en liquide dans un distributeur à proximité.
Après l’agression, le gouvernement avait affirmé sa volonté d’ériger la lutte contre le racisme et l’antisémitisme en « cause nationale ».
Parmi les cinq prévenus, deux hommes sont également renvoyés pour une tentative de vol commise un mois plus tôt chez un septuagénaire, également de confession juive, à Créteil toujours.
Pour ces deux méfaits, le juge d’instruction a retenu contre chacun des agresseurs la circonstance aggravante de « discrimination de la victime en raison de son appartenance réelle ou supposée à une religion », selon l’ordonnance de renvoi, dont l’AFP a eu connaissance.
« Les juifs, ça met pas l’argent à la banque », « les juifs, ça a de l’argent » : si l’instruction n’a permis d’attribuer ces « propos haineux […] sans ambiguïtés » qu’à un seul des agresseurs – celui en fuite -, ceux-ci « doivent être assumés par l’ensemble des auteurs au titre de la co-action », écrit le juge d’instruction, a rapporté une source proche du dossier à l’AFP.
L’ordonnance de renvoi du juge, qui avait d’abord écarté la qualification antisémite de l’agression au terme de son instruction, est conforme aux réquisitions du parquet de Créteil, qui avait demandé son rétablissement.
Tous les agresseurs sont poursuivis pour vol ou tentative de vol, extorsion et séquestration avec arme, ou complicité. Deux d’entre eux sont également poursuivis pour le viol de la jeune femme, l’un comme auteur, l’autre comme complice.
« La circonstance antisémite n’a pas lieu d’être », a dit à l’AFP Marie Dosé, avocate de l’un des hommes mis en examen, qui a fait appel du renvoi.
« Les revirements successifs des magistrats instructeurs et du parquet démontrent la fragilité de l’analyse juridique du dossier. Celui-ci a été instrumentalisé politiquement, maintenant il est temps de faire du droit », a-t-elle ajouté.
« Cette qualification antisémite ne pouvait qu’être retenue », a estimé au contraire Alain Jakubowicz, président de la Ligue internationale contre le racisme et l’antisémitisme (LICRA), interrogé par l’AFP. « Pour les victimes, c’était absolument essentiel », a-t-il dit.