Dan Shapiro a tenté d’organiser des rencontres entre Omar et des Israéliens
L'ex-envoyé américain espérait apporter "un peu d'équilibre" à la visite ; l'élue américaine voulait rencontrer des officiels de la sécurité et des députés, selon une source
L’ancien ambassadeur américain en Israël, Dan Shapiro, a tenté d’organiser des rencontres entre l’élue du Congrès Ilhan Omar et d’anciens responsables de la sécurité israéliens ainsi que des députés arabes et israéliens avant qu’Israël ne décide finalement de lui interdire l’entrée sur son sol la semaine dernière, a fait savoir une source au Congrès mercredi.
Israël a annoncé jeudi dernier qu’il n’autoriserait pas Ilhan Omar et sa consœur Rashida Tlaib — qui ont toutes les deux exprimé leur soutien au mouvement anti-israélien du BDS et fortement critiqué le gouvernement israélien — à entrer dans le pays.
Omar devait arriver samedi dernier pour rencontrer d’anciens responsables de la sécurité et des députés juifs et arabes avant de poursuivre le reste de sa visite dans le pays, a indiqué cette même source au Times of Israel, ajoutant que le bureau de la députée avait demandé à Dan Shapiro de planifier ces rencontres pour elle.
« En tant que membre de la Commission des Affaires étrangères de la Chambre des représentants, la représentante Omar voulait rencontrer ces responsables sécuritaires et membres de la Knesset », toujours d’après la source, qui souligne que, si cela avait été finalisé, cela aurait permis de rendre plus complète la visite des deux parlementaires qui devait commencer dimanche.
Un porte-parole de Rashida Tlaib n’a pas précisé si la députée palestino-américaine devait également en rencontrer.
Israël avait annoncé en juillet qu’il autoriserait Omar et Tlaib à se rendre en Israël, avant de finalement revenir sur sa décision la semaine dernière en vertu d’une loi adoptée en 2017, interdisant aux ressortissants étrangers ayant publiquement appelé au boycott de l’Etat juif ou travaillé pour une organisation qui défend ces mesures, d’entrer dans le pays.
Ce revirement était survenu moins de deux heures après les propos tenus par Donald Trump sur Twitter selon lesquels Israël ferait « preuve d’une grande faiblesse » en autorisant la venue des deux élues. Beaucoup avaient reproché au gouvernement d’avoir cédé aux pressions de la Maison Blanche.
Tlaib avait finalement obtenu la permission de rendre visite à sa grand-mère âgée et résidant en Cisjordanie pour des raisons humanitaires, mais y avait finalement renoncé en raison des conditions imposées par le gouvernement qui lui avait demandé de promettre de ne pas en profiter pour faire la promotion du mouvement de boycott BDS.
Plus tôt dans la journée, Tlaib a expliqué qu’elle ne se rendrait pas en Cisjordanie après qu’Israël a indiqué qu’elle approuverait sa demande de visiter sa famille, pour des raisons humanitaires.
Le Premier ministre Benjamin Netanyahu a, lui, assuré que la décision avait été prise après examen de leur itinéraire prévu dans le pays.
Un journaliste spécialisé de la chaîne publique Kan, Gili Cohen, a publié une copie de ce qu’il a présenté comme « le programme prévu » du voyage d’Omar et Tlaib. Il comprenait des rencontres avec des responsables de l’ambassade américaine, des organisations internationales, des expatriés américains, un cadre de l’OLP et d’autres, ainsi que des haltes dans un hôpital palestinien de Jérusalem, un camp de réfugiés de Bethléem, une université palestinienne près de Ramallah et un village bédouin menacé de démolition.
Le document ne mentionnait pas de rencontres avec des officiels israéliens ou des députés et ne comprenaient que des passages par Jérusalem et la Cisjordanie.
La source du Congrès affirme que les réunions prévues par Ilhan Omar contredisent les affirmations du Premier ministre israélien.
Netanyahu, justifiant la décision sans précédent, a déclaré qu’il était évident qu’elles se serviraient de leur visite dans le pays pour nuire à Israël. « Il y a plusieurs jours, nous avons reçu l’itinéraire de voyage [d’Omar et Tlaib], » a-t-il indiqué dans un communiqué, « lequel rendait clair qu’elle avait prévu leur visite dans le seul but de défendre les boycotts et nier la légitimité d’Israël. Elles ont, par exemple, appelé leur destination ‘Palestine’ et non ‘Israël’, et contrairement à tous les membres républicains et démocrates du Congrès avant eux, elles n’ont pas souhaité rencontrer d’officiels israéliens, que ce soit du gouvernement ou de l’opposition ».
Interrogé sur les commentaires de la source, le bureau du Premier ministre a renvoyé le Times of Israel à la déclaration initiale de Netanyahu.
La source a dit ne pas pouvoir révéler les identités des interlocuteurs que voulaient rencontrer Omar, si ce n’est la députée Aida Touma-Sliman, qui l’a publiquement confirmé.
Dan Shapiro a assuré que le bureau de l’élue de la Chambre l’avait bien contacté et expliqué qu’il y avait consenti afin d’apporter « un peu d’équilibre » à ce qu’il avait considéré comme un itinéraire « partial ».
« On me demande de conseiller et de discuter avec de nombreux membres du Congrès et autres délégations se rendant en Israël, comme je l’ai fait avec celle de 41 élus du représentant [Steny] Hoyer il y a deux semaines », a expliqué Dan Shapiro dans un communiqué par courriel.
« Le bureau de la représentante Omar m’a contacté pour me demander de l’aide afin d’organiser pour elle ces rencontres avec des experts politiques et sécuritaires israéliens qui auraient lieu sans les autres élus de la délégation. J’ai accepté, afin d’apporter un peu d’équilibre à ce que je considérais comme un itinéraire partial. Avant que sa visite soit annulée, des rencontres avec des députés de la Knesset juif et arabes étaient en préparation, et des discussions étaient en cours avec des experts de la sécurité pour qu’il lui fasse des présentations », a-t-il ajouté.
Celui qui a officié comme ambassadeur américain en Israël entre 2011 et 2017 est actuellement membre de l’Institute for National Security Studies, un think tank prestigieux rattaché à l’Université de Tel Aviv, qui compte de nombreux anciens responsables de la sécurité israéliens.
Dan Shapiro a cependant indiqué qu’il ne pensait pas que ces rencontres auraient changé l’objectif de cette visite, à savoir critiquer Israël et soutenir les Palestiniens, selon lui.
« Même si ces rencontres avaient eu lieu, je ne me faisais pas d’illusions, elles n’auraient pas changé ce que j’avais considéré comme étant les objectifs de ce voyage, qui étaient avant tout de donner de la voix aux critiques d’Israël et à la sympathie pour les Palestiniens », a-t-il précisé.
« Mon conseil, qui vaut pour tous ceux qui visitent le pays, était de réaliser un déplacement qui permette d’entendre une grande variété de voix de responsables israéliens et palestiniens, de non-officiels, d’experts de la sécurité, d’étudiants, de représentants de la société civile et du monde des affaires afin de comprendre toutes les complexités de la situation israélo-palestinienne et de mieux saisir l’alliance Israël/États-Unis et toutes ses facettes. À cet effet, j’estimais nécessaire de tenter d’apporter un peu d’équilibre à son voyage », conclut Dan Shapiro.