Dans le nord d’Israël, des agriculteurs attachés à leur terre refusent d’évacuer
""Cette terre est la nôtre de par la Bible, nous l'avons gardée au prix du sang versé alors c'est très important que nous soyons ici", en dépit des affrontements avec le Hezbollah, explique une agricultrice
Au-dessus des bêlements de ses chèvres, Elanit Kalfon exprime sa détermination : peu importent les affrontements avec le Hezbollah libanais tout proches, et les appels de l’armée à quitter son village, cette Israélienne ne « quittera pas sa terre ».
Goren, 680 habitants à moins de dix kilomètres de la frontière avec le Liban, a reçu dimanche un appel à évacuer des autorités, comme de nombreux autres villages agricoles du nord d’Israël.
La plupart des habitants n’ont pas attendu cet appel pour fuir, de peur que ne s’ouvre contre le Hezbollah libanais, allié du Hamas, un second front pour l’armée israélienne, déjà engagée dans une guerre meurtrière contre le Hamas, qui contrôle la bande de Gaza.
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Israël a mis son armée en état d’alerte sur sa frontière nord, immédiatement après les attaques dans le sud de son territoire du groupe terroriste islamiste palestinien Hamas le 7 octobre, jamais vues par leur ampleur et leur violence depuis la fondation de l’Etat en 1948.
Au moins six soldats israéliens, 19 terroristes du Hezbollah et six terroristes palestiniens ont été tués lors de ces échanges. Un civil israélien a par ailleurs été tué dans une attaque du Hezbollah, et plusieurs civils libanais et un journaliste de Reuters auraient également été tués par des bombardements israéliens.
Mme Kalfon, qui élève 1 200 chèvres à Goren, fait partie des quelques dizaines d’habitants qui ne veulent pas partir, malgré les sirènes d’alerte à la roquette quasi quotidiennes.
« Tout le monde me dit ‘Elanit, pars, laisse les animaux, ta vie est plus importante’. Certes, mais nous avons travaillé toute notre vie pour ça. J’éduque mes enfants en leur disant qu’on ne quitte pas sa terre », dit l’agricultrice de 47 ans, présidente de l’association des éleveurs caprins en Israël.
« Nous avons connu la guerre, c’était des jours difficiles », se souvient Mme Kalfon, en référence à l’annexion du sud du Liban par Israël (1982-2000) puis de la guerre entre Israël et le Hezbollah en 2006. Elle avait fait 1 200 morts côté libanais et 160 côté israélien.
Aujourd’hui, « on se prépare à pire, car le Hezbollah est plus grand et plus proche », assure-t-elle.
Escalade
Dans les allées de la ferme, son mari s’active, donne le biberon aux biquettes, un t-shirt usé de l’armée sur le dos et une arme en bandoulière, pour se protéger en cas « d’infiltration terroriste », explique son épouse.
Depuis le 7 octobre, ils ferment tout à double tour. Lorsqu’elle se souvient de ce samedi matin, des premières informations faisant état de terroristes du Hamas de Gaza infiltrés en Israël, massacrant des civils chez eux, dans la rue ou à une rave-party, sa gorge se noue et ses yeux se voilent.
« Nous avions espoir de pouvoir faire la paix », se désole-t-elle, ajoutant des mots très durs à l’encontre des Palestiniens. D’espoir, l’éleveuse dit n’en avoir plus aucun.
Plus de 1 400 personnes ont été tuées sur le sol israélien, en majorité des civils morts le jour de l’attaque. Plus de 5 000 Palestiniens ont été tués dans la bande de Gaza, d’après les autorités locales. Les chiffres émis par le groupe terroriste n’ont pas pu être vérifiés de manière indépendante et ils incluraient les terroristes et les hommes armés du groupe, en plus des victimes d’une explosion survenue dans un hôpital de Gaza City, le 17 octobre. Les États-Unis, qui ont cité leurs propres renseignements, ont confirmé le narratif israélien selon lequel les dégâts causés près de l’hôpital ont été causés par une roquette palestinienne.
Israël a accusé dimanche le Hezbollah d' »entraîner le Liban dans la guerre ».
Par la Bible et par le sang
Manipulant avec souplesse son quad sur une de ses parcelles vallonnées, Moshé Dadoush, 62 ans, admet « avoir peur » mais n’a aucune intention de prendre la route.
« J’ai fait la première guerre du Liban, je mentirais si je disais que je n’avais pas peur, je sais quel en est le prix », dit l’agriculteur au chapeau de cuir.
« Mais je dois rester ici m’occuper de mes arbres. Si je ne le fais pas, il n’y aura pas de fruits cette année », affirme-t-il au milieu de ses pêchers, disant « ne rien savoir faire d’autre ».
« Notre lien à la terre est fort (…) Je ne quitterai pas (la région) pour une raison simple, c’est ici que j’ai grandi, je n’ai nulle part où aller autre que ce pays. Je n’ai aucune raison de partir. C’est à moi », dit-il.
« Cette terre est la nôtre de par la Bible, nous l’avons gardée au prix du sang versé alors c’est très important que nous soyons ici, que nous cultivions et que nous soyons proches de la terre », renchérit Elanit Kalfon, mettant en avant des motivations « sentimentales et idéologiques ».
« L’agriculture c’est tout », conclut-elle: « la souveraineté alimentaire », « la vie ». Et le « contrôle de la terre ».
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