De jeunes français choisissent Israël pour effectuer leur service civique
Dans un hôpital de Haïfa, une crèche, ou l'école d'un village arabe israélien, ils donnent un an pour le service civique. Voici ce qui les a motivés

Dans les couloirs d’un hôpital niché sur les hauteurs de Haïfa, la Méditerranée à perte de vue, ou quelque part dans le village labyrinthique de Tamra, des dizaines de jeunes français ont l’air bien loin de chez eux.
« Mais c’est un bon sentiment d’être déraciné » sourit l’un deux, Hugo, 24 ans, citant l’auteur anglais Aldous Huxley. « C’est dans Les portes de la perception je crois » ajoute-il avec flegme.
« C’est un stress pour beaucoup de gens d’être dans un endroit inconnu. Moi, je l’aime cette sensation ».
Comme lui, ils sont 34 jeunes français à passer leur année de service civique en Israël en 2018/2019, encadré par l’association protestante Visa-Ad. Ils sont répartis entre divers services sociaux israéliens : crèches, hôpitaux ou écoles.

Le service civique a été mis en place par la loi du 10 mars 2010 initiée par Martin Hirsh, alors haut-commissaire aux Solidarités actives contre la pauvreté, qui deviendra directeur de la première Agence du service civique. Son but est d’encourager « l’engagement volontaire au service de l’intérêt général » avec un volet international.
Chacun des volontaires reçoit une indemnité d’environ 450 euros par mois.
Ceux d’entre eux qui ont choisi Israël sont pris en main par The Israeli Volunteer Association (IVA) qui « aspire à réduire les écarts socio-économiques et à lutter contre le racisme et les préjugés » détaille Visa-Ad.
Hugo a arrêté les études pour partir Londres il y a quelques années. Il y est devenu chef de cuisine, et a aimé l’ambiance anti-conformiste que sait distiller la ville. Pourtant en septembre 2018 il quitte le tablier et les nuits londoniennes pour enfiler la blouse blanche de l’hôpital Carmel de Haïfa.
Si Hugo est venu en Israël pour cette sensation de dépaysement, d’autres ont suivi « une petite amie qui a fait son alyah », ou sont venus apprendre l’arabe, l’hébreu. Ou simplement goûter à une année de césure au milieu de leurs études.
A l’hôpital, Hugo aide « des personnes mal en point », les patients confinés ou tétraplégiques. Jusqu’à son arrivée le préposé était seul avec son monte-charge pour déplacer les patients. L’arrivée d’Hugo a changé la donne. « J’ai aimé son caractère silencieux, on s’entend bien ».

A l’aise, il a rempli son temps libre en se portant volontaire – encore – dans un chenil de la ville, une fois par semaine. Il apprécie qu’en Israël, « on ne pique pas les chiens », et qu’on les garde jusqu’à leur mort naturelle. Hugo profite aussi de son temps libre pour parcourir aussi les sites archéologiques du pays.
Dans le même hôpital, Yoan a hérité d’un poste d’aide-soignant au service de chirurgie, Joao, 19 ans, qui avait peur du sang – « finalement ça va » – hérite de la médecine interne, Roland en cardiologie, et Loris, originaire de Lyon est en urologie. Aucun d’eux n’est juif.
Quelques membres de leur famille ont bien eu peur de les laisser partir en Israël « mais puisque des gens vivent là-bas, » argumente Loris auprès des siens, « pourquoi je ne pourrais pas y vivre un an ».
Loris – , dont le témoignage est ramené par Visa-Ad– raconte : « je voulais découvrir un pays qu’on ne connait pas tellement en Occident. Je voulais me prouver à moi-même et à ma famille, que ce pays n’est pas le reflet de ce que les médias nous montrent. De plus, j’aime en apprendre plus sur les religions (juive ici) donc cela m’a également aidé dans mon choix ».
Même son de cloche chez Omar, 23 ans : « Bien loin de tout engagement politique, j’ai choisi Israël pour sa région. En effet, je pense que c’est une région chargée d’histoire, dotée d’un patrimoine historique et religieux exceptionnel et je savais d’ores et déjà que ma mission là-bas serait fantastique. J’étais sûr que cela me permettrait de découvrir des choses dont je n’aurais même pas soupçonné l’existence. Bien que la mission se déroule en Israël, je savais que l’on aurait du temps libre pour voyager. Israël étant situé au Moyen-Orient, cela nous permet d’être proche de tout : de la Jordanie, de l’Égypte, des pays du Golfe ».
A 17 ans après le lycée, Loris – le volontaire de Haïfa – a eu envie de voyager. Diplôme de Bafa en poche, animateur de colonies de vacances, il aime comme les autres ce pays « carrefour des religions », regrette que les gens en France aient « des idées préconçues sur Israël ».
Spectateurs attentifs de la société israélienne, ils comparent à coup d’anecdotes les différences de culture entre la France et Israël.
A l’hôpital, selon Roland, qui a déjà travaillé au CHU de St Etienne « les médecins sont plus présents, ils parlent du cas avec le staff en présence du patient. Les médecins font même des actes d’infirmerie, il y a beaucoup de proximité, c’est très humain ».
Selon Joao, la société est moins « protocolaire », quand Hugo apprécie « la franchise » des Israéliens.
A Tamra
A une quarantaine de kilomètres à l’est de Haïfa, sur le flanc d’une colline, s’étale le village arabe de Tamra qui accueille trois volontaires.
Ahmed Diab est le principal du lycée de ce bourg. Souriant, ferme, il est fier de son lycée, et des programmes internationaux et interconfessionnels auxquels participe son établissement.

Il suit d’un oeil bienveillant le travail de Sarah, Céline et Thomas qui animent des ateliers d’anglais à l’école avec les enfants le matin et organisent des activités dans un centre de jeunesse l’après-midi.
Sarah, 21 ans, est originaire du Maroc et habite aujourd’hui Aix en Provence où elle étudie les sciences économiques : « j’ai choisi de venir en Israël pour profiter du mélange de cultures, c’est une expérience unique, je voulais aussi améliorer mon arabe, » raconte-t-elle.
« On connait bien les enfants maintenant, ils se sentent bien près de nous, il y a beaucoup d’interactions ».
Avant Israël, Jonas était en Allemagne, et il voudrait passer à son retour le concours A du ministère des Affaires étrangères.
Eva vient de Monteils petit village dans le Tarn et Garonne. Elle a étudié la littérature espagnole, et voudrait intégrer une école de journalisme à son retour.
Et son immersion à Tamra pourrait bien lui fournir assez de matière pour écrire.
Car Tamra, qui fait plutôt la taille d’un gros bourg voire d’une petite ville, fonctionne comme un village où tout le monde se connait. « C’est extrêmement chaleureux, » raconte Sarah : les voisins qui débarquent à l’improviste les bras chargés de nourriture, ou qui s’organisent pour palier le manque de transports en commun la nuit tombée, en amenant les jeunes français à Haïfa ou ailleurs.
Très traditionnel, le village n’offre pas une vie nocturne intense. « Je n’ai jamais vécu dans une petite ville, explique Sarah, et j’ai dû m’habituer ».
Sorti frais émoulu de France Wilfried a appris à faire avec « l’absence de code de la route » « ou de l’absence d’horaire ». « C’est un village oriental » qu’il a appris à apprécier, y compris l’appel du muezzin nocturne provenant de la mosquée à quelques mètres de la maison où il habite.
« La première question que nous posent les enfants c’est : vous êtes juifs ou chrétiens? » s’amuse Eva. Au début ils étaient persuadés que, puisque nous n’étions pas de Tamra, nous étions forcément juifs. Beaucoup d’entre eux ne connaissent que Tamra, et je crois qu’au-delà de l’anglais qu’on leur apprend, on représente pour eux une certaine ouverture, un bol d’air ».
« Les enfants viennent de familles pauvres qui ne peuvent même pas payer l’électricité, regrette-t-elle. Ils ne sortent pas de la ville avant de pouvoir gagner de l’argent ».
Après les cours d’anglais du matin, les trois jeunes français animent un centre pour la jeunesse – le « youth club » – du village. Un espace un peu à part dans le village, hors du carcan. « On y voit des jeunes qui peuvent y affirmer leur identité sexuelle LGBT ce qu’ils ne pourraient pas faire ailleurs dans le village, » détaillent les volontaires.
Ils parlent également du regard positif des jeunes sur la société israélienne, non pas pour des raisons économiques ou idéologiques, mais parce que le reste d’Israël représente un monde plus libéral qu’ils ne connaissent, idéalisé ou non, qu’à travers l’écran de leur smartphone.
« Certains jeunes veulent faire le service militaire, » affirme même un volontaire, car il représente à leurs yeux un vecteur d’émancipation, de plus de liberté.
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