Israël en guerre - Jour 394

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De nombreuses familles de victimes de Supernova se recueillent au Hangar 11

L'ex-otage Noa Argamani a parlé pour la première fois de son enlèvement lors d'une cérémonie organisée à Tel Aviv par Tribe of Nova, un groupe formé à la suite du massacre perpétré le 7 octobre

Ofri Rahum, qui a perdu plusieurs membres de sa famille le 7 octobre 2023, lors d'un événement commémoratif à Tel Aviv pour les familles des victimes du massacre de la rave-party Supernova, le 6 octobre 2024. (Crédit : Gavriel Fiske/Times of Israel)
Ofri Rahum, qui a perdu plusieurs membres de sa famille le 7 octobre 2023, lors d'un événement commémoratif à Tel Aviv pour les familles des victimes du massacre de la rave-party Supernova, le 6 octobre 2024. (Crédit : Gavriel Fiske/Times of Israel)

Ce sont des centaines de parents, de frères et sœurs et d’enfants de victimes assassinées lors du festival de musique électronique Supernova qui ont répondu à l’appel lancé par une organisation en cette date-anniversaire funeste du pogrom du 7 octobre. Ils sont rassemblés devant le Hangar 11, une salle de spectacle de Tel Aviv pour une cérémonie de commémoration organisée en hommage à leurs proches froidement exécutés il y a très exactement un an.

A l’extérieur de la salle, dans le quartier très animé du port de Tel Aviv, un autel a été installé pour permettre aux personnes présentes d’allumer une bougie en mémoire des défunts. A proximité, une installation artistique au néon, qui a été spécialement conçue et imaginée pour l’occasion, apportant une touche surréaliste à cet événement de recueillement. Jouxtant l’œuvre d’art, un écran géant où s’affichent, les unes à côté des autres, les photos des visages des festivaliers qui avaient perdu la vie à la rave-party, lorsque l’aube et ses lumières avaient disparu sous une vague rouge sang qui avait submergé les abords du kibboutz Reim.

« Le temps file. Je n’arrive pas à croire que ça fait déjà un an. C’est comme un rêve dont je voudrais me réveiller sans y arriver », s’exclame Ofri Rahum, une jeune femme venue pour rendre hommage à plusieurs proches assassinés par les hommes armés.

La sœur de Rahum, qui était enceinte de quatre mois, le fiancé de sa sœur et son oncle avaient tous été tués lors de la rave-party.

« C’est comme s’ils étaient partis en voyage et qu’on attendait qu’ils reviennent », ajoute-t-elle.

« Toutes les familles sont là, c’est très important. Ça réconforte un peu », ajoute-t-elle d’une voix douce, avant d’aller saluer les familles et les amis présents dans la foule.

Cet événement a été organisé par l’association communautaire Tribe of Nova – qui a voulu ainsi « renforcer et rendre hommage aux familles touchées par le deuil » et commémorer les 410 personnes qui avaient été froidement exécutées lors du festival Nova et lors d’autres raves organisées aux abords de Reim qui avaient, elles aussi, été prises d’assaut, ce jour-là, selon les organisateurs. Les autorités israéliennes affirment qu’au moins 364 personnes ont été tuées lors du seul festival Nova, transformant cet événement festif en symbole de mort, de destruction et d’horreur.

Des familles en deuil et des survivants du massacre du festival Supernova du 7 octobre assistent à un événement commémoratif à Tel Aviv, le 6 octobre 2024. (Crédit : Gavriel Fiske/Times of Israel)

« Je ne parviens pas à digérer le fait que ma fille bien-aimée ait été abattue alors qu’elle rentrait chez elle, dans sa voiture. Elle était partie de la maison pour aller à un festival magnifique de musique et de paix », dit Orin Zach-Gantz, la mère d’Eden Zacharia, qui a été tuée lors du festival.

Cet événement organisé au Hangar 11 fait partie des dizaines de manifestations qui ont lieu, cette semaine, pour marquer le premier anniversaire du pogrom commis par les hommes armés du Hamas dans le sud d’Israël – les terroristes avaient massacré plus de 1 200 personnes et ils avaient enlevé 251 personnes, qui avaient été prises en otage dans la bande de Gaza. Cet assaut barbare avait été à l’origine de la guerre qui oppose actuellement Israël au Hamas, dans la bande de Gaza. Selon les autorités, 97 otages se trouvent encore dans l’enclave côtière – la mort de 33 d’entre elles a été confirmée par l’armée. La majorité des captifs avaient été kidnappés au festival de musique électronique.

Un mouvement populaire

L’organisation Tribe of Nova a été fondée par les survivants de la rave-party Nova immédiatement après le 7 octobre et « au cours des douze derniers mois, elle a organisé des centaines d’événements et d’activités », déclare Sarel Botavia, l’un des organisateurs.

Botavia, qui raconte avoir perdu une quarantaine d’amis le 7 octobre, est récemment revenu du festival Burning Man, dans le désert de Black Rock, au Nevada. Avec d’autres Israéliens, il y a installé un stand à la mémoire des victimes de Nova dans le cadre des efforts déployés par le groupe pour « répandre la lumière dans le monde entier », dit-il.

Sarel Botavia, l’un des organisateurs du festival Supernova, lors d’un événement commémoratif à Tel Aviv, le 6 octobre 2024. (Crédit : Gavriel Fiske/Times of Israel)

La cérémonie dure deux heures. L’occasion, pour les personnes présentes, d’une prière collective de Yizkor (souvenir) en mémoire des défunts, mais aussi l’occasion d’écouter les prises de parole de membres des familles de victimes. Des artistes sont venus également commémorer les victimes – Shlomi Shabat, Shiri Maimon et Yuval Dayan, qui interprète son tube « Until You Return », une chanson mélancolique consacrée à l’amour perdu.

Le maître de cérémonie, dans cette soirée, est Guy Zuaretz, personnalité du monde des médias et chanteur, qui a lui-même perdu un neveu lors de la fête. Contrairement au mémorial qui a été érigé sur le site du festival Reim, la cérémonie au Hangar 11 n’est pas ouverte au public, ce qui donne à cet événement solennel une dimension profondément intime dans une salle immense qui sert plutôt habituellement de salle de concert ou de club de danse.

S’adressant à plusieurs centaines d’autres parents en deuil, Zach-Gantz confie qu’elle est « toujours dans le déni » de ce qui est arrivé à sa fille lors de la rave. Elle pleure.

Pendant un certain temps, le sort de Zacharia était resté indéterminé – mais il s’est avéré par la suite qu’elle avait probablement été tuée par balle le 7 octobre, et que son corps avait été emmené à Gaza. Ce qui restait de sa dépouille avait été retrouvé lors d’une opération menée par l’armée israélienne, au mois de décembre.

Un écran montrant des photos des participants au festival Supernova qui ont péri lors du massacre du 7 octobre 2023 dirigé par le Hamas, lors d’un événement commémoratif à Tel Aviv le 6 octobre 2024. (Crédit : Gavriel Fiske/Times of Israel)

« Je suis une mère en deuil – mais je n’accepte pas ce terme. On me demande ce que je ressens aujourd’hui, un an après, mais je suis toujours coincée dans le 7 octobre. Le monde continue, mais pour moi, le temps s’est arrêté », déclare-t-elle.

Les terroristes « ont réussi leur attaque, il ne fait aucun doute qu’ils ont assassiné ma fille… Je vous jure qu’Eden… Ils ne gagneront pas la guerre, » ajoute-t-elle avec conviction.

Nir Schlesinger, dont le père Asaf avait été tué le 7 octobre – il était déployé sur le site du festival en tant que médecin – peine à décrire l’immensité de sa perte.

« Il n’y a pas de mots, dans ce monde, pour raconter ce que nous avons vécu et ce que nous vivons encore », explique-t-il. « Nous ne rirons plus ensemble de choses idiotes, tu ne me rappelleras plus en permanence de faire attention à ma voiture, nous ne parlerons plus ensemble ».

Shlesinger se souvient des difficultés qu’il rencontrait pour que son père « ne soit pas tout le temps sur mon dos », pour qu’il « n’intervienne pas ». Il ajoute qu’il donnerait aujourd’hui « n’importe quoi pour que tu m’embêtes encore une fois, pour un dernier échange ».

Des jours en enfer

Mishel Iluz, dont le fils Guy avait été enlevé lors du festival et qui est mort à Gaza, profite de sa prise de parole pour répéter, à la tribune, les demandes adressées par les familles des otages au gouvernement, sommant ce dernier de finaliser un accord avec le Hamas qui ouvrirait la porte à la libération de leurs proches.

« Qui aurait pu croire que nous serions ici aujourd’hui, alors qu’un an s’est écoulé et qu’il y a encore une centaine de personnes enlevées à Gaza, avec parmi elles notre Guy ? », s’interroge Iluz, qui précise s’exprimer en tant que représentant du Forum des familles d’otages et de portés-disparus.

« Nous n’avons pas fait suffisamment de choses en tant que pays – et c’est assurément le cas du gouvernement, qui n’a clairement pas fait assez – pour permettre à nos enfants de revenir à la maison dans le cadre d’un accord », déplore-t-il.

Il demande au Premier ministre Benjamin Netanyahu de mettre fin aux opérations militaires de sauvetage qui mettent en danger à la fois les soldats et les otages – et il réclame « un accord immédiat » qui garantira le rapatriement des otages encore en vie, et le retour des dépouilles de ceux qui ont trouvé la mort en captivité.

Noa Argamani, une ancienne otage qui avait été sauvée par les soldats israéliens – ils ont été rares – est présente également lors de cette soirée. Elle parle de son kidnapping – elle avait été enlevée lors de la rave-party , un enlèvement qui avait été filmé avec des images devenues emblématiques et qui avaient fait le tour du monde. Noa Argamani apparaissait sur la vidéo, maintenue de force sur une moto du Hamas, en train de tendre la main à son petit ami Avinatan Or, qui est toujours captif à Gaza. Pour la première fois, elle évoque publiquement ce qui lui était arrivé en cette matinée de Shabbat noir au cours de cette cérémonie de recueillement.

Noa Argamani s’exprimant lors d’un événement commémoratif pour les victimes du massacre du festival Supernova, à Tel Aviv, le 6 octobre 2024. (Capture d’écran/Autorisation : Mizmor Productions)

Argamani raconte d’une voix douce qu’elle et Or, en compagnie de quelques autres amis, avaient décidé à la dernière minute d’assister au festival. Ils y étaient arrivés à 4 h 30 du matin.

À 6 h 30, le festival était déjà pris d’assaut. Des roquettes avaient d’abord été tirées depuis la bande de Gaza et les hommes armés du Hamas avaient fait leur apparition.

« Nous avons cherché à partir et soudain, ils ont commencé à nous tirer dessus. Nous nous sommes retournés et peu importe la direction dans laquelle nous allions, on nous tirait dessus », se souvient-elle.

Séparée de ses amis – elle avait appris plus tard qu’ils avaient été tués – « Avinatan et moi avons continué à fuir dans la voiture, mais elle s’est enlisée… Nous nous sommes cachés dans la forêt pendant des heures jusqu’à ce qu’un groupe de terroristes nous mette la main dessus », continue-t-elle.

Les hommes armés se sont alors emparés du couple et « ils m’ont fait monter sur une moto… c’est en fait le dernier moment où j’ai vu mon amour, Avinatan Or… après quelques minutes, je me suis soudain retrouvée au milieu de la bande de Gaza », raconte-t-elle. Là-bas, « j’ai vécu dans la peur tous les jours, dans des conditions d’une dureté extrême et ce, pendant 246 jours ».

Lorsqu’elle avait finalement été secourue lors d’une opération audacieuse des soldats israéliens, au mois de juin, « j’ai retrouvé ma vie, mais ce n’est qu’après mon retour que j’ai compris l’ampleur de la catastrophe », explique Argamani. « Nous devons faire tout ce qui est en notre pouvoir pour que les personnes qui ont été enlevées et qui sont encore en vie retrouvent leurs familles, et pour que les morts soient inhumés de manière digne en Israël ».

La soirée se termine officiellement par la « Hatikvah », l’hymne national israélien. Le foule se dirige ensuite lentement vers l’extérieur pour de derniers échanges, entre rires et larmes.

Solly Laniado, directeur-général de Tribe of Nova, lors d’un événement commémoratif à Tel Aviv le 6 octobre 2024. (Crédit : Gavriel Fiske/Times of Israel)

La résilience et l’organisation de la communauté Nova après le 7 octobre est quelque chose qui « devrait être enseigné », commente Solly Laniado, le directeur-général de l’organisation Tribe of Nova, qui confie avoir récemment accepté le poste comme une sorte de « devoir de réserve » après une carrière d’avocat et d’homme d’affaires.

« Nous avons ici des personnes qui ont vu les choses les plus terribles et qui ont quand même trouvé la capacité d’accepter ce qui s’est passé et d’accepter les autres pour venir dire : ‘Nous danserons à nouveau, nous vivrons à nouveau’, » continue-t-il.

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