De nouvelles élections ? La dernière chose dont Israël a besoin
Malgré les menaces de sa coalition et les spéculations, un scrutin n’aura pas lieu dans l’immédiat, affirme Netanyahu
Haviv Rettig Gur est l'analyste du Times of Israël
Le Premier ministre essaie de faire taire les rumeurs selon lesquelles il projetterait d’organiser des élections.
Ces spéculations sont fondées. La semaine prochaine, la Knesset débattra sur le projet de loi controversé proposé par le ministre de l’Economie, Yair Lapid, sur la suppression de la TVA pour certains achats de biens immobiliers – une loi qui devra être votée, pour qu’il reste dans la coalition.
Lundi, Netanyahu a annoncé qu’il retirait son soutien au projet de loi controversé pour faciliter la conversion qui oppose la ministre de la Justice, Tzipi Livni du parti Hatnua, au ministre de l’Economie, Naftali Bennett de Habayit Hayehudi. Ce projet a été voté en première lecture au printemps dernier avec le soutien de Netanyahu, mais il aura du mal à passer les deux prochaines lectures pour pouvoir acquérir la force de loi sans le soutien du Premier ministre.
Livni a déclaré que la promulgation de cette loi était une question cruciale quant à l’avenir de sa participation à la coalition. Certains responsables de Habayit Hayehudi ont insinué que, eux aussi, seraient prêts à revoir leur position sur leur présence dans le gouvernement si la coalition s’obstinait à poursuivre cette réforme inacceptable des institutions religieuses.
De nombreux responsables politiques semblent être persuadés que menacer de quitter la coalition, décision qui renverserait le gouvernement et entraînerait des élections anticipées, est une manière raisonnable de négocier.
Et il y a ces primaires du Likud qui, organisées maintenant, tomberaient suspicieusement à point nommé. Ces dernières semaines, Netanyahu a tenté d’organiser des primaires instantanées au Likud – primaires qu’il est sûr de gagner et qui prépareraient le parti pour de futures élections.
Rassemblez tous ces signes, et les élections ne semblent plus être un événement lointain.
Mais cette analyse, avancée par les plus grands médias israéliens ces derniers jours, est quasi certainement fausse.
Mardi, lors d’une petite fête d’anniversaire organisée pour ses 65 ans, Netanyahu aurait affirmé que « les élections sont la dernière chose dont le peuple israélien aurait besoin maintenant ».
C’est une révélation intéressante. Evoquée en premier par Israel Radio, cette déclaration tient son intérêt du fait qu’elle a été faite dans le bureau même du Premier ministre, en présence de ses plus proches collaborateurs. On peut donc supposer, sans prendre trop de risques, que cette fuite n’était pas accidentelle.
Toujours mardi, le ministre de l’Environnement, Amir Peretz – membre du parti Hatnua – a pris la peine de déclarer publiquement que les récents débats sur « une crise de la coalition » étaient « exagérés » et que l’on devait ramener la proportion du débat « au niveau réel » de la crise.
Les propres déclarations de Livni sur le projet de loi pour faciliter la conversion a esquivé la question de son départ éventuel de la coalition. La ministre de Justice a seulement promis de continuer à se battre pour ce projet.
Et Lapid a clairement affirmé mardi sur le site Walla news : « Il n’y a pas de crise. La coalition est forte et le gouvernement n’est pas sur le point d’être renversé ».
Concrètement, ces affirmations suivent des réunions, qui ont eu lieu plus tôt dans la semaine, entre Netanyahu et les leaders des partis de la coalition, au cours desquelles le Premier ministre leur a garanti qu’il n’avait aucunement l’intention de démanteler le gouvernement.
Mais qu’en est-il de primaires instantanées ?
Comme souligné la semaine dernière par le Times of Israel, le pari de Netanyahu, en poussant à l’organisation des primaires, est motivé par les conflits internes auxquels il fait face au sein du Likud et non pas par les craintes au sujet de son gouvernement dans l’arène politique nationale.
A la fin du mois de décembre ou début janvier (la date n’a pas encore été fixée), le Comité central du Likud doit se réunir pour voter une série de changements dans la constitution du parti et dans son règlement.
Netanyahu espère pouvoir faire voter une poignée d’amendements constitutionnels qui lui permettraient de renforcer son contrôle sur la direction politique du parti, comme un amendement qui permettrait au leader du parti de choisir un membre sur les 10 membres de la Knesset de la liste du parti sans avoir à recourir à des primaires.
Netanyahu est persuadé que cela serait plus facile pour lui d’affronter le Comité central s’il peut se présenter à la réunion en ayant déjà remporté les primaires et assuré sa position de leader du parti, au moins jusqu’aux prochaines élections nationales.
Mardi, le projet de Netanyahu a rencontré un contretemps en raison de l’annonce de Danny Danon, le président du Comité central. Il a déclaré qu’il n’autoriserait pas le Comité à se réunir la semaine prochaine – comme le souhaitait Netanyahu – pour fixer une date pour les primaires. Au lieu de cela, Danon a indiqué dans un communiqué qu’il « suggérerait au président du parti [Netanyahu] des dates raisonnables pour organiser une élection juste, respectable et digne d’un parti qui gouverne ».
Ces élections seront organisées dans une échéance de « deux ou trois mois », a plus tard expliqué Danon – ou, pour être plus précis, immédiatement après la réunion constitutionnelle de décembre-janvier que Netanyahu prépare assidûment.
Cette annonce de Danon est le dernier accrochage en date entre lui et le Premier ministre. Un conflit de longue date oppose Netanyahu et Danon, qui se disputent le contrôle du Comité central et de l’appareil du parti en général.
La décision de Danon est raisonnable et même intelligente, car c’est un bon moyen d’affaiblir Netanyahu avant le combat constitutionnel de décembre. Et sa propre explication pour justifier sa décision ne laisse pas planer l’ombre d’un doute quant à ses motivations : « le mouvement du Likud est dans un processus d’éveil, et je ne permettrais [à personne] d’arrêter [ce processus] et de réduire à nouveau ses membres au silence », a-t-il précisé dans un communiqué mardi.
En d’autres termes, il ne va pas laisser Netanyahu prendre plus de pouvoir au détriment de Danon, qui dirige le parti.
Mais, si la tentative de faire avancer les primaires étaient destinée à préparer le parti pour des élections imminentes, alors la décision de Danon serait complètement insensée et vouée à l’échec. Danon se mettrait lui aussi en danger si le parti se retrouvait mal préparé pour des élections.
Les partenaires de coalition de Netanyahu agitent peut-être des menaces sous son nez, mais ils travaillent dur pour ne pas avoir à mettre ses menaces à exécution. Et le timing de Netanyahu pour préparer son parti aux élections n’a rien avoir avec la stabilité de sa coalition, mais avec sa position dans son parti.
Malgré les supputations d’élections, il n’y aucune preuve tangible dans le système politique pour affirmer qu’elles sont proches.