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Des donateurs républicains US expliquent pourquoi ils n’investissent pas en Israël

Une délégation du Lincoln Club du comté d'Orange a dit qu'elle n'investira plus d'argent avant que l'indépendance des juges, mise en cause par la réforme judiciaire, soit garantie

Lazar Berman est le correspondant diplomatique du Times of Israël

Les membres du Lincoln Club du comté d'Orange rencontrent le ministre de l'Économie Nir Barkat, en mai 2023. (Crédit :  Le Lincoln Club of Orange County/Bar Shvo)
Les membres du Lincoln Club du comté d'Orange rencontrent le ministre de l'Économie Nir Barkat, en mai 2023. (Crédit : Le Lincoln Club of Orange County/Bar Shvo)

Des hommes d’affaires américains appartenant à un club renommé réunissant des donateurs conservateurs ont indiqué qu’ils étaient prêts à investir dans des initiatives israéliennes et régionales – mais qu’ils ne le feraient pas avant de connaître les répercussions du projet de réforme du système judiciaire israélien actuellement avancé par le gouvernement.

« C’est un gros problème pour nous, » explique Sammy Sayago, entrepreneur en marketing et directeur-général de WhyW8t LLC. « Ce qui est en train de se passer avec la branche judiciaire, cette manière dont la commission de sélection judiciaire est en train d’être éliminée du tableau… tout ça va à l’encontre de nos idées de ce que sont l’indépendance et la séparation des pouvoirs ».

Sayago, qui s’est entretenu avec le Times of Israel à Jérusalem, fait partie d’une délégation d’une quarantaine de membres du Lincoln Club du comté d’Orange, un groupe de donateurs actifs dans la sphère politique américaine et qui bénéficie d’une influence importante au sein du parti républicain.

Mercredi, le Premier ministre Benjamin Netanyahu a fait savoir que le plan de refonte du système de la justice israélien avancé par le gouvernement – un plan qui avait été mis en pause au mois de mars dans un contexte de manifestations sans précédent et d’avertissements alarmistes concernant ses conséquences sur l’économie israélienne – sera réinscrit à l’ordre du jour de la Knesset, après l’adoption définitive du budget de l’État.

L’une des propositions gouvernementales consiste à modifier la composition de la Commission chargée de nommer les juges à la Haute-cour – et non à l’éliminer – de manière à donner plus de poids en son sein aux élus politiques.

« Beaucoup de réponses qui nous ont été apportées depuis Israël n’ont pas réellement apaisé nos inquiétudes dans la mesure où ce qui se passe ici reste encore actuellement relativement peu clair à nos yeux », dit Wayne Lindholm, directeur d’entreprises du secteur de l’immobilier et de l’hôtellerie. « Nous avons posé beaucoup de questions sur les réformes judiciaires qui sont envisagées. »

Wayne Lindholm, à gauche, et Lei Wang, à droite, des membres du conseil d’administration du Lincoln Club du comté d’Orange, au mois de mai 2023. (Crédit :The Lincoln Club of Orange County/Bar Shvo)

Lindholm, membre du conseil d’administration du Lincoln Club et dirigeant d’une entreprise qui a construit une structure importante pour Intel en Israël, note que lui et ses collègues n’investiront pas dans un pays en l’absence de règles claires et de la certitude que les contrats seront bien honorés.

L’entrepreneur Ron Salpeter, qui représente le club au sein de l’État juif, confie au Times of Israel qu’il n’est pas surpris par la fermeté affichée par la délégation à l’égard de l’importance d’un système judiciaire indépendant.

« Ils disent tous qu’ils seraient heureux de faire des affaires dans le pays », explique Salpeter. « Mais ils ont tous également dit de manière très claire qu’ils n’investiraient pas un seul dollar s’ils n’avaient pas le sentiment que la démocratie et le système judiciaire sont clairement et solidement implantés sur le territoire. Ils sont très bien informés, ils savent très bien ce qui se passe ici, ils savent combien d’Israéliens ont pris part aux manifestations ».

Les partisans de la réforme judiciaire du gouvernement se réunissent à Jérusalem, le 27 avril 2023. (Crédit : Lazar Berman/The Times of Israel)

« Ils ne feront aucune affaire ici s’ils n’ont pas l’esprit tranquille en ce qui concerne le système judiciaire et la question de la transparence », ajoute-t-il.

En Israël, la délégation a rencontré le ministre de l’Éducation Yoav Kisch, le ministre des Affaires étrangères Eli Cohen et le ministre des Finances Nir Barkat pour la coalition, ainsi que les leaders des partis de l’opposition Yair Lapid et Benny Gantz.

Ils ont fait part de leurs inquiétudes portant sur le projet de réforme du système judiciaire israélien à Barkat qui leur a répondu : « Ne vous inquiétez pas, nous trouverons une solution basée sur le consensus ».

Les membres ont semblé particulièrement séduits par Gantz, ancien chef d’État-major et ancien ministre de la Défense qui s’est adressé au groupe pendant une heure au Centre Peres de Tel Aviv.

Le député et chef du parti HaMahane HaMamlahti Benny Gantz fait une déclaration à la presse à Sderot, dans le sud d’Israël, le 3 mai 2023. (Crédit : Flash90)

« Ils ont été très impressionnés par sa stature d’homme d’État et par la manière dont il s’est exprimé », fait remarquer Salpeter.

Vibrations positives

Le groupe est formé de membres qui sont pratiquement tous non-Juifs et la majorité des participants dit n’avoir jamais procédé à des investissements majeurs en Israël. Toutefois, certains s’intéressent à des projets régionaux – notamment dans le secteur du tourisme ou de l’hôtellerie en Israël, en Jordanie et dans d’autres pays arabes qui entretiennent des liens diplomatiques avec l’État juif.

La délégation du Lincoln Club a fait un détour par la Jordanie et par l’Égypte avant d’arriver en Israël, avec aussi un arrêt à Ramallah où elle s’est entretenue avec Ahmed Majdalni, membre du Comité exécutif de l’Organisation de libération de la Palestine (OLP).

Même si les responsables jordaniens – et égyptiens dans une moindre mesure – n’épargnent pas souvent Israël de leurs critiques publiques, le groupe indique avoir été sidéré par les propos tenus au sujet de l’État juif par les officiels rencontrés, avec parmi eux le ministre jordanien des Investissements, Kholoud Al-Saqqaf.

Le ministre jordanien de l’Eau et de l’Irrigation, Mohammed Al Najer, à gauche, serre la main avec la ministre sortante de la Protection environnementale israélienne, Tamar Zandberg, après la signature d’un accord lors de la conférence sur le climat de la COP 27 à Sharm el-Sheikh, en Égypte. (Crédit : Bradley D’coutho)

« J’ai été surpris parce que je pensais qu’ils se montreraient très négatifs et que ça n’a pas été le cas », dit Sayago. « J’ai eu le sentiment qu’ils cherchaient à améliorer les relations ».

Il ajoute que les responsables jordaniens ont salué le travail effectué par Israël pour trouver des solutions au problème du manque d’eau dans la région.

« Quand ils ont évoqué Israël à ce sujet, » renchérit Lindholm, « ils se sont montrés très élogieux ».

La politique étrangère au premier plan

Les potentiels candidats républicains à la Maison Blanche ont pris la parole devant le club alors que les primaires se profilent à l’horizon. Le gouverneur de Floride, Ron DeSantis, s’est adressé aux membres du groupe au mois de septembre dernier, et l’ancien vice-président américain Mike Pence a été au cœur d’un événement organisé au mois d’avril.

L’ancien vice-président américain Mike Pence pendant un rassemblement à Manchester, dans le New Hampshire, le 17 août 2022. (Crédit : AP Photo/Charles Krupa)

« Entre ces deux personnalités et personnellement, je pense véritablement que DeSantis est l’avenir du parti républicain », s’exclame Lei Wang, représentant d’une firme immobilière chinoise majeure aux États-Unis. « Mais il pourrait ne pas avoir la chance, cette fois-ci, d’obtenir la nomination. Je pense encore que c’est Trump qui l’emportera s’il ne rencontre pas sur son chemin de déboires judiciaires ».

DeSantis a annoncé sa candidature mercredi soir lors d’un entretien avec Elon Musk, le directeur-général de Twitter.

« Au bout du compte, nous voulons gagner », a expliqué Sayago. « Je pense que les républicains en ont assez. Nous pensions que nous remporterions le sénat, nous ne l’avons pas remporté. Mais je pense pour être juste qu’aujourd’hui, la réalité, c’est que la majorité de ces candidats sont trop timides, qu’ils restent dans l’ombre parce qu’ils attendent comment les choses vont se passer pour Trump – parce que Trump reste, quoi qu’on en dise, un sujet brûlant ».

Même si une tendance bipartisane nette, aux États-Unis, semble favoriser une réduction de l’engagement américain au Moyen-Orient, les membres du Lincoln Club œuvrent à inverser ce qu’ils considèrent comme une erreur stratégique.

« Ce qui se passe avec l’Iran et avec l’Arabie saoudite est un grand problème pour moi », dit Sayago en évoquant le rapprochement récent entre l’ennemi juré d’Israël et le royaume arabe avec lequel Netanyahu tente d’établir des relations diplomatiques.

« J’ai personnellement le sentiment que les États-Unis doivent s’impliquer parce qu’Israël est au premier plan de tout le reste, de notre point de vue », poursuit-il. « D’ici deux ans, nous aurons des élections. Je pense que nous serons capables de nous saisir à la fois de la présidence et du sénat. Je veux garantir que les candidats ont bien conscience de ce que sont nos convictions d’un point de vue purement commercial et de ce qui est important pour nous en matière de protection. Les affaires étrangères sont importantes, même si nous avons, nous aussi, nos propres problèmes ».

« Nous avons besoin d’une politique étrangère, d’individus qui comprennent que la politique étrangère est un sujet qui nous intéresse réellement à partir de la perspective qui est la nôtre », reconnaît Lindholm.

Ils remettent également en cause les voix croissantes qui s’expriment au sein du parti républicain – notamment celles de Trump et de DeSantis – qui semblent hésiter sur le soutien américain apporté à l’Ukraine.

Tucker Carlson, animateur de « Tucker Carlson Tonight », pose pour des photos dans un studio de Fox News Channel, le 2 mars 2017, à New York. (Crédit : Richard Drew/AP)

« Tucker [Carlson] dit qu’il faut quitter l’Ukraine », indique Lindholm. « Et ce n’est pas l’opinion de la majorité d’entre nous au sein du Lincoln Club. »

« Nous pensons que l’Ukraine n’est absolument pas une guerre américaine mais que nous devons nous battre pour la liberté, » dit Wang. « Et que c’est important. Si on ne soutient pas l’Ukraine, alors le gouvernement chinois peut tout à fait envahir Taïwan avec facilité dans deux ou trois ans. Et les Chinois, d’un autre côté, veulent être une puissance qui compte de plus en plus au Moyen-Orient ; par ailleurs, nous encourageons déjà l’Iran à faire des choses stupides. Je pense qu’il faut que nous revenions à la dissuasion ».

Sayago promet que le Lincoln Club continuera à exercer des pressions sur les candidats à la présidence pour garantir qu’ils accorderont la priorité à une politique étrangère forte et à un soutien ferme à Israël.

« Nous avons le pouvoir de passer en revue ces candidats pour nous assurer qu’ils comprennent bien que nous ne pourrons pas nous contenter de rester à la marge », note-t-il. « Je veux dire que si Israël devait attaquer l’Iran, il faudrait que nous puissions être derrière Israël à 100 % et dire que nous sommes d’accord. Qu’on comprend parfaitement que c’est nécessaire. Qu’il n’y a aucun doute à avoir. »

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