Des Gazaouis furieux accusent le Hamas d’être responsable de la noyade de migrants
La mère d'un Palestinien mort en mer en tentant de rejoindre l'Europe reproche aux dirigeants du groupe terroriste de vivre dans le luxe alors que des jeunes fuient la misère

Des milliers de personnes ont assisté dimanche aux funérailles de huit jeunes Palestiniens qui se sont noyés au large des côtes tunisiennes il y a près de deux mois, alors qu’ils tentaient de fuir l’enclave palestinienne pour démarrer une nouvelle vie en Europe.
Ces noyades ont secoué la bande de Gaza car elles mettent en évidence les conditions de vie désastreuses dans le territoire après 15 ans de blocus israélo-égyptien, et ont suscité de rares critiques publiques à l’encontre du groupe terroriste du Hamas au pouvoir.
« Le gouvernement qui nous dirige ici en est la cause. C’est de sa faute. Il est à blâmer », a déclaré Naheel Shaath, dont le fils de 21 ans, Adam, figure parmi les morts. « Je blâme tous les fonctionnaires ici qui ne s’occupent pas des jeunes ou ne leur offrent pas d’opportunités d’emploi ».
Israël et l’Égypte ont imposé un blocus après que le Hamas a pris le contrôle de Gaza à l’Autorité palestinienne, instance internationalement reconnue, lors d’un sanglant coup d’état en 2007.
Israël affirme que ces restrictions, qui limitent la circulation des personnes et des biens à l’entrée et à la sortie du territoire, sont nécessaires pour empêcher le Hamas de s’armer. Israël et ses alliés occidentaux ont qualifié de groupe terroriste le Hamas, un groupe islamique qui a juré de détruire Israël. Ses détracteurs estiment que le blocus équivaut à une punition collective.
Le blocus a étouffé l’économie de Gaza, où le chômage avoisine les 50 %, et les habitants sont généralement prompts à blâmer Israël pour ces conditions difficiles. Mais de plus en plus de familles ont commencé à se plaindre de la gouvernance du Hamas, citant les taxes élevées, la sévérité du régime et le nombre croissant de dirigeants, y compris son chef suprême, Ismail Haniyeh, qui ont déménagé à l’étranger dans des endroits plus confortables avec leurs familles.

« Nos enfants se noient en mer et leurs enfants profitent du luxe. N’est-ce pas injuste ? » a déclaré Mme Shaath.
Les huit hommes qui ont été enterrés dimanche, tous originaires de la ville de Khan Younis, dans le sud du pays, faisaient partie de la vingtaine de Palestiniens qui se sont noyés au cours des trois derniers mois alors qu’ils se rendaient en Europe.
Ces dernières années, des milliers de migrants originaires de pays pauvres ou ravagés par la guerre en Afrique, au Moyen-Orient et en Afghanistan ont péri dans la dangereuse traversée de la mer Méditerranée.
Mme Shaath a raconté que son fils avait étudié la coiffure, mais qu’il ne parvenait pas à trouver un emploi décent. Même lorsqu’il était embauché dans un salon de coiffure local, il ne gagnait que 10 shekels par jour.
« S’il y avait du travail ici pour ces jeunes gens tristes, seraient-ils partis et auraient-ils émigré ? », dit-elle.
Il a suivi un chemin emprunté par des milliers de personnes avant lui, fuyant vers la Turquie, l’un des rares pays qui acceptent les Palestiniens de Gaza, dans un voyage périlleux destiné à atteindre l’Europe.

De la Turquie, il s’est rendu en Égypte, puis en Libye. La famille a déclaré avoir perdu le contact avec lui le 4 octobre, gardant l’espoir qu’il avait réussi à atteindre la Belgique. Mais la mauvaise nouvelle est tombée le 24 octobre : il se trouvait sur un bateau qui a coulé au large des côtes tunisiennes.
Selon l’organisation à but non lucratif Euro-Med Human Rights Monitor, basée à Genève, environ 360 personnes originaires de Gaza sont mortes ou ont disparu en Méditerranée sur des bateaux de contrebande depuis 2014.
Les corps des huit Palestiniens qui se trouvaient sur le bateau d’Adam ont été ramenés à Gaza dimanche via le poste frontière de Rafah, qui relie Gaza à l’Égypte. Huit ambulances ont transporté les corps jusqu’à un hôpital, où des milliers de personnes en pleurs ont participé à des funérailles collectives.
Le cortège s’est ensuite scindé, chaque famille ramenant son fils chez elle pour un dernier adieu avant l’enterrement.
La famille al-Shaer a également enterré un fils, Mohammed, 21 ans. Mais un autre enfant, Maher, âgé de 20 ans, qui était sur le même bateau, est toujours porté disparu.
Leur mère, Amina, a imputé au Hamas la responsabilité de la misère de la famille.
« Que voyons-nous à Gaza ? Nous ne voyons que de l’oppression », a-t-elle déclaré. « Ils étouffent les jeunes et les jeunes fuient à cause de cet étouffement. »