Des Israéliens développent une technologie « cerveau sur puce » pour traiter l’autisme
La start-up Itay & Beyond utilise l'analyse par l'IA pour prédire l'efficacité des médicaments contre les troubles neuropsychiatriques et accélérer ainsi les essais cliniques et leur développement

Shmulik Bezalel, entrepreneur et investisseur israélien, a parcouru le monde et il a donné des fonds pour soutenir la recherche dans le but de trouver un traitement susceptible d’aider son fils Itay, atteint d’un trouble léger du spectre autistique. Itay fait partie des 254 millions d’enfants et d’adultes dans le monde qui souffrent de troubles neuropsychiatriques sans traitement adapté sur le marché.
Conscient du manque d’options thérapeutiques pour traiter les troubles neuropsychiatriques, Bezalel s’est associé à l’entrepreneur Boaz Goldman et au docteur Nisim Perets, un spécialiste des neurosciences, en fondant en 2021 une start-up israélienne de biotechnologie qui a pour objectif de créer des simulations du cerveau et de tester l’efficacité des médicaments.
Cette startup, Itay & Beyond – elle porte le nom de l’enfant de Bezalel – est en train de développer tout un programme de découverte de médicaments et de tests de ces derniers pour venir en aide aux personnes atteintes de troubles psychiatriques et neurologiques comme l’autisme, l’épilepsie ou la schizophrénie.
« L’idée était d’établir un système permettant de tester la manière dont un médicament spécifique influencera la capacité d’Itay à apprendre, à améliorer sa mémoire ou à être plus sociable », explique Perets au Times of Israel. « L’objectif, c’est de créer un système qui permettra de prédire l’efficacité de médicaments spécifiques sur le fonctionnement cognitif et comportemental ».
Dans ce qui semble quelque chose de directement sorti d’une œuvre de science-fiction, les scientifiques israéliens, placés sous la direction de Perets, ont travaillé dans un laboratoire de l’hôpital Hadassah, à Jérusalem, au développement d’une technologie de « cerveau humain sur puce » avec une simulation des résultats obtenus par un médicament au niveau comportemental. En laboratoire, Perets et son équipe ont cultivé des organoïdes cérébraux – des tissus qui ressemblent à des parties du cerveau – dans une boîte de Pétri à partir d’une seule cellule extraite d’échantillons d’urine de patients atteints d’autisme et d’épilepsie. Le tout a ensuite été reprogrammé en cellule souche.
Le tissu cérébral cultivé en laboratoire a ensuite été transféré sur une puce électronique reliée à un ordinateur. Le tissu est aussi relié à un réseau d’électrodes multiples – chaque électrode enregistrant et étant susceptible de fournir des stimuli aux organoïdes cérébraux. C’est ainsi que la technologie du « cerveau sur puce » permet de mesurer les signaux électroniques des tissus cérébraux vivants cultivés in vitro.
« Nous considérons le cerveau comme une machine informatique – comme un ordinateur – et non comme un organe comme le cœur ou le foie », indique Perets. « La technologie de base que nous avons développée – une technologie qui fait la renommée de notre entreprise – est partie d’un principe : nous avons décidé de parier sur une technologie appelée organoïde cérébral sur puce pour enregistrer et stimuler l’activité électrique du cerveau, et pas seulement sur les molécules ».

« Grâce à une technologie d’IA avancée et grâce à l’analyse des données massives, nous pouvons mesurer, examiner et donner un aperçu de la manière dont les organoïdes cérébraux encodent les informations, nous pouvons donner un aperçu de la manière dont ils réagissent aux stimuli, y compris aux différentes molécules médicamenteuses », ajoute-t-il.
Perets, qui a eu un doctorat en neurosciences à l’université de Tel Aviv et qui a obtenu un post-doctorat au sein du Technion-Institut israélien des technologies de Haïfa, déclare que le codage neuronal – c’est-à-dire la façon dont le cerveau fonctionne et dont il encode les informations – est essentiel pour comprendre ce qui « ne va pas dans le cerveau » des patients qui souffrent de troubles psychiatriques et neurologiques tels que la maladie d’Alzheimer, l’épilepsie, la maladie de Parkinson ou la schizophrénie.
Perets note qu’une fois qu’il y a une interaction entre l’ordinateur et la puce, le système peut enseigner aux organoïdes cérébraux corticaux des tâches simples – comme jouer à des jeux vidéo – grâce à une méthode appelée l’apprentissage par renforcement.
« À la fin de chaque jeu vidéo, nous avons un score. Nous l’analysons ensuite par rapport aux scores d’autres tissus cérébraux provenant de patients sains ou de patients souffrant de troubles tels que l’autisme ou l’épilepsie, et nous recherchons des médicaments susceptibles de les améliorer », explique-t-il.
La plateforme conçue par Itay & Beyond vise à sortir de l’impasse dans laquelle se trouve le développement de médicaments pour les patients atteints de troubles neuropsychiatriques comme l’épilepsie, l’autisme, la démence (y compris la maladie d’Alzheimer) et la schizophrénie. Lorsqu’ils développent des médicaments, les chercheurs les testent d’abord sur des souris ou des rats, puis, en cas de réussite, sur des humains.
Toutefois, en raison des différences importantes qui existent entre le cerveau des rongeurs et celui des êtres humains, ces médicaments échouent souvent lors des essais cliniques, ce qui fait perdre des années de développement coûteux, fait remarquer Perets. Au cours des deux dernières décennies, seuls cinq nouveaux médicaments ont été approuvés pour des troubles neuropsychiatriques tels que l’autisme et l’épilepsie.

« L’une des raisons expliquant qu’il est très difficile de mettre au point des médicaments pour les troubles neurologiques ou psychiatriques, c’est la faiblesse des prévisions d’efficacité », déclare Perets. « La majorité des médicaments testés sur les souris et les rats ont été jugés sans danger pour l’Homme, mais s’agissant de tester leur efficacité, c’est difficile de le faire dans ce passage de la souris à l’Homme ».
De surcroît, l’efficacité des nouveaux médicaments n’est souvent validée qu’après des essais cliniques de phase 2 ou de phase 3, ce qui peut prendre jusqu’à une décennie et ce qui s’avère très coûteux.
Perets reconnaît que d’autres scientifiques, dans le monde, travaillent à la mise au point de modèles de « cerveau sur puce » dans le but de mieux comprendre les troubles cérébraux et de développer de nouveaux médicaments – mais, selon lui, l’accent a surtout été mis sur la sécurité et non sur l’efficacité, « parce que c’est un résultat beaucoup plus immédiat ».
La plateforme d’Itay & Beyond vise à aider les entreprises pharmaceutiques à prédire l’efficacité des médicaments à partir d’organoïdes cérébraux humains, avec pour objectif de les aider à prendre des décisions concernant les essais pré-cliniques et à développer de nouveaux médicaments ou traitements susceptibles de soigner les patients avec succès.
Le système en est encore à ses débuts – mais Perets note que la jeune entreprise de biotechnologie a déjà conclu des partenariats avec de petites entreprises pharmaceutiques en Israël et en Europe qui utilisent sa technologie comme système d’aide à la prise de décision, notamment lorsqu’elles sont amenées à déterminer si elles doivent faire avancer les essais cliniques des médicaments.
Perets précise que la start-up est sur le point de publier son premier article scientifique dans une revue à comité de lecture, en collaboration avec l’hôpital Hadassah. Au cours de l’année à venir, Perets et son équipe continueront à travailler sur la validation clinique rétrospective et prospective de la plateforme technologique, avec notamment des tests qui seront effectués sur des patients pris en charge au sein de l’hôpital pour enfants Schneider, qui se trouve à Petah Tikva.
« Notre principal objectif est de créer une nouvelle génération de méthodes de test des médicaments dans le monde de manière à ce que les patients ne deviennent pas des cobayes, et de manière aussi à économiser l’argent et la frustration qui sont liés aux essais et aux potentielles erreurs », explique Perets. « À terme, notre idée est d’avoir nos propres médicaments pour des troubles tels que l’autisme, l’épilepsie et la schizophrénie qui seront validés par le biais de notre technologie, et de les vendre à des firmes pharmaceutiques ».
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