Des Juifs lituaniens en guerre contre un rabbin Habad et ses disciples
Des gardiens enrôlés pour l’occasion ont empêché Sholom Ber Krinsky, installé à Vilnius depuis 1994, de pénétrer dans un centre communautaire juif
Les leaders de la petite – et mécontente – communauté juive de Lituanie se sont adjoint les services de gardiens de la sécurité pour empêcher un rabbin Habad local et ses fidèles d’assister à des activités communales à Vilnius.
Ces gardiens ont empêché le rabbin Sholom Ber Krinsky, qui s’était installé à Vilnius en 1994, d’entrer dans un centre communautaire juif le 28 octobre, qui servait ce jour-là de lieu de culte en raison de travaux de rénovation entrepris dans la principale synagogue de la ville, selon Kalev Krelin, désigné grand rabbin de Lituanie au début de l’année.
Ils ont également appelé la police, qui a expulsé du lieu plusieurs partisans de Krinsky.
L’incident, qui survient 12 ans après une série de confrontations similaires à Vilnius, est inhabituel dans la mesure où il s’agit de l’expression ouverte du ressentiment d’habitude silencieux éprouvé par certains membres de plusieurs petites communautés juives en Europe à l’égard des Habad.
Ces Juifs s’opposent à ce qu’ils considèrent comme un fondamentalisme qui se serait développé au sein de ce mouvement, croyant également que le travail des rabbins Habad dans leurs communautés crée des divisions inutiles dans des congrégations qui sont à peine suffisantes pour pouvoir survivre.
Zecharya Olickij, un Juif pratiquant de Vilnius, affirme que la police l’a brièvement retenu après qu’il a demandé les raisons de son expulsion du centre, aux côtés d’autres partisans de Krinsky. Des responsables communautaires indiquent que Krinsky “s’est mal comporté”, a raconté Olickij qui a contredit cette assertion.
Krinsky a toujours été “d’une grande aide pour la congrégation”, et il ne s’est pas mal comporté d’une quelconque manière”, a ajouté Olickij.
Mais Krelin a affirmé que Krinsky “tentait de pénétrer par la force dans la synagogue pour suivre les coutumes Habad, même lorsque cela allait clairement à l’encontre” des traditions locales.
“Nous l’avons plusieurs fois mis en garde et il n’y a eu aucune réaction. Nous avons donc décidé de le conserver à l’écart jusqu’à ce que tout soit clarifié des deux côtés », a expliqué Krelin à JTA.
‘Habad, le mouvement Hassidique dont les deux sièges se trouvent à New-York et en Israël, a des centaines d’émissaires présents dans des dizaines de pays qui luttent pour maintenir ou moderniser la vie communautaire des Juifs.
Dans certains pays, dont la Russie, la France, les Pays-Bas et l’Allemagne, les émissaires Habad coopèrent sans heurt avec les leaders laïcs des communautés juives.
Mais les luttes de pouvoir et la suspicion mutuelle entre les rabbins nommés par la communautés et leurs collègues Habad ne sont pas non plus marginales. Elles sont présentes notamment – et entre autres – en Suisse, au Danemark et en Grèce.
L’épisode survenu le mois dernier en Lituanie – pays qui accueille environ 6 000 Juifs – est la répétition plus clémente d’échauffourées qui avaient éclaté en 2004 dans la principale synagogue de Vilnius entre les partisans de Krinsky et ceux de Chaim Burshtein, qui avait été désigné par la communauté. Burshtein et Krinsky avaient toutefois su développer un modus vivendi.
Mais la communauté juive de Lituanie, ou LZB, a démis Burshtein de ses fonctions l’année dans le sillage d’objections faites à un plan gouvernemental qui prévoyait de construire sur une zone qui avait abrité un cimetière juif. Il alors avait accusé Faina Kukliansky, présidente de la communauté, d’afficher un autoritarisme excessif – une allégation qu’elle avait démentie.
Dovid Katz, érudit Yiddish né à New York et membre de la communauté juive de Vilnius, affirme déplorer le conflit parce qu’il est survenu « après de nombreuses années de paix bienheureuse au sein de la seule synagogue d’avant-guerre de Vilnius. »
Au cours des dernières années en particulier, les deux congrégations de la ville « ont prié ensemble en harmonie, créant une assemblée d’une taille décente, jusqu’à la fin de la fête de Simchat Torah. »
Il n’y a eu “aucune provocation d’aucune sorte” pour ce “malheureux incident qui a éclaté”, affirme Katz, qui critique toutefois Kukliansky pour plusieurs prises de position.
Approché par JTA pour faire part d’une réaction sur cet incident, Kukliansky n’a voulu faire aucun commentaire.