Des Juifs orthodoxes se mobilisent à New York pour des traitements par anticorps
Une initiative a recruté des donneurs de plasma qui auraient contribué à 50 % des besoins du pays, démontrant ainsi l'efficacité du traitement et conduisant à sa généralisation
NEW YORK — Atteint de la COVID-19, Yaakov Halpern a perdu connaissance à deux reprises. À chaque fois, une équipe des ambulances Hatzala s’est rendue à son domicile à New York pour l’aider. Et à chaque fois, Halpern a promis qu’il ferait tout pour aider ceux qui tomberaient potentiellement malade du virus.
Cela arriva plus vite que prévu, lorsqu’un de ses amis lui a téléphoné pour lui demander de tester ses anticorps à la COVID-19. Si ses anticorps étaient en quantité suffisante, il devait réfléchir à donner son plasma. Quelques jours plus tard, Halpern s’est inscrit à une banque de sang locale où il est resté quelques heures sur un fauteuil tandis qu’on lui prélevait son sang.
Il a donné son sang à neuf reprises depuis.
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« Quiconque a eu la COVID et possède des anticorps est en capacité de donner. Il est possible d’aider et de sauver la vie d’une personne », explique Halpern, habitant du quartier de Five Towns à Long Island.
Halpern fait partie des milliers de Juifs orthodoxes qui se sont engagés dans la Covid Plasma Initiative (CPI), lancée au printemps dernier lorsque la pandémie a touché l’État de New York.
Aujourd’hui, ces volontaires orthodoxes sont présents dans plus d’une dizaine d’États. En dehors du don de plasma et des tests d’anticorps, ce groupe fait de la sensibilisation sur les anticorps monoclonaux et aide les patients à entrer en contact avec les centres de perfusion qui proposent ce traitement.
Tant de personnes meurent. C’était sans fin… Puis j’ai reçu un appel d’un ami me proposant de faire partie de cette initiative qui pourrait sauver tant de gens.
« Tant de gens mourraient en mars, avril et mai. C’était sans fin. Je connaissais des gens avec qui j’avais grandi, des amis de la famille. C’était une période terriblement sombre. Et puis quand ce fut passé, j’ai reçu l’appel d’un ami. Je pouvais faire partie de cette initiative qui pourrait sauver tant de gens », explique Zeldy Oppen, directrice du projet.
Ceux qui ont été guéris de la COVID-19 semblent avoir un niveau élevé d’anticorps contre le virus dans leur sang. Leur plasma peut ainsi être transfusé à d’autres malades de la COVID-19 afin de les aider à guérir.
Ils appellent cela le liquide d’or en raison de sa couleur, et parce que, pour chaque don de plasma, 3,5 personnes peuvent être traitées.
« Ils appellent cela le liquide d’or en raison de sa couleur, et parce que, pour chaque don de plasma, 3,5 personnes peuvent être traitées », dit Oppen.
Aujourd’hui, le centre a ainsi pu recueillir 30 000 dons, soit 100 000 unités de plasma estimées.
Une rencontre fortuite
Ce n’est pas la première fois que Oppen s’investit dans le monde de la santé. En 2012, elle a cofondé Yad B’Yad, une organisation qui s’occupe de santé mentale. En 2018, elle lancé Imadi, une organisation qui vient en aide aux familles dont un membre souffre de maladie mentale. Oppen travaillait au lancement de sa troisième organisation à but non lucratif lorsque la pandémie de COVID-19 a frappé. Elle a donc mis son projet en suspens et s’est occupée de sa famille.
Mais comme des millions d’autres Américains, Oppen et sa famille n’étaient pas immunisés. Tous ont attrapé le virus. C’est alors qu’elle a rejoint la CPI.
Comme l’a expliqué Oppen, l’idée de l’association s’est structurée lorsqu’elle a eu la chance de rencontrer deux hommes qui cherchaient désespérément un remède efficace contre la COVID-19.
C’était à la mi-mars 2020, et le beau-père de Mordy Serle était hospitalisé pour une forme grave de la COVID-19. Quelques jours plus tard, Serle prit connaissance du nouveau protocole de thérapie par le plasma. Il a aussitôt cherché à ce que son beau-père puisse en bénéficier. Son rabbin l’a mis en contact avec un homme du nom de Chaim Lebovits, qui était aussi à la recherche d’un endroit pour ce type de thérapie – lui pour donner.
Les deux hommes ont alors pris contact avec le Dr. Shmuel Shoham, qui dirige une étude sur l’utilisation du plasma à l’Université Johns Hopkins. Entre temps, la Clinique Mayo du Dr. Michael Joyner étudiait la possibilité d’utiliser le plasma des convalescents comme thérapie.
Joyner explique que la Covid Plasma Initiative a permis que cette méthode soit apportée à une large population, ce qui permet de démontrer son efficacité et sa sécurité, prouvée par nombre d’études, en particulier lorsque elle est utilisée au tout début de la maladie.
« L’ampleur de cette utilisation aux États-Unis a été facilitée par les partenaires qui ont aidé à organiser et coordonner ces dons. Un cercle vertueux, en définitive », dit Joyner.
Petit à petit, ce petit groupe s’est transformé en une large coalition qui intègre des grands hôpitaux tels que le Mount Sinai Hospital, le NY Langone Medical Center, le Memorial Sloan Kettering, la Mayo Clinic et le Northshore Hospital System.
Après quelques réunions téléphoniques, nous étions « dans la course », dit Serle. « C’était urgent. Nous mangions, buvions et rêvions du plasma. »
Devant l’urgence de la tâche, les moments majeurs de la vie quotidienne furent mis de côté.
Une de ces réunions téléphonique s’est déroulée quelques minutes après la naissance de la fille de Serle, et l’une des premières opérations plasma s’est déroulé à Baltimore durant les fêtes de Pessah, quelques jours après le décès du frère de Lebovits, Yitzchak, mort du cancer.
« C’est une question de vie ou de mort. Pas le choix. C’était si urgent. Il est rare que la vie vous offre la possibilité de voir des résultats positifs si rapides », explique Serle.
Première vague
Durant la première vague de la COVID, le réseau CPI de donneurs orthodoxes a permis de fournir 50 % du plasma des convalescents dans le pays, affirme Oppen.
Au début, l’organisation a dû décider si le plasma resterait au sein de la communauté orthodoxe ou s’il devait être donné au reste de la nation. Ce ne fut pas une décision compliquée.
Finalement, nous avons décidé que tout patient, où que ce soit dans le pays, pourrait y avoir accès.
« Nous savions que tout le monde dans le pays n’avait pas accès aux soins médicaux comme nous. Aussi nous avons voulu que ce soit le plus largement disponible. Nous avons décidé d’inonder le marché afin que chaque patient, où qu’il soit, puisse y avoir accès », dit Lebovits.
En tant qu’importateur de chaussures en gros, Lebovits a appliqué ses connaissances dans la distribution afin d’aider les banques de sang à être plus efficaces et à rationaliser le processus d’admission des donneurs. Il a su aussi apporter des conseils sur la manière de recruter des donneurs.
Une autre approche a consisté à monter des centres de prélèvements de plasma itinérants, dans des lieux comme le Musée juif pour enfants à Brooklyn, à la synagogue de Baltimore, et dans un site industriel de Lakewood dans le New Jersey.
Aujourd’hui, cette action fonctionne 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7 à travers un numéro vert qui permet aux gens d’entrer en contact avec des centres de transfusion.
Depuis sa création, la CPI a engagé des partenariats avec des dizaines d’organisations et de synagogues, notamment avec le parti orthodoxe Agudath Israel.
La CPI a permis aux gens d’avoir accès au traitement monoclonal anticorps couvert par Medicare. Ce traitement peut prévenir les hospitalisations et atténuer les effets de la COVID-19 .
« Nous savions que nous étions en mesure de réussir », dit Oppen. « Les institutions médicales ont réalisé que le réseau de la communauté orthodoxe était une des clés du succès. J’ai fait face à cette période sombre en considérant qu’elle était aussi un moyen de maximiser l’aide. Je suis une privilégiée, car j’ai la chance d’avoir pu sauver des vies. »
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