Des lords britanniques avertissent du risque de fracture institutionnelle en Israël
En visite en Israël, le groupe de la Chambre haute du Royaume-Uni suit avec inquiétude la réforme judiciaire, la considère comme un symptôme de problèmes plus profonds
Lazar Berman est le correspondant diplomatique du Times of Israël
Un groupe de Lords britanniques en visite en Israël a exprimé cette semaine son inquiétude sur l’état de la politique israélienne, qualifiant la lutte actuelle sur la réforme judiciaire de « symptôme » de problèmes systémiques.
« Je suis persuadée que la controverse actuelle sur la réforme est le symptôme de quelque chose de beaucoup plus profond », a déclaré Gisela Stuart, baronne d’Edgbaston, au Times of Israel à Jérusalem, au premier jour de sa visite, qui s’est achevée jeudi.
« En politique, lorsque l’on en arrive à ce genre de crise, cela signifie généralement qu’il y a quelque chose de plus grave », a poursuivi la parlementaire d’origine allemande.
« Si l’on estime que l’équilibre des pouvoirs et le droit de faire les choses ne sont pas respectés, les institutions sont mises à rude épreuve ».
« Les institutions [d’Israël] sont soumises à un test de résistance en termes de robustesse. »
La tentative du gouvernement Netanyahu de faire adopter des mesures radicales visant à entraver le pouvoir des tribunaux a donné lieu à des manifestations de masse dans les rues pour et contre la mesure.
Des pourparlers entre les deux parties ont été organisés sous les auspices du président Isaac Herzog dans sa résidence officielle, mais ils n’ont pas encore donné de résultats.
Stuart, ancienne députée travailliste qui n’est aujourd’hui affiliée à aucun parti, considère que la crise interne d’Israël s’inscrit dans une tendance qui touche l’ensemble du monde démocratique.
« Il y a une fracture dans les institutions démocratiques, et pas seulement ici », a-t-elle affirmé. « Nous l’avons vu au Royaume-Uni, nous l’observons aux États-Unis, et nous le verrons dans d’autres pays ».
« Au lieu d’avoir des débats rationnels, comme nous en avions, lors desquels nous disions : « Je ne suis pas d’accord avec vous », aujourd’hui, c’est : « Vous avez tort et vous êtes mauvais ».
Les 20 membres du All-Party Parliamentary Group for Britain-Israel [Groupe parlementaire transpartisan pour la Grande-Bretagne-Israël] constituent la délégation officielle la plus importante de la chambre haute britannique à se rendre en Israël.
La visite, organisée conjointement avec le European Leadership Network, comprenait des réunions avec le président de la Knesset, Amir Ohana, le député du Likud, Hanoch Milwidsky, Yifat Shasha-Biton du parti d’opposition Tikva Hadasha, la ministre des Renseignements, Gila Gamliel, et de hauts responsables de l’Autorité palestinienne à Ramallah.
Lord David Wolfson of Tredegar, ancien ministre de la Justice à la Chambre des Lords, a souligné la haute estime dans laquelle les juristes du monde entier tiennent les juges israéliens.
Il s’est souvenu avoir emmené une délégation de juristes et de fonctionnaires britanniques en Israël, aux Émirats et au Qatar après la signature des accords d’Abraham en 2020.
Why must Israel and the UK join forces to defeat Iran’s dangerously destabilizing moves?
Minister of Intelligence @GilaGamliel in her meeting with our UK Lords Delegation tells Peers: “the same #Iran that calls for death to Israel also calls for death to the UK” pic.twitter.com/MxFmX4Jckj
— ELNET (@elnetwork_eu) May 30, 2023
« La rencontre la plus mémorable a été celle avec les juges de la Cour suprême israélienne », a déclaré M. Wolfson, un Juif orthodoxe qui possède une maison en Israël. « Ces personnalités sont exceptionnelles ; elles confèrent à Israël un prestige international. Ce n’est pas seulement parce qu’Israël dispose d’un système judiciaire indépendant et d’un État de droit, mais aussi grâce aux qualités des personnes qui l’administrent. »
« Si l’on touche à cela, cela risque de ternir l’image d’Israël à l’étranger », a averti Wolfson, tout en ajoutant qu’il aimerait voir les citoyens britanniques manifester avec autant de passion que les Israéliens en faveur de l’État de droit.
Un système judiciaire n’est pas un buffet. Ce n’est pas un menu à la carte.
« Cela n’aide pas Israël à l’extérieur », a ajouté Stuart.
Wolfson a reconnu que le président de la commission de la Constitution, du Droit et de la Justice de la Knesset, Simcha Rothman, l’un des principaux architectes de la réforme, « agissait avec les meilleures intentions du monde ».
Il a toutefois critiqué les propositions de Rothman et du ministre de la Justice, Yariv Levin.
« Je pense qu’il va trop loin et trop vite », a expliqué Wolfson. « Aucun autre pays au monde n’a le système qui serait mis en place si ces réformes étaient adoptées. Certains pays en possèdent quelques éléments. Mais un système judiciaire n’est pas un buffet. Ce n’est pas un menu à la carte ».
Lord Eric Pickles, l’envoyé spécial du Royaume-Uni pour les questions liées aux conséquences de la Shoah et président du groupe des Amis conservateurs d’Israël à la Chambre des Lords, s’est montré plus optimiste quant à l’impact de la bataille judiciaire sur la position d’Israël au Royaume-Uni.
Il a déclaré que « la plupart des gens au Royaume-Uni n’y voient que du feu » et que la perception d’Israël « a changé de manière positive » dans le pays.
« Israël n’est plus seulement perçu comme un bon allié », a déclaré Pickles. « Franchement, sans les médicaments et les innovations israéliennes, nous aurions été dans une situation très difficile. Nous avons également assisté à un certain nombre d’initiatives communes en matière de cardiothoracique et de démence, et un plusieurs entreprises israéliennes sont aujourd’hui cotées en bourse au Royaume-Uni. Le degré d’intégration entre nos deux économies a dépassé de loin la fabrication de bombes et la cueillette d’oranges. Les choses ont vraiment évolué ».