Des outils du paléolithique, premiers « fragments » de l’homme moderne vers Israël
La route de migration depuis l'Afrique est plus claire après la découverte de silex vieux de 100 000 ans découverts près de Dimona, et fabriqués de manière inhabituelle
Amanda Borschel-Dan édite la rubrique « Le Monde Juif »
Des silex du Paléolithique récemment découverts près de Dimona, dans le désert du Néguev en Israël, permettent de retracer le chemin que l’homme moderne a emprunté pour passer de l’Afrique à Israël il y a 100 000 ans.
Le site de fouilles où ils ont été découverts est le plus ancien site israélien connu où une technologie unique de taille de silex appelée « Levallois de type nubien » a été utilisée pour forger les outils. Cette technique de pointage est une carte de visite qui permet aux archéologues de dater avec certitude où et quand l’homme moderne se trouvait dans des zones spécifiques, a expliqué Maya Oron, co-directrice de l’Autorité israélienne des antiquités, au Times of Israël.
La découverte permet donc aux archéologues de reconnecter les points entre les endroits où ces outils ont été trouvés pour avoir une image plus claire de la route que les premiers humains ont empruntée de l’Afrique de l’Est, à travers la péninsule arabique, jusqu’en Israël.
C’est la première fois que des archéologues israéliens ont identifié avec certitude l’utilisation de cette technique dans la production locale, a déclaré Mme Oron. « Nous avons trouvé quelques traces dans le Néguev, mais une pierre ici et là, en surface, non exhumée dans un site. Pour la première fois, nous pouvons voir à quoi elle ressemble in situ et la dater », a déclaré Oron.
Dans un communiqué de presse de l’Autorité israélienne des Antiquités, les co-directeurs Oron et Talia Abulafia ont déclaré que le site de Dimona représentait probablement la pénétration la plus septentrionale de la fabrication de silex en provenance d’Afrique de l’Est et marquait la route de migration de l’homme : de l’Afrique vers l’Arabie Saoudite, et de la péninsule arabique vers le Néguev.
Le site intact du Paléolithique moyen (une période qui s’étend d’environ 200 000 à 45 000 ans) permet à Oron et Abulafia d’avoir un aperçu rare d’un atelier de silex figé dans le temps. Il a été découvert lors de fouilles de sauvetage menées par l’AIA avant la construction d’un nouveau champ d’énergie solaire par la Israel Electric Corporation près de Dimona.
Une équipe de lycéens locaux a participé aux fouilles, leur permettant une source de revenus pendant la crise du coronavirus. Dans la ville de Dimona, durement touchée, on compte actuellement environ 78 personnes contaminées et 248 patients guéris.
Les silex découverts ont été taillés selon une technique appelée la méthode de réduction Levallois de type nubien, du nom de deux sites archéologiques où des outils similaires ont été découverts – la Nubie en Afrique de l’Est, et Levallois, en banlieue parisienne. Oron a expliqué que les différentes vagues des premiers humains avaient des méthodes particulières qu’ils utilisaient pour produire des outils, qui changeaient de culture en culture. Cette méthode créait des pointes très pointues qui pouvaient être utilisées comme fers de lance.
« Notre chance, c’est que les gens n’ont pas seulement taillé le silex et utilisé les outils », mais qu’ils ont plutôt laissé des restes de production sur place, dit-elle. Un coup de chance supplémentaire est venu du fait qu’après utilisation, le site a été rapidement recouvert par le vent de sédiments de lœss et de sable provenant des dunes qui se trouvaient autrefois dans le Néguev, laissant un site parfaitement préservé pour l’étude.
Oron, qui rédige sa thèse de doctorat sur les sites du paléolithique moyen dans le Néguev, a déclaré que l’homme ancien moderne aurait habité de nombreux sites dans la région, mais que la plupart ont été emportés par les eaux ou détruits d’une autre manière et perdus pour les chercheurs.
D’autres silex fabriqués selon cette technique ont été découverts lors d’une enquête de terrain sur deux sites près de Nahal Paran et Nahal Tsihor, situés dans les plaines de Paran dans l’Arava, selon un article de Mae Goder-Goldberger paru dans le Journal of Lithic Studies en 2017.
Une analyse technologique complète des assemblages n’a pas été réalisée. Cependant, Goder-Goldberger écrit : « Les découvertes de ces deux localités comblent un fossé dans l’étendue géographique entre le haut plateau du Néguev et l’Arabie centrale, ajoutant des données aux discussions en cours concernant les marqueurs archéologiques des dispersions humaines modernes hors d’Afrique et les itinéraires possibles vers l’Eurasie et l’Arabie. »
Oron a dit qu’il y a 100 000 ans, ces humains auraient vu un Néguev différent de la terre stérile et rocheuse que nous voyons aujourd’hui. Il aurait toujours été aride, dit-elle, mais il y aurait probablement eu plus d’eau de source, de végétation et d’animaux à chasser.
La capacité de retracer les pas des premiers humains modernes à travers les « miettes de pain » du Petit Poucet qu’ils ont laissées avec les silex est rendue encore plus passionnante pour Oron lorsqu’elle explore la possibilité des interactions entre les premiers humains – y compris l’Homo sapiens et nos parents de Néandertal – qui ont pu marcher dans le Levant en même temps.
Il y a eu plusieurs vagues nordiques de migration humaine hors d’Afrique, a-t-elle dit, ainsi que des vagues de Néandertaliens se déplaçant vers le sud depuis l’Europe.
« Pour moi, la chose la plus intéressante est que pendant la période méso-paléolithique, nous savons vraiment qu’il y avait plus d’un type d’humain marchant sur la terre. Nous pouvons voir que les Néandertaliens et l’homme moderne se trouvaient en même temps aux mêmes endroits, et nous essayons de comprendre ce qui s’est passé lorsqu’ils se sont rencontrés. Comment ont-ils interagi ? », a-t-elle déclaré.
Avec la nouvelle trouvaille, a déclaré Oron, « nous avons toutes les pièces du puzzle. Je pense que nous avons commencé à voir ces miettes de pain, et nous savons maintenant mieux comment et où elles ont migré ».