Israël en guerre - Jour 403

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Des PDG israéliens et palestiniens au service de la paix

Malgré leurs profonds désaccords, des hommes d’affaires israéliens et palestiniens ont monté une initiative pour promouvoir la paix

Le milliardaire palestinien Munib Al-Masri (Crédit : Raphael Ahren/The Times of Israel)
Le milliardaire palestinien Munib Al-Masri (Crédit : Raphael Ahren/The Times of Israel)

Il y a deux ans, le magnat israélien des supermarchés Rami Levy a invité le roi du pétrole Munib Al-Masri dans l’une de ses enseignes.

Issu d’un milieu modeste et devenu l’homme le plus riche de Cisjordanie, Al-Masri est venu avec un projet bien précis en tête : promouvoir une solution à deux Etats au conflit israélo-palestinien. Mais le partenariat n’a pas pu se réaliser.

Levy, propriétaire de la chaîne de supermarchés Rami Levy Hashikma Marketing, possède trois magasins dans des implantations israéliennes en Cisjordanie.

Al-Masri a estimé qu’il ne pouvait pas avoir pleine confiance en lui. Aux yeux de Levy, ses franchises en Cisjordanie font progresser la paix en employant des Palestiniens et en encourageant la coexistence. Mais Al-Masri les voyait comme un obstacle à tout partenariat.

Aujourd’hui, les deux hommes se retrouvent malgré tout impliqués dans une initiative plus large réunissant 300 hommes d’affaires israéliens et palestiniens, qui espèrent pousser leurs gouvernements respectifs à signer un accord de paix.

Levy et Al-Masri affirment pouvoir coexister au sein du groupe, qui se nomme Breaking the Impasse (BTI), malgré des différences idéologiques non négligeables.

« L’idée générale est que je réussisse à les convaincre qu’ils ne devraient pas se trouver là », explique Al-Masri à JTA, au sujet de la présence israélienne dans les implantations. « Je n’arrêterai jamais de leur parler, car s’ils tombent d’accord avec moi, nous pourrons collaborer. C’est une situation gagnant-gagnant. »

L’initiative a été créée lors du Forum économique mondial de 2012, mais n’a lancé sa campagne de promotion que récemment.

« Je n’arrêterai jamais de leur parler, car s’ils tombent d’accord avec moi, nous pourrons collaborer. C’est une situation gagnant-gagnant. »

Munib Al-Masri

Jusqu’à présent, le BTI s’est livré à un mélange d’activisme public et d’actions diplomatiques discrètes, en organisant des réunions secrètes avec des ministres israéliens et palestiniens et en placardant de grands panneaux d’affichage dans des villes israéliennes, qui vantent les bénéfices d’un accord de paix.

Les participants expliquent qu’ils ne sont pas simplement motivés par des considérations économiques, même si les répercussions d’un accord de paix sur l’économie seraient probablement très positives.

Ils estiment entre autres qu’un accord parviendrait à saper la dynamique du mouvement Boycott, Désinvestissement, Sanctions (BDS), qui cherche à punir économiquement Israël pour le sort qu’il réserve aux Palestiniens.

« De nombreuses sociétés, des Etats et des universités souhaitent investir et lancer des programmes de recherche universitaire communs » avec Israël, avance Moshe Lichtman, ancien président du centre de recherche et développement de Microsoft en Israël.

« Si nous avons l’opportunité [de faire la paix] et que nous la manquons, cela aura des conséquences économiques. »

En février, BTI a mené une campagne d’affichage, en placardant une photo géante du Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu sous laquelle on pouvait lire des slogans comme « Seul un accord peut nous assurer un Etat juif et démocratique » ou « Sans accord de paix, nous ne pourrons pas réduire le coût de la vie. » Chaque message se terminait par un encouragement au Premier ministre : « Bibi, il n’y a que toi qui peux le faire ! »

Une action parallèle est en cours pour exercer des pressions sur le président de l’Autorité palestinienne Mahmoud Abbas, mais les membres israéliens et palestiniens de BTI agissent de manière indépendante dans leurs sphères respectives. Les affiches de Netanyahu ont ainsi été conçues uniquement par le camp israélien.

Les membres de BTI affirment que s’ils sont favorables à un accord de paix conduisant à deux Etats, ils ne souhaitent pas rentrer dans les détails de sujets plus épineux tels que les réfugiés palestiniens, le statut de Jérusalem ou le tracé final des frontières. De telles questions, disent-ils, doivent être réglées par les négociateurs de paix.

Le fait de s’en tenir à des slogans généraux permet à BTI de masquer les différences entre ses membres, mais cela pourrait aussi présenter des obstacles si les détails d’un accord devaient être rendus publics. Le secrétaire d’Etat John Kerry doit présenter un accord-cadre dans les semaines à venir.

« Nous savons qu’il existe des désaccords ici et là », avoue le président de BTI Michal Stopper-Vax. « Mais si le Premier ministre signe un accord, la majorité du groupe sera derrière lui. »

Les différences entre Levy et Al-Masri illustrent pourtant les écarts entre les Israéliens et les Palestiniens favorables à une solution à deux Etats.

Rami Levy (debout, à gauche) dans un centre d'appels téléphoniques situé dans l'un de ses supermarchés portant son nom. (Crédit : Yossi Zamir/Flash90)
Rami Levy (debout, à gauche) dans un centre d’appels téléphoniques situé dans l’un de ses supermarchés portant son nom. (Crédit : Yossi Zamir/Flash90)

Al-Masri envisage un Etat palestinien dans les frontières de 1967, tandis que Levy veut garder l’ensemble de Jérusalem sous souveraineté israélienne. Al-Masri voudrait que chaque réfugié palestinien obtienne la citoyenneté israélienne, une idée intenable pour la majorité des Israéliens.

Et si Levy estime que les Palestiniens ne sont pas entièrement préparés à un accord final, Al-Masri pense qu’Israël est « moralement responsable » de la poursuite du conflit.

Les deux hommes confient que si leurs dirigeants respectifs signent un accord et que si les peuples l’approuvent par référendum, ils ne s’y opposeront pas. Mais leurs différences rendent leur alliance précaire.

En février, certains membres de BTI ont acheté une pleine page dans le quotidien Yediot Aharonot afin de marteler leur message. Levy a choisi de ne pas signer l’appel car, d’après lui, il ne prenait pas suffisamment en compte les préoccupations sécuritaires d’Israël.

« Nous ne sommes pas des hommes politiques », rappelle Levy, en écho aux déclarations d’autres membres de BTI. « Nous ne prenons pas de décisions. Dans un Etat démocratique, la majorité décide. Personne ne peut imposer à la majorité ce qu’elle doit dire ou faire. »

Avant même la reprise des négociations en juillet, le scepticisme était de mise chez les Israéliens et les Palestiniens au sujet des chances de parvenir à un accord de paix.

L’équipe de négociateurs américains se bat pour réduire les divergences entre les deux camps, mais plusieurs membres de BTI estiment que ces pourparlers sont la dernière opportunité pour Israël de mettre fin au conflit.

« Netanyahu a pris conscience qu’il s’agissait d’une décision historique », croit savoir Lichtman, l’ancien patron de Microsoft Israël. « Il a besoin de sentir qu’il bénéficie d’un large soutien. Je crois qu’il est sceptique. Les raisons ne manquent pas d’être sceptique, mais je pense qu’il est assez mûr pour prendre les bonnes décisions. »

Pour le professeur d’études politiques de l’université Bar-Ilan, Shmuel Sandler, si Netanyahu parvient à un accord, ce ne sera pas pour des raisons économiques

Dans certains cercles, la promotion de la coopération économique entre Israéliens et Palestiniens est perçue depuis longtemps comme une base essentielle à un accord de paix.

Mais pour le professeur d’études politiques de l’université Bar-Ilan Shmuel Sandler, si Netanyahu parvient à un accord, ce ne sera pas pour des raisons économiques.

En tant qu’ancien ministre des Finances, Netanyahu est conscient des possibles bénéfices économiques de la paix, mais la sécurité reste sa priorité numéro un.

« Jusqu’à ce jour, les hommes d’affaires n’ont pas eu d’influence », explique Sandler.   « Les responsables de la sécurité sont plus influents. Pour Bibi, l’économie est importante, mais la sécurité pèse plus lourd sur la balance. »

Levy pense que Netanyahu saura se montrer à la hauteur de la situation. Mais même si ce n’est pas le cas, il souhaite que BTI continue à diffuser le même message.

« Quand nous parlons des négociations, je suis toujours optimiste », soutien Levy.       « Parfois, j’entends les gens dire que c’est la dernière chance pour la paix. Vous n’avez pas le droit de dire que c’est la dernière chance pour la paix. Vous devez essayer toute votre vie. »

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