Des professeurs de la Yeshiva University s’insurgent contre le prix remis à Elise Stefanik
Une cinquantaine d'enseignants critiquent dans une lettre le bilan de la députée, convaincue que Trump a bel et bien remporté les élections de 2020 et soutien d'une théorie complotiste aux racines antisémites

JTA — Des dizaines de professeurs de la Yeshiva University ont dit « déplorer et s’opposer » à la décision de leur établissement de décerner sa plus haute distinction à la Représentante Elise Stefanik, de crainte que cela ne politise la remise des diplômes et récompense une élue extrémiste.
Membre de la direction Républicaine de la Chambre, Stefanik a en effet été choisie pour recevoir le médaillon présidentiel de l’université, tout comme Rachel Goldberg-Polin, qui prononcera le discours principal et qui est devenue connue en plaidant partout dans le monde la cause de son fils, l’otage israélien assassiné Hersh Goldberg-Polin, ainsi que celle des autres otages israéliens séquestrés à Gaza.
Stefanik avait attiré l’attention sur elle, fin 2023, lorsqu’il lui avait été donné d’interroger les dirigeantes de trois universités d’élite au sujet de l’antisémitisme sur les campus, ce qui lui avait valu de devenir l’une des voix pro-Israël les plus en vue du Congrès. L’an dernier, sa nomination en tant qu’ambassadeur auprès des Nations Unies, annulée depuis, lui avait valu les éloges de plusieurs organisations juives.
Le prix YU rend ainsi hommage à la « force du leadership de Stefanik pour les États-Unis, à sa détermination et à son audace dans la lutte contre l’antisémitisme, à son soutien franc à Israël et au peuple juif après les attaques du 7 octobre », explique l’université dans un communiqué. L’an dernier, le prix avait été décerné au sénateur Démocrate John Fetterman, lui aussi un ardent défenseur d’Israël.
« Merci à @YUNews pour cet immense honneur », a tweeté Stefanik lundi. « Je suis d’autant plus honorée d’assister à la conférence que vous y rendrez hommage à Rachel Goldberg, la mère de Hersh, pour son formidable et puissant plaidoyer. »
Pour l’heure, la Yeshiva University n’a pas répondu à la demande de commentaire.
La cinquantaine de professeurs signataires de cette lettre de protestation – dont les spécialités vont de la Bible au droit avec la présence de l’ex-doyen de la faculté éponyme – reprochent notamment à Stefanik sa grande proximité avec le président américain Donald Trump, son soutien à sa revendication de la victoire lors des élections de 2020 et sa croyance en une théorie complotiste aux racines antisémites.
« Dans le judaïsme, la vérité… est un principe sacré, fait de conduite éthique et de moralité », peut-on lire dans la lettre. « Selon le Talmud, c’est le sceau même du divin. Attribuer à Stefanik le médaillon présidentiel revient à dire oui à la malhonnêteté, ce qui va à l’encontre des valeurs juives d’intégrité et de droiture, celles-là mêmes que la Yeshiva dit défendre. »
Cette manifestation à l’Université Yeshiva, fleuron de l’orthodoxie moderne dont le premier cycle propose des campus séparés pour hommes et femmes à Manhattan, est le dernier incident en date relatif aux cérémonies de remise de diplôme cette année. Ailleurs, des étudiants se sont vus sanctionner pour des discours de remise des diplômes dénonçant Israël.
Sur un autre plan, la Yeshiva University a récemment révoqué l’autorisation de création d’une organisation étudiante LGBTQ+, deux mois après son accord initial.
Parmi les signataires (et huit anonymes) figurent plusieurs professeurs émérites et d’autres qui enseignent au Yeshiva College, l’école de premier cycle pour hommes, au Stern College, l’école des femmes, à la Cardozo School of Law et dans d’autres écoles. Il ne semble pas y avoir de rabbins ou de professeurs de l’école rabbinique de la Yeshiva University.
La lettre reproche à Stefanik de s’être fait un nom « à coup de déclarations extrémistes », certaines d’entre elles liées à des questions juives, comme par exemple son utilisation du terme « otage », en janvier 2024, pour parler des personnes interpelées lors des émeutes au Capitole du 6 janvier 2021. Selon les auteurs de la lettre, ce mot, « comme nous en sommes tous venus à le ressentir vivement, devrait être réservé aux cas réels d’enlèvement et non appliqué à des poursuites pénales légitimes ».

La lettre rappelle par ailleurs que Stefanik a repris un discours qui, selon les critiques, donne du corps à la théorie du « Grand Remplacement », conspiration dont la première version postule que les Juifs organisent le remplacement des populations à majorité caucasienne par des immigrants de couleur. Cette théorie a d’ailleurs été évoquée lors du rassemblement de Charlottesville, en Virginie, en 2017, qui avait donné lieu aux slogans « Les Juifs ne nous remplaceront pas » et reprise par l’auteur de la fusillade de la synagogue de Pittsburgh, en 2018, qui avait fait 11 morts parmi des Juifs venus prier, sans compter d’autres extrémistes violents.
« En faisant sien un discours xénophobe comme celui-ci, Stefanik apporte un soutien idéologique crucial au programme d’application de la loi sur l’immigration de l’administration Trump, émaillé de graves infractions aux droits civils et humains », peut-on lire dans la lettre. « Qu’une université juive mette à l’honneur une élue complice de tels abus est à la fois moralement indéfendable et profondément irresponsable. »
La lettre demande que la cérémonie de remise des diplômes de la Yeshiva University reste une « journée de joie et de célébration ».
S’agissant de Goldberg-Polin, la lettre exlique que l’événement doit faire sa place au partage du « chagrin d’une famille dont le sort tragique est un rappel on ne peut plus urgent de la douleur que charrient la haine et la violence », et que les participants « ne devraient pas avoir à applaudir une politicienne dont le discours enfreint les principes démocratiques, encourage des théories complotistes racistes et s’oppose aux valeurs juives fondamentales d’intégrité et de vérité ».