Israël en guerre - Jour 54

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Analyse

Donald Trump convoque Dieu à la table des négociations

L’ancien magnat de l’immobilier ne voit pas le conflit israélo-palestinien comme une simple dispute de terrain. Contrairement à ses prédécesseurs, il se concentre sur sa dimension religieuse

Raphael Ahren est le correspondant diplomatique du Times of Israël

Le président américain Donald Trump, au centre à gauche, est accueilli par le roi saoudien Salman ben Abdel Aziz al-Saoud, au centre, suivis de Melania Trump,  à leur arrivée à l'aéroport international King Khalid de Ryad, le 20 mai 2017. (Crédit : Mandel Ngan/AFP)
Le président américain Donald Trump, au centre à gauche, est accueilli par le roi saoudien Salman ben Abdel Aziz al-Saoud, au centre, suivis de Melania Trump, à leur arrivée à l'aéroport international King Khalid de Ryad, le 20 mai 2017. (Crédit : Mandel Ngan/AFP)

Pendant les funérailles de Shimon Peres, l’année dernière, le célèbre écrivain Amos Oz avait décrit le conflit israélo-palestinien avec une métaphore simple mais frappante.

« Parce qu’Israéliens et Palestiniens ne peuvent devenir brusquement une famille heureuse, ne peuvent pas sauter ensemble dans un lit double et partir en lune de miel, il n’y a pas d’autre moyen que de diviser la maison en appartements, avait-il dit, et la transformer en maison pour deux familles. »

Les revendications concurrentes des Israéliens et des Palestiniens pour le même territoire ont souvent été décrites avec des termes empruntés à l’immobilier. La Terre d’Israël, ou la « Palestine historique », est une propriété qui doit être divisée, et dès que nous pourrons comprendre comment le faire justement, le conflit prendra fin.

Les dirigeants de Jérusalem et de Ramallah ont adopté ce narratif depuis longtemps, et même si le Premier ministre Benjamin Netanyahu a introduit ces dernières années le concept de nationalité ou d’appartenance à un peuple dans l’équation, en demandant que les Palestiniens reconnaissent Israël en tant qu’Etat juif, les deux parties ont été extrêmement prudentes dans leurs tentatives de voir le conflit vieux d’un siècle sous un prisme religieux.

Il est donc quelque peu ironique que Donald Trump, ancien magnat de l’immobilier, soit celui qui semble s’éloigner de cette position, que le conflit porte simplement sur des revendications concurrentes sur un même terrain.

Le président américain Donald Trump pendant le sommet arabo-islamico-américain à Ryad, en Arabie saoudite, le 21 mai 2017. (Crédit : Mandel Ngan/AFP)
Le président américain Donald Trump pendant le sommet arabo-islamico-américain à Ryad, en Arabie saoudite, le 21 mai 2017. (Crédit : Mandel Ngan/AFP)

Au lieu de cela, il a semblé impatient d’effectuer un changement de paradigme : plutôt que d’approcher Israël/Palestine comme une propriété qu’un bon négociateur doit convaincre de diviser, il approche le sujet, au moins initialement, comme un conflit du bien contre le mal qui peut être facilement résolu si les bonnes personnes de toutes les religions s’unissent contre ceux qui abusent de la foi pour leurs mauvaises fins.

« C’est une bataille entre les criminels barbares qui cherchent à oblitérer toute vie humaine, et les personnes décentes de toutes les religions qui cherchent à la protéger », a dit Trump dimanche en Arabie saoudite. « C’est une bataille entre le bien et le mal. »

Devant les dirigeants politiques des pays arabes et musulmans, Trump a cité « Dieu » neuf fois. Le thème de son discours était l’union nécessaire pour combattre le terrorisme, mais il était parsemé d’un message spirituel : « les dirigeants religieux doivent dire ceci haut et fort : le barbarisme ne vous apportera pas la gloire, le culte du mal ne vous apportera pas la dignité, a-t-il prévenu. Si vous choisissez la voie du terrorisme, votre vie sera vide, votre vie sera brève, et votre âme sera condamnée. »

Pendant « de nombreux siècles », chrétiens, musulmans et juifs ont vécu « côte à côte » au Moyen Orient, a poursuivi Trump. « Nous devons pratiquer la tolérance et le respect les uns pour les autres une fois encore, et faire de cette région un endroit où chaque homme et chaque femme, peu importe sa religion ou son ethnie, peut jouir d’une vie de dignité et d’espoir. »

Le président américain Donald Trump, à gauche, et le roi d'Arabie saoudite Salmane ben Abdel Aziz al-Saoud, à Ryad, le 20 mai 2017. (Crédit : Mandel Ngan/AFP)
Le président américain Donald Trump, à gauche, et le roi d’Arabie saoudite Salmane ben Abdel Aziz al-Saoud, à Ryad, le 20 mai 2017. (Crédit : Mandel Ngan/AFP)

Trump a décrit l’Arabie saoudite, première étape de son premier voyage présidentiel à l’étranger, comme « la nation qui sert de gardien aux deux lieux les plus saints de la foi islamique. » Après Ryad, il ira à Jérusalem, Bethléem et au Vatican, trois lieux saints supplémentaires des religions monothéistes. « Si ces trois religions peuvent se rejoindre dans la coopération, a-t-il déclaré, alors la paix dans ce monde est possible, y compris la paix entre Israéliens et Palestiniens. »

La Maison Blanche a bien précisé que la visite controversée de Trump lundi au mur Occidental, où il sera le premier président américain à se rendre, devait être vue comme un geste visant à promouvoir la tolérance interreligieuse, et pas comme une déclaration politique.

Le fait que Trump priera sur le site sans aucun accompagnement israélien officiel est un signe qu’il ne veut pas que le message religieux de sa visite soit masqué par des rumeurs sur une possible reconnaissance américaine de la souveraineté israélienne sur le mur Occidental.

H.R. McMaster, conseiller américain à la sécurité nationale, a souligné vendredi que l’un des objectifs centraux de la visite de Trump au Moyen Orient était « de diffuser un message d’unité aux amis de l’Amérique et aux fidèles de trois des plus grandes religions du monde. »

Le président veut « unir les peuples de toutes les religions autour d’une vision commune de la paix, du progrès, et de la prospérité » et délivrer « un message de tolérance et d’espoir à des milliards de personnes, notamment aux millions d’Américains qui appartiennent à ces religions. »

H. R. McMaster, conseiller américain à la sécurité nationale, devant la Maison Blanche, le 15 mai 2017. (Crédit : Saul Loeb/AFP)
H. R. McMaster, devant la Maison Blanche, le 15 mai 2017. (Crédit : Saul Loeb/AFP)

Il semble que l’importance accordée au symbolisme religieux soit plus qu’un simple truc pour fournir de bonnes photographies ou des petites phrases agréables.

En mars, Jason Greenblatt, envoyé spécial de l’administration américaine pour les négociations internationales, avait pris le temps de rencontrer des dirigeants religieux juifs, chrétiens et musulmans à Jérusalem.

Greenblatt aurait déclaré que la rencontre de 90 minutes, à laquelle assistaient les deux grands rabbins d’Israël et le responsable de la cour de la sharia de l’Autorité palestinienne, était la rencontre la plus importante de sa tournée d’une semaine dans la région.

« Les dirigeants ont reconnu que la recherche de la paix devait être gouvernée par le respect de la vie et de la dignité humaine pour tous, pour travailler ensemble à la paix, la réconciliation, et une solution juste, et pour rejeter toutes les incitations à la violence », pouvait-on lire dans un communiqué qui avait alors été publié par l’ambassade américaine à Tel Aviv.

Le rabbin David Rosen, conseiller interreligieux du grand rabbinat d’Israël, avait jugé l’initiative de Greenblatt « historique », puisqu’elle marquait la première fois de l’histoire récente qu’un responsable de l’administration américaine engagé dans les efforts de paix demandait à rencontrer des dirigeants religieux.

« De ce point de vue, c’est très historique, parce que l’impression donnée par les initiatives de paix des administrations précédentes était que la religion n’a pas été considérée comme un facteur important pour tenter de résoudre le conflit », avait dit Rosen au Times of Israël peu après la fin de la rencontre. « Jason Greenblatt a donné précisément le message contraire. »

Jason Greenblatt (centre en gris), l'envoyé spécial de l'administration américaine pour les négociations internationales, avec les membres du Conseil des Institutions religieuses en Terre Sainte, lors d'une réunion au consulat-général de Jérusalem, le 16 mars 2017 (Autorisation ambassade américaine de Tel Aviv)
Jason Greenblatt (centre en gris), l’envoyé spécial de l’administration américaine pour les négociations internationales, avec les membres du Conseil des Institutions religieuses en Terre Sainte, lors d’une réunion au consulat-général de Jérusalem, le 16 mars 2017 (Autorisation ambassade américaine de Tel Aviv)

Cette importance accordée à la dimension religieuse du conflit israélo-palestinien n’est pas passée inaperçue à Jérusalem.

« Les Américains veulent souligner que ce qu’ils cherchent est une harmonie entre les grandes religions, toutes les trois religions peuvent être unies autour de l’idée de paix », a déclaré le général de division (de réserve) Yaakov Amidror, ancien conseiller à la sécurité nationale de Netanyahu.

Les architectes des accords d’Oslo entre Israël et les Palestiniens ont totalement ignoré les aspects religieux du conflit, a-t-il dit. « C’était une grosse erreur. »

Parler du dialogue interreligieux et de la tolérance n’apportera pas la paix demain, a souligné Amidror. « Mais nous devons commencer quelque part », et comprendre qu’il y a un élément religieux à la dynamique israélo-palestinienne et qu’un premier pas est bienvenu.

Promouvoir la tolérance religieuse n’est évidemment pas le seul élément de la stratégie de Trump pour le Moyen Orient. Pendant ses rencontres avec les dirigeants israéliens et palestiniens cette semaine, il va aussi parler affaires, et cherchera quelles propositions politiques concrètes peut apporter chaque partie à la table des négociations pour promouvoir un climat incitant à la paix.

Ses prédécesseurs ont fait exactement cela, et ont spectaculairement échoué. Il n’est absolument pas garanti, et c’est un euphémisme, que les tentatives de Trump de conclure ce qu’il appelle « l’accord ultime » connaissent plus de succès. Mais au moins, une approche qui associe la pression politique sur les deux parties avec un effort pour créer une bonne volonté parmi les groupes religieux est quelque chose de nouveau.

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