Eisenkot : Faire de Smotrich le prochain ministre de la Défense est un « pari » risqué
L'ancien chef d'état-major de Tsahal a prévenu que l'inexpérience et la ligne dure du député d'extrême-droite "créeraient un environnement chaotique"
L’ancien chef d’état-major de Tsahal, Gadi Eisenkot, a averti vendredi que la nomination du chef du parti HaTzionout HaDatit, Bezalel Smotrich, comme prochain ministre de la Défense d’Israël serait un « pari » inquiétant compte tenu de ses opinions et de son manque d’expérience en matière de sécurité.
Le nouveau Premier ministre, Benjamin Netanyahu, serait en train d’évaluer plusieurs candidats pour ce poste, dont Smotrich, Aryeh Deri, leader du Shas, et Yoav Gallant, député du Likud, qui est également l’ancien chef du Commandement du Sud de l’armée israélienne.
Eisenkot, qui sera assermenté à la Knesset en tant que député du parti HaMahane HaMamlahti mardi, a été interrogé sur l’idée d’avoir Smotrich comme ministre de la Défense lors d’une interview sur la Douzième chaîne. Il a déclaré qu’il était préoccupé par cette idée et que ce serait « un pari » risqué.
« Il manque d’expérience et de connaissances », a déclaré l’ancien chef d’état-major de Tsahal, notant qu’ « Israël est confronté à d’immenses menaces externes et internes », auxquelles Smotrich pourrait ne pas être capable de faire face.
« Sa vision du monde est très problématique – concernant les femmes dans l’armée, les territoires, l’Autorité palestinienne … des points de vue qui créeraient un environnement chaotique », a déclaré Eisenkot.
Eisenkot a ajouté que si le député d’extrême-droite et le numéro deux de sa faction, Itamar Ben Gvir — l’un des principaux candidats au poste de ministre de la Sécurité intérieure – « ont l’intention de mettre en pratique ce qu’ils disent, ce sera une période très difficile pour l’État d’Israël ».
Eisenkot a noté qu’il était inquiet « du manque d’humilité » de Ben Gvir et « de la possibilité qu’il ne tire tous azimuts sans compréhension préalable des enjeux ».
Eisenkot a remarqué que Smotrich n’avait pas l’expérience militaire pour être ministre de la Défense – son service avait été reporté parce qu’il faisait des études dans une yeshiva et il avait ensuite intégré une faculté de droit. Il n’avait passé qu’une courte période au sein de Tsahal.
Smotrich avait été arrêté pendant des mouvements de protestation qui avaient dénoncé le retrait d’Israël de la bande de Gaza, en 2005. Il avait été placé en détention par les services de sécurité du Shin Bet pendant trois semaines, utilisant son droit à garder le silence et refusant de coopérer avec les enquêteurs. Smotrich avait indiqué être « fier » de cette arrestation et de ces mises en cause.
En 2019, l’ancien numéro deux du Shin Bet, Yitzhak, avait déclaré que Smotrich avait prévu de bloquer des artères de circulation majeures et d’endommager des infrastructures pour protester contre ce retrait. Il avait fait partie d’une cellule de cinq personnes qui avaient été arrêtées pour avoir, semble-t-il, fomenté des attentats. Le groupe avait notamment 700 litres de gasoil en sa possession, avait fait savoir le quotidien Yedioth Ahronoth. Finalement, Smotrich avait été libéré sans qu’aucune mise en examen ne soit prononcée à son encontre.
Dvir Kariv, qui était un agent du Shin Bet à l’époque, a raconté devant les caméras de la Douzième chaîne, vendredi, que les autorités israéliennes n’étaient jamais parvenues à poursuivre Smotrich et ses collaborateurs parce que le Shin Bet se refusait à citer ses sources. Toutefois, il a ajouté que « si le projet [de Smotrich et des siens] s’était réalisé, il aurait entraîné un véritable chaos dans l’État ».
Smotrich pourrait probablement être l’un des politiciens les plus à droite à s’emparer du ministère de la Défense – il ne s’oppose pas seulement à la création d’un État palestinien, comme ça a pu être le cas également de certains de ses prédécesseurs, mais il soutient aussi l’annexion de la Cisjordanie et la dissolution de l’Administration civile, au sein du ministère de la Défense, qui est responsable des politiques en direction des civils sur le territoire. Il est défavorable à l’octroi de l’égalité des droits aux Palestiniens qui vivent en Cisjordanie.
Smotrich s’oppose aussi aux initiatives visant à intégrer un plus grand nombre de femmes dans les unités militaires de combat.
Les analystes ont noté que le président de Yisrael Beytenu, Avigdor Liberman, était aussi considéré comme un partisan de la ligne dure qui avait finalement renoncé à faire appliquer un grand nombre de ses propositions les plus radicales quand il avait pris le poste de ministre de la Défense. Toutefois, les motivations de Smotrich semblent bien plus fortes que celles de Liberman qui s’aligne davantage dorénavant sur le bloc de partis politiques qui soutiennent une solution à deux États.
Smotrich s’est aussi qualifié « d’homophobe fier de l’être » et il avait organisé une « marche des animaux » pour protester contre la marche des fiertés, à Jérusalem – il a depuis exprimé ses regrets pour avoir adopté de tels positionnements. Il a aussi qualifié le Judaïsme réformé – le Judaïsme pratiqué par la majorité des Juifs américains – de « fausse religion ».
La Douzième chaîne a diffusé, vendredi, un sondage qui a révélé que seulement 8 % des Israéliens désiraient que Smotrich devienne ministre de la Défense, contre 29 % qui ont indiqué préférer que Gallant ou Yossi Cohen soient nommés au poste, les deux hommes arrivant à égalité.
La Douzième chaîne n’a pas précisé le nombre de citoyens interrogés et elle n’a pas fait part de la méthodologie employée ou de sa marge d’erreur.
La chaîne a aussi dit – même si elle n’a pas cité ses sources – que Netanyahu réfléchissait aussi à désigner Deri à la Défense, le chef du Likud considérant que le président du Shas est un homme expérimenté et avisé.
Selon un reportage diffusé par la Treizième chaîne et qui n’a pas cité ses sources, il est toutefois improbable que Smotrich obtienne ce portefeuille et il aurait demandé à être nommé ministre des Finances s’il devait être écarté de la Défense.