Israël en guerre - Jour 646

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En Cisjordanie, des extrémistes juifs déracinent un village bédouin

Les habitants de Maghar al-Deir ont fui en quelques jours après l'établissement d'un avant-poste à une centaine de mètres des maisons

Nurit Yohanan est la correspondante du Times of Israel pour le monde arabe et palestinien.

Les résidents palestiniens de Maghar al-Deir emballant leurs affaires avant de fuir leur village en Cisjordanie, le 22 mai 2025. (Crédit : Chaïm Goldberg/Flash90)
Les résidents palestiniens de Maghar al-Deir emballant leurs affaires avant de fuir leur village en Cisjordanie, le 22 mai 2025. (Crédit : Chaïm Goldberg/Flash90)

Au début du mois – c’était un dimanche – des partisans du mouvement pro-implantation avaient fait leur apparition dans le village d’Ahmad Malihaat. Quatre jours plus tard, Malihaat et le reste du petit hameau de Maghar al-Deir avaient disparu.

Une installation qui avait été documentée sur une vidéo datant du 18 mai – le jour de l’arrivée des jeunes Israéliens. Sur ces images, un groupe d’individus aux cheveux longs, arborant les papillotes, perce un trou pour planter un poteau dans la terre rocailleuse, aux abords de ce village situé à quelques kilomètres à l’Est de Ramallah.

Dans la même soirée – alors que la vague de chaleur qui étouffait la région commençait à s’estomper – des bergeries et un auvent d’ombrage en toile étaient déjà installés à proximité des habitations de Maghar al-Deir.

Cette nuit-là, des partisans du mouvement pro-implantation avaient campé dans leur nouvel avant-poste, comme ils l’ont fait tous les soirs depuis lors. Dans les jours qui avaient suivi, de nombreuses vidéos avaient circulé sur les réseaux sociaux, montrant d’autres jeunes extrémistes juifs arrivant en voiture et déambulant dans le secteur situé à proximité des habitations bédouines.

Mais ces jeunes ont, semble-t-il, fait bien davantage pour revendiquer la propriété exclusive de ce flanc de colline accidenté où les 30 familles de Maghar al-Deir avaient vécu jusque-là sans autorisation officielle – une partie du périmètre appartenant au village palestinien de Deir Dibwan, et une autre relevant d’une zone qu’Israël a désigné comme terrain appartenant à l’État.

« Les colons sont arrivés, ils ont planté une tente, ils ont amené des moutons et ils ont commencé à tourner autour des maisons », raconte Malihaat, qui a vécu là toute sa vie. « À moins de cent mètres des habitations, ils nous ont harcelés, venant avec des véhicules tout-terrain, tournant autour de nos maisons tous les jours. Ils ont aussi jeté des pierres sur une voiture qui entrait dans notre communauté ».

Un enclos à moutons et des tentes érigées par des partisans israéliens du mouvement pro-implantation juste après les maisons de Maghar al-Deir, au premier plan, en Cisjordanie, le 22 mai 2025. (Crédit : Chaim Goldberg/Flash90)

Et le 22 mai, Maghar al-Deir est devenu le dernier village en date de Cisjordanie à avoir été vidé de ses résidents en raison des intimidations des partisans du mouvement pro-implantation, dans le cadre de ce qui semble être une campagne dont l’objectif est de chasser les éleveurs bédouins des terres où ils vivaient paisiblement depuis des décennies, voire plus.

« Ils voulaient prendre nos moutons, mais les habitants sont partis avant qu’ils n’aient pu le faire », confie Malihaat, qui s’entretient avec le Times of Israel dans un logement encore en travaux situé à proximité de Taybeh, la ville palestinienne où il a trouvé refuge avec sa famille. « Nous sommes partis parce que nous avions peur ».

« C’est comme si ça avait duré vingt ans »

Les activistes ont parlé au nom des villageois à l’Administration civile et à Tsahal au sujet du harcèlement subi par les résidents, mais aucune réponse ne leur a été apportée, regrette Malihaat.

« Le mercredi et le jeudi, les gens ont commencé à partir. Même les propriétaires fonciers ne nous ont pas aidés », déplore-t-il.

Un habitant de Maghar al-Deir, en Cisjordanie, porte un berceau en quittant son domicile, le 22 mai 2025. (Autorisation)

Mais pourquoi l’avant-poste n’a-t-il pas été démantelé face aux inquiétudes des résidents ?… A cette question posée par le Times of Israel, l’armée israélienne a fait savoir que « la zone concernée se trouve sur des terres appartenant à l’État et elle n’empiète pas sur le territoire bédouin – il n’y a donc pas de violations ».

De son côté, un responsable de la sécurité a déclaré au Times of Israel que l’Administration civile avait reçu un rapport portant sur la présence de matériaux et autres équipements de construction au sein de l’avant-poste. Des agents ont été envoyés sur place et ils ont ordonné l’arrêt des éventuels travaux, interdisant toute construction supplémentaire.

L’officiel a toutefois expliqué qu’un processus officiel d’évacuation, en ce qui concerne un avant-poste, prend généralement plusieurs mois et qu’il nécessite l’approbation de la hiérarchie politique — dans ce cas, il faut l’approbation de la Division des implantations qui dépend du ministère de la Défense, un bureau qui est dirigé par le ministre des Finances Bezalel Smotrich, fervent partisan du mouvement pro-implantation.

Un avant-poste dressé par des extrémistes juifs à proximité du village bédouin de Maghar al-Deir, le 18 mai 2025. (Autorisation)

Néanmoins, a ajouté le responsable, « si la brigade régionale de Tsahal dans la région avait déterminé qu’il y avait un risque pour la sécurité, elle aurait eu toute l’autorité nécessaire pour procéder à une évacuation immédiate ».

Intisar, la sœur de Malihaat qui s’est réfugiée à Taybeh aux côtés de son frère, dit au Times of Israel : « Il y a eu de nombreuses provocations la semaine dernière. Ils sont entrés dans les maisons, ils ont essayé de nous parler, ils ont voulu nous pousser à bout. Certains d’entre eux étaient armés – ils n’ont pas tiré mais c’était effrayant. J’ai eu peur. Ils se tenaient devant les voitures, devant nos moutons. C’est comme si la dernière semaine au village avait duré 20 ans ».

« J’ai vu des choses que je n’avais jamais vues de ma vie », s’exclame-t-elle. « Jeudi, j’ai eu l’impression que c’était la guerre. Ils ont mis le feu à quelque chose et ils se sont promenés dans les maisons en chantant – c’était terrifiant. Nous nous sommes enfuis. Je suis partie avec seulement les vêtements que j’avais sur le dos, je n’ai rien pu prendre avec moi ».

Une voiture de police passe à côté d’un camion palestinien transportant les affaires des habitants de Magha al-Deir, en Cisjordanie, le 22 mai 2025. (Crédit : Chaim Goldberg/Flash90)

Ce jour-là, sous le regard de la police, les villageois ont démantelé ce qu’ils pouvaient de leurs habitations, chargeant leurs effets personnels dans des camions et partant vers d’autres villes palestiniennes de la région pour y trouver un abri.

La famille élargie de Malihaat vit désormais dans une maison à moitié construite située à proximité de Taybeh, tandis que ses moutons ont été transférés dans un autre village, Beitunia, qui est plus proche de Ramallah.

« Nous avons laissé des choses derrière nous – des voitures, des outils. Toute la zone est désormais ouverte aux colons », indique Mohammed, un ancien habitant de Maghar al-Deir. « Les gens se sont dispersés, la communauté a disparu et ce chapitre est terminé. Certains se trouvent dans le village de Ramon, d’autres à Taybeh, d’autres encore à Beitunia. Nous vivions ici depuis 1984, depuis plus de 40 ans. Nous n’avions jamais rien vécu de tel. Les gens sont dans une impasse, ils ne savent pas quoi faire. Je ne sais pas quoi faire. Il y a des caravanes ici, nous allons rester ici pour l’été. Pour l’hiver, je n’ai aucune idée de ce que nous allons faire ».

Ahmad Malihaat, ancien résident de Maghar al-Deir, dans sa maison temporaire située à proximité du village palestinien de Taybeh, le 25 mai 2025. (Crédit : Nurit Yohanan)

Khalil Malihaat, un autre résident de Maghar al-Deir qui a fui la semaine dernière, explique au Times of Israel que « toute la communauté est partie en une heure ».

« J’ai emmené mes moutons, environ une centaine, mais je n’ai pris aucun effet personnel. Toute ma famille est partie avec seulement les vêtements que nous portions », raconte-t-il. « J’ai trois enfants. Je me trouve actuellement à proximité de Taybeh, où cinq familles vivent dans une seule pièce, dans des mobile homes. Je ne sais pas où je vais aller ensuite ».

Les habitants qui sont revenus ont été attaqués par les partisans du mouvement pro-implantation

Le 24 mai, des villageois sont retournés chez eux pour récupérer leurs effets personnels mais ils ont été attaqués par les jeunes. Douze habitants ont été blessés, dont Omar Malihaat, 14 ans, qui dit au Times of Israel qu’une trentaine d’extrémistes juifs sont arrivés alors que les habitants rassemblaient leurs biens. Ils l’ont blessé à la tête à coups de matraque.

Des images de l’incident montrent environ huit partisans du mouvement pro-implantation – certains ont le visage masqué – en train de jeter des pierres. Omar a été hospitalisé à Ramallah. Selon un rapport médical qui a pu être examiné par le Times of Israel, il a dû recevoir des points de suture et il a ensuite été autorisé à sortir.

Omar Malihaat, 14 ans, un habitant de Maghar al-Deir, dans son logement provisoire près de Taybeh. 25 mai 2025. (Crédit : Nurit Yohanan)

Un militant israélien qui accompagnait ces membres de la communauté bédouine a également été blessé lors de ces incidents violents.

Juste au nord de Maghar al-Deir, environ 1 000 Bédouins vivaient autrefois dans plusieurs communautés. Tous ont été déplacés ou ont fui au cours des deux dernières années en raison des violences des partisans du mouvement pro-implantation.

Les résidents craignent toutefois que le pire reste à venir. Certains d’entre eux ont déjà reçu des menaces après le départ des habitants de Maghar al-Deir. Des extrémistes juifs sont arrivés, le 24 mai, dans un village bédouin voisin, Makhmas, qui compte environ 40 habitants. Ils étaient armés de bâtons et de pierres, déclare un résident.

Des habitants palestiniens de Maghar al-Deir démantèlent leurs maisons alors qu’ils fuient le village de Cisjordanie le 22 mai 2025. (Crédit : Chaim Goldberg/Flash90)

« Aux environs de 16 heures, plusieurs groupes se sont approchés de nous depuis des directions différentes. Ils nous ont dit en arabe et en hébreu : ‘Vous devez partir. Sinon, nous allons tout brûler’, » raconte par téléphone Youssef Kaabneh, un habitant de Makhmas. « Certains étaient armés, d’autres non ; d’autres avaient des matraques. Ils avaient des chiens. Personne n’a été blessé, mais ils nous ont encerclés, ils ont cassé des arbres, ils ont terrifié les enfants puis ils sont partis ».

« Les attaques continuent : ils viennent avec des tracteurs, ils viennent avec du bétail », ajoute-t-il. « Nous ne pouvons même pas penser à ce qui va se passer ensuite. Les gens sont épuisés, ils n’ont pas d’argent et ils souffrent de l’oppression ».

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