En Iran, le secteur aérien davantage fragilisé par les sanctions européennes
L'Union européenne qui accuse l'Iran de livrer à la Russie des missiles balistiques dans sa guerre contre l'Ukraine, a pris mi-octobre des sanctions à l'encontre de 14 entités et personnes en Iran, dont la compagnie nationale Iran Air

Tannaz s’apprêtait à partir pour Paris lorsque des sanctions de l’Union européenne contre la principale compagnie aérienne de l’Iran ont cloué au sol son avion et contraint cette photographe iranienne à annuler un déplacement professionnel.
L’Union européenne (UE), qui accuse l’Iran de livrer à la Russie des missiles balistiques dans sa guerre contre l’Ukraine, a pris mi-octobre des sanctions à l’encontre de 14 entités et personnes en Iran, dont la compagnie nationale Iran Air.
Ces mesures prévoient une interdiction de se déplacer dans l’UE et un gel des avoirs dans les banques européennes. L’Iran, qui dément fournir des missiles à la Russie et parle d’accusations sans fondement, a dénoncé un « acte hostile » de l’UE.
Tannaz, une femme de 37 ans qui vit à Téhéran, se retrouve sans le vouloir victime collatérale des tensions géopolitiques qui opposent son pays à l’Union européenne.
En route pour l’aéroport, cette Iranienne qui préfère taire son patronyme par peur de représailles, a dû faire demi-tour après avoir reçu un message inopiné lui annonçant que son vol était tout bonnement annulé.
Pour voyager en Europe, la photographe privilégiait des vols iraniens, parce qu’ils étaient directs et surtout bon marché.
Elle devra désormais voler à bord de compagnies de pays voisins avec escale obligatoire, ce qui allonge la durée du trajet et le rend plus onéreux.

Secteur sous pression
Pour ces raisons, « je pense que je vais perdre de nombreux clients » en Europe, déplore la photographe auprès de l’AFP.
Iran Air, bien moins chère que ses concurrentes étrangères, était « la seule compagnie (iranienne) à proposer des vols (directs) vers l’Europe », relève Maghsoud Asadi Samani, de l’association iranienne des transporteurs aériens.
A cause des dernières sanctions, « aucun avion iranien ne vole plus vers l’Europe », souligne M. Samani, cité par l’agence de presse locale Ilna.
Outre Iran Air, deux autres compagnies iraniennes, Saha Airlines et Mahan Air, sont visées par les sanctions européennes.
Ces mesures surviennent au moment où la plupart des compagnies occidentales, à l’instar de l’allemande Lufthansa, ne desservent déjà plus l’Iran, en raison de la guerre à Gaza et au Liban et dans la crainte de représailles d’Israël contre le territoire iranien, après des tirs de missiles par Téhéran le 1er octobre.
Le secteur aérien en Iran pâtit depuis des années des sanctions internationales qui empêchent l’Iran d’acheter des avions, des pièces détachées et d’avoir recours à des services de maintenance.
S’ajoutent à ces difficultés, une inflation galopante, une dépréciation de la monnaie nationale mais aussi de la corruption, selon l’économiste Saïd Leylaz, qui a été conseiller auprès de plusieurs présidents iraniens.

« Isolement »
Résultat, « un nombre important d’appareils en Iran sont cloués au sol » de longue date, affirme l’économiste iranien Danial Rahmat, qui estime de 300 à 350 la flotte d’avions en service.
Faute d’alternatives internationales, les Iraniens s’appuient très largement sur leurs compagnies aériennes, en dépit d’avions vieillissants et de normes de sécurité insuffisantes.
Pour parer aux sanctions de l’UE, Iran Air a mis en place un vol quotidien entre Téhéran et Istanbul « afin de faciliter les voyages et réduire les inquiétudes des passagers vers l’Europe », a rapporté la presse locale.
Le président iranien Massoud Pezeshkian, qui a pris ses fonctions en juillet, assure qu’il cherche à sortir son pays de l' »isolement » pour compenser l’impact des sanctions internationales.
L’économiste Saïd Leylaz estime que les dernières mesures de l’UE ne feront que davantage rapprocher l’Iran de ses alliés, dont la Chine.
« La demande en voyages […] hors de l’Union européenne et dans les endroits où [l’Iran] n’est pas sanctionné est très forte », assure M. Leylaz.
Pas de quoi cependant consoler Tannaz, dont le travail nécessite des déplacements réguliers en Europe comme beaucoup d’autres Iraniens.
« Je veux juste que nous puissions vivre une vie normale », soupire la photographe.