Israël en guerre - Jour 342

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Entretien

En Israël, le guide de Netanyahu sur le génocide rwandais rêve d’un avenir meilleur

Le directeur du Mémorial du génocide de Kigali, survivant lui-même, réfléchit sur l'Holocauste et le vœu de l'Iran d'anéantir Israël, et convient du fait que l’incitation à la haine mène au meurtre

Raphael Ahren est le correspondant diplomatique du Times of Israël

De gauche à droite : Honore Gatera, directeur du Mémorial du Génocide à Kigali, le Premier ministre Benjamin Netanyahu, sa femme Sara, et le président du Rwanda Paul Kagame, à Kigali, au Rwanda, le 6 juillet 2016 (Crédit : Kobi Gideon/GPO)
De gauche à droite : Honore Gatera, directeur du Mémorial du Génocide à Kigali, le Premier ministre Benjamin Netanyahu, sa femme Sara, et le président du Rwanda Paul Kagame, à Kigali, au Rwanda, le 6 juillet 2016 (Crédit : Kobi Gideon/GPO)

Honoré Gatera avait 13 ans lorsque les tueurs sont venus dans son village dans la campagne rwandaise. « Je me souviens de tout ce qui m’est arrivé », témoigne-t-il.

Un voisin appartenant à la tribu Hutu et qui voulait à tout prix annihiler la communauté tutsie du pays – dont fait partie la famille de Gatera – les a cachés lui et son cousin pendant quelques semaines, jusqu’en mai 1994. « Mais comme les tueurs ont intensifié les recherches dans les maisons et tuaient tout le monde, il a décidé de nous renvoyer. Il a dit, au lieu de vous voir vous faire tuer devant mes yeux, je préfère vous voir partir et rejoindre les autres réfugiés dans les établissements publics ».

Mais Gatera et son cousin n’ont pas suivi les conseils de leur voisin. Au lieu de cela, ils sont retournés vers les ruines de leur maison familiale, dont une partie était encore debout, jusqu’à ce que le Front patriotique rwandais vienne à leur secours et les aide à atteindre une zone plus sûre où ils sont restés jusqu’à ce que les massacres soient terminés. Seuls sa mère, deux oncles et une tante ont survécu au génocide. « Sur une famille de plus de 60 personnes, 30 avaient disparu », a-t-il rapporté, faisant référence à sa famille élargie.

Aujourd’hui, Gatera est le directeur du Mémorial du génocide de Kigali, qui a accueilli le Premier ministre Benjamin Netanyahu en juillet lors de sa visite historique dans la capitale du Rwanda.

La semaine dernière, Gatera, 35 ans, ainsi que deux de ses collègues sont venus en Israël pour la toute première fois, pour une visite d’étude de trois jours organisée par le ministère des Affaires étrangères d’Israël et Yad Vashem.

Honore Gatera, directeur du Mémorial du génocide à Kigali, en visite à Jérusalem, juillet 2016 (Crédit : Facebook)
Honore Gatera, directeur du Mémorial du génocide à Kigali, en visite à Jérusalem, juillet 2016 (Crédit : Facebook)

Parlant au Times of Israel depuis son hôtel de Jérusalem, Gatera, célibataire aux manières et à la voix douces, a abordé la nature humaine et les moyens de prévenir de futures atrocités, et sur les similitudes et les différences entre l’Holocauste et l’expérience rwandaise. Il a également rappelé sa récente rencontre avec Netanyahu.

« En tant qu’Israélien, il sait beaucoup de choses sur les génocides. Il connaît le génocide au Rwanda également », a déclaré Gatera, qui est titulaire d’un diplôme en sciences sociales de l’Université indépendante de Kigali.

Le 6 juillet, Gatera a guidé Netanyahu, sa femme Sara, et le président rwandais Paul Kagame à travers les trois parties du musée : la section principale sur le massacre par les Hutus de près d’un million de Tutsis en 1994, et les deux expositions plus petites, l’une dédiée aux enfants victimes du génocide rwandais et l’autre traitant de divers autres génocides qui ont eu lieu tout au long des temps modernes à travers le monde.

Today the The Prime Minister of Israel, Benjamin Netanyahu – בנימין נתניהו, visited the Kigali Genocide Memorial and…

Posted by Kigali Genocide Memorial on Wednesday, July 6, 2016

« Ce fut une visite intéressante. Il avait beaucoup de choses à nous dire », a noté Gatera, qui a commencé à travailler comme guide au mémorial en 2004 et a continué en tant que directeur six ans plus tard, au sujet de Netanyahu.

« Il a partagé beaucoup [d’informations] dans la section sur l’Holocauste. Quand nous sommes arrivés à la section sur le Rwanda, bien sûr, nous avons pris les devants – nous étions là avec le président du Rwanda. Mais c’était une sorte de conversation. Nous avons parlé de diverses questions. Il était instructif et ouvert ».

La découverte de la Chambre des enfants fut la partie la plus difficile de la visite d’une heure, s’est souvenu Gatera. « C’est difficile pour tout le monde, de voir comment les génocidaires voulaient exterminer un groupe ethnique, toute une génération, en tuant tout le monde, y compris des enfants âgés de neuf mois ou de deux mois ».

Netanyahu, lors d’une conférence de presse plus tard ce jour-là, a déclaré que cela avait été « exceptionnellement émouvant, choquant même, je dirais, de voir les photos des enfants, parfois des bébés, leurs brefs récits de vie exposés devant nous ».

Dans le livre d’or du Mémorial, Netanyahu a qualifié le génocide rwandais de « l’un des plus grands crimes de l’histoire » et a noté des « similitudes obsédantes avec le génocide de notre peuple ».

« Y a-t-il eu une victime de l’Holocauste infectée par le VIH par viol ? Voilà le caractère unique du génocide au Rwanda »

Gatera, qui a visité Auschwitz et plusieurs musées de l’Holocauste en Europe et aux États-Unis, a déclaré que tous les génocides présentent des similitudes et des différences.

Le caractère unique d’un génocide, a-t-il ajouté, réside dans la façon dont le meurtre de masse est orchestré. « Y a-t-il eu une victime de l’Holocauste tuée avec une machette ? Y a-t-il eu une victime de l’Holocauste infectée par le VIH par viol ? Voilà le caractère unique du génocide au Rwanda ».

Il a ajouté : « Le malheur est que nous n’avons jamais appris. Et les communautés qui ont subi des génocides ou des atrocités sont celles qui savent vraiment, profondément, ce que cela signifie de passer par un génocide et de survivre à un génocide. Le monde extérieur ne semble pas vraiment y être relié et voir ce qu’il faut faire pour prévenir [d’autres génocides] ».

Gatera est venu en Israël pour apprendre des gens « qui comprennent vraiment comment un génocide se produit et comment un génocide peut être évité », a-t-il expliqué. Sa visite la semaine dernière à Yad Vashem était « unique et éducative », a ajouté Gatera, en ce que non seulement il a appris beaucoup sur l’Holocauste, mais aussi sur le professionnalisme avec lequel le génocide est commémoré en Israël, a-t-il ajouté.

Bien que le mémorial de Kigali ait consacré une aile entière aux génocides des autres peuples – l’exposition, appelée « Vies perdues », traite des atrocités de masse en Namibie, en Arménie, au Cambodge, aux Balkans et, bien sûr, de l’Holocauste – cela n’a pas dérangé Gatera que Yad Vashem se concentre exclusivement sur la tentative d’extermination des Juifs par les nazis. « Il appartient à la communauté israélienne de décider s’ils parlent des [autres génocides] ou s’ils décident que Yad Vashem est dédié au génocide [des Juifs] uniquement », a-t-il affirmé.

« Vous savez combien de demandes je reçois de gens, [disant] ‘vous ne parlez pas de notre cas’ ? Nous ne pouvons pas parler de chaque cas. Oui, nous avons fait de notre mieux pour parler d’autres cas. Et oui, le fait qu’Israël parle d’autres cas d’atrocités de masse et de génocides peut être important dans cette nation pour les gens qui viennent visiter Jérusalem. Mais cela ne doit pas nécessairement être à Yad Vashem. Cela peut être ailleurs ».

Le Premier ministre Benjamin Netanyahu dépose une gerbe au mémorial du génocide rwandais à Kigali, mercredi 6 juillet 2016 (Crédit : Raphael Ahren/Times of Israel)
Le Premier ministre Benjamin Netanyahu dépose une gerbe au mémorial du génocide rwandais à Kigali, mercredi 6 juillet 2016 (Crédit : Raphael Ahren/Times of Israel)

Au cours de sa conférence de presse à Kigali, Netanyahu a non seulement comparé le génocide rwandais avec l’Holocauste, mais il a également évoqué des exemples contemporains de ce qu’il considère comme des précurseurs à de futurs génocides.

« Donc, aujourd’hui, quand nous voyons les dirigeants à Gaza appeler à l’assassinat de tous les Juifs du monde entier, nous avons tous un devoir de parler. Quand nous entendons le chef suprême de l’Iran appelant à l’anéantissement d’Israël, nous avons un devoir de parler », a-t-il dit.

Gatera est à nouveau tombé pleinement d’accord avec le Premier ministre : les menaces des dirigeants iraniens constituent clairement une « incitation au génocide », a-t-il dit. Tout en admettant ne pas comprendre pleinement les racines de l’inimitié israélo-iranienne, il a dit que l’ONU devrait demander une explication à Téhéran. « Effacer quelqu’un de la carte – c’est éradiquer toutes les personnes de ce pays. Et ces discours entrent dans les esprits des jeunes à mesure qu’ils grandissent et ils peuvent finir par commettre un génocide ».

Malgré tout ce qu’il a appris sur les génocides, y compris de par ses propres expériences terribles, Gatera croit encore qu’un avenir sans génocide est possible. Il n’y a rien d’inné dans la nature humaine qui oblige les gens à tuer, a-t-il affirmé. « S’il n’y avait pas de propagande, s’il n’y avait pas d’éducation à la haine, il n’y aurait plus de génocides ».

Citant sa propre expérience en tant qu’enfant ayant grandi au Rwanda, il a dit qu’il pouvait voir comment les gens ont été « forgés pour être des génocidaires » par l’incitation à la haine et la propagande. « Personne n’a dans son sang [un besoin] de commettre des violences contre sa communauté ou ses amis. Non, les gens sont éduqués à cela. Les gens sont forgés pour devenir des armes ».

L’éducation et la promotion de la pensée indépendante sont donc des éléments clés pour prévenir les futures atrocités de masse. Après qu’un génocide a été commis, les auteurs se rendent compte qu’ « ils sont tombés dans un piège », que les politiciens les ont transformés en machines à tuer sans cervelle, a avancé Gatera. La société doit donc faire en sorte que les enfants grandissent « avec leur propre pensée critique », a-t-il demandé.

Après le génocide rwandais, les Hutus et les Tutsis se sont rapidement réconciliés et vivent aujourd’hui harmonieusement dans le même pays. Quelles leçons Juifs et Arabes pourraient-ils apprendre du Rwanda ?

« Je n’ai pas de réponse à vous donner dans l’immédiat », a répondu Gatera. « Je crois en une chose dans ma vie : il y a une solution à tout problème. Je ne peux pas voir la solution actuellement à ce conflit qui dure depuis longtemps. Cela ne se produira peut-être pas au cours de ma vie, mais il y aura une solution ».

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