Englman: le bureau du procureur ne devrait pas être chargé des enquêtes sur la police
Le contrôleur de l'État met en garde contre les conflits d'intérêts dus à l'association institutionnelle du département des enquêtes internes avec le bureau du procureur de l'État

Le contrôleur de l’État Matanyahu Englman a appelé mardi les dirigeants du pays à envisager de retirer l’organisme chargé d’enquêter sur les fautes de la police de l’égide du bureau du procureur de l’État, mettant en garde contre les conflits d’intérêts potentiels qui entravent son indépendance.
Cette recommandation figure dans une section de son rapport annuel consacrée au Département des enquêtes internes de la police (PIID) et au traitement par la police israélienne des plaintes déposées contre des agents, dont la plupart, selon Englman, « ne sont pas examinées correctement ».
Selon le médiateur, le PIID a clos 55 % des 5 356 affaires sur lesquelles il a pris une décision finale en 2021 sans contacter les fonctionnaires de police pour leur demander si une affaire spécifique n’aurait pas pu être traitée sans l’intervention des forces de l’ordre.
Le rapport d’Englman soulève des questions concernant les structures organisationnelles des organes qui traitent les plaintes, affirmant que « l’association institutionnelle » du PIID avec le bureau du procureur de l’État et du Département disciplinaire de la police avec la direction des effectifs « influence leur capacité à assurer une indépendance fonctionnelle totale ».
Soulignant l’étroite coopération entre les procureurs et la police en matière d’application de la loi, Englman a évoqué la possibilité d’un « conflit d’intérêts institutionnel » dans certains cas, lorsque le PIID enquête sur des agents.
Il a également souligné les problèmes dans les relations entre le PIID et la police, notant que la première n’a pas ses propres cours de formation et dépend de la police pour l’attribution des places dans les formations qu’elle dispense. Il a ajouté que la police avait refusé d’ouvrir les cours d’interrogatoire aux enquêteurs du PIID.
Selon Englman, le PIID n’a pas un accès complet aux bases de données d’information de la police contenant « les éléments d’enquête pertinents pour les enquêteurs », tels que les images des caméras corporelles ou les enregistrements des appels au numéro d’urgence de la police.
Englman pointe également du doigt le manque d’équipement nécessaire aux enquêteurs et l’utilisation d’officiers de police pour combler le manque d’effectifs dans la branche des enquêtes et du renseignement du PIID, entre autres.

Englman a suggéré à la procureure générale Gali Baharav-Miara de mener un travail de fond sur la question qui comprendrait une comparaison du système israélien de traitement des plaintes contre la police « à différents modèles qui existent dans d’autres pays […] en mettant l’accent sur la nécessité d’assurer un traitement complet, systématique, efficace et indépendant ».
Le contrôleur de l’État a ajouté que les conclusions du travail de Baharav-Miara devraient ensuite être envoyées au ministre de la Justice Yariv Levin et au ministre de la Sécurité nationale Itamar Ben Gvir, qui, selon lui, doivent tous les trois « examiner, en coopération avec le PIID et la police, les défaillances décrites dans ce rapport et s’efforcer d’y remédier ».
En réponse au rapport, le ministère de la Justice a envoyé une déclaration au nom de Baharav-Miara, indiquant qu’elle allait « en prendre connaissance et agir pour le mettre en œuvre ». Elle a ajouté que certaines questions soulevées dans le rapport étaient déjà examinées ou traitées par le PIID.
Elle a également noté qu’Englman n’a pas explicitement demandé que le PIID ne soit plus sous l’autorité des procureurs.
Le rapport a été publié après que la Knesset a apporté en février son soutien initial à un projet de loi qui placerait le PIID sous le contrôle direct du ministre de la Justice, dans le cadre des efforts déployés par le gouvernement pour réformer le système judiciaire.
Le PIID est actuellement chargé d’enquêter sur les crimes présumés commis par des officiers de police et des employés de l’agence de sécurité intérieure du Shin Bet, et peut dans certains cas mener des enquêtes pénales et disciplinaires sur des actes répréhensibles commis par des employés de la fonction publique. En vertu du projet de loi proposé, les pouvoirs du PIID seraient étendus pour permettre des enquêtes sur les procureurs de l’État et le procureur général, sous la direction d’une nouvelle unité.
Les détracteurs du projet de loi ont fait valoir que celui-ci aurait pour effet d’affaiblir le PIID en le soumettant à l’influence politique.
Le projet de loi controversé, qui doit encore passer par trois lectures avant d’avoir force de loi, a été proposé par le député Moshe Saada (Likud), ancien chef adjoint du PIID.
« Tout le monde comprend maintenant pourquoi le projet de loi sur le PIID que je propose est essentiel », a écrit Saada sur Twitter mardi après la publication du rapport. « Les hauts responsables de l’appareil répressif ne peuvent pas être au-dessus de la loi. »
Levin a réagi au rapport du contrôleur en déclarant qu’il avait ordonné au personnel du ministère de proposer rapidement un plan opérationnel pour mettre en œuvre ses recommandations, ajoutant que le rapport « met en évidence les corrections systémiques fondamentales qui sont nécessaires au sein du PIID ».