Enquête ouverte sur un pipeline de l’État après une fuite de benzène
Le ministère de la Protection environnementale affirme que l'EAPC, entreprise publique, a violé plusieurs lois après des investigations initiales sur une pollution à Ashkelon
Sue Surkes est la journaliste spécialisée dans l'environnement du Times of Israel.
Le ministère de la Protection environnementale a annoncé lundi l’ouverture d’une enquête criminelle sur une fuite de benzène survenue à la fin de l’année dernière. Le carburant s’était écoulé d’un réservoir appartenant à l’EAPC (Europe Asia Pipeline Company Ltd).
Ces investigations ont lieu alors que l’EAPC devrait élargir ses activités de manière significative et dans un contexte d’inquiétudes portant justement sur les antécédents de la firme en termes de sûreté, six ans après avoir été à l’origine de ce qui avait alors été qualifié de « pire catastrophe environnementale de toute l’Histoire d’Israël ».
Le département de supervision chargé de l’application de la loi du ministère, appelé la Police verte, va examiner les soupçons portant sur d’éventuelles violations des lois de la part de l’entreprise, et notamment des lois sur la prévention des accidents, sur la possession de substances dangereuses et sur l’enregistrement des firmes. En effet, l’EAPC aurait contrevenu à sa licence commerciale, a fait savoir une annonce.
Au mois de novembre, des dizaines de résidents vivant dans la ville côtière d’Ashkelon, dans le sud du pays, et dans ses environs s’étaient plaints d’une odeur nauséabonde.
Le ministère de la Protection environnementale avait découvert que l’odeur provenait d’une combinaison de carburant et d’eau de pluie, sur le toit d’un réservoir qui avait fuité sur le site d’une usine appartenant à l’EAPC, située à proximité de la ville.
Les stations de contrôle localisées à proximité du site avaient montré une hausse significative des concentrations à court-terme de benzène polluant, obligeant le gouvernement à vivement recommander aux résidents de la zone de fermer leurs fenêtres et de s’abstenir de mener des activités intenses à l’extérieur.
Il avait fallu vingt-quatre heures pour prendre en charge l’incident et le gouvernement avait dû émettre une ordonnance pour que l’EAPC s’en occupe.
Une rencontre avec les responsables de la firme et menée par le directeur du district du sud au sein du ministère, Baruch Weber, avait révélé que la fuite avait violé la loi sur la Prévention des accidents et que, de surcroît, l’EAPC avait contrevenu aux conditions définies par sa licence commerciale.
Un communiqué du ministère de la Protection environnementale avait affirmé que la firme avait aussi violé les dispositions d’une autorisation sur les produits toxiques qu’elle était en droit de conserver, sans donner plus de détails.
Après examen, Weber avait recommandé l’ouverture d’une enquête pénale par la Police verte, une recommandation qui avait été approuvée par le ministère. Comme c’est aussi le cas de la police traditionnelle, la Police verte est en droit de distribuer des amendes et de mener des enquêtes avec la possibilité de transmettre les dossiers au bureau du Procureur de l’État pour qu’il puisse décider d’éventuelles poursuites judiciaires.
Au mois d’octobre, l’EAPC avait signé un protocole d’accord avec MED-RED Land Bridge, une co-entreprise israélo-émiratie, prévoyant le transfert de pétrole et de produits dérivés du pétrole depuis un terminal de la mer Rouge jusqu’à la mer Méditerranée, en passant par le territoire israélien.
Le pétrole du Golfe transitera ensuite via les conduites de l’EAPC, à travers les désert d’Arava et du Neguev, situés dans le sud d’Israël, vers un terminal de la firme à Ashkelon, sur la côte sud de la Méditerranée. De là, il sera à nouveau embarqué à bord de pétroliers qui le livreront sur les marchés du sud de l’Europe.
Des organisations de défense de l’environnement, des scientifiques et des habitants d’Eilat font actuellement campagne pour que l’accord soit annulé, craignant qu’une fuite à Eilat n’entraîne des dégâts irréversibles sur les coraux qui sont situés à proximité.
Au mois d’octobre, plusieurs mètres-cubes de pétrole brut appartenant à la compagnie s’étaient écoulés dans la mer Méditerranée.
Le même mois, les procureurs de l’État avaient annoncé que la firme ainsi que cinq de ses administrateurs passés et actuels pourraient être traduits en justice, sous réserve d’une audience, pour leur rôle présumé dans la pire catastrophe environnementale jamais connue par Israël qui avait entraîné 100 millions de shekels de dégâts, six ans auparavant.
En décembre 2014, une partie du pipeline trans-israélien de l’EAPC s’était brisé, envoyant environ 1,3 million de ballons d’or brut dans la réserve naturelle d’Evrona, dans le sud du pays.
Au mois de février 2020, l’EAPC et d’autres avaient été condamnés devant le tribunal d’Eilat pour avoir nui à une nature protégée après avoir endommagé plus de 2 600 coraux dans la mer Morte.
L’EAPC avait été établie en 1968 sous la forme d’une co-entreprise israélo-iranienne qui transportait le pétrole asiatique d’Eilat vers l’Europe, par le biais d’un réseau de pipelines reliant Eilat à Ashkelon et à Haïfa, en remontant le long d’Israël. Selon le site de l’EAPC, la compagnie exploite 750 kilomètres de pipelines au sein de l’Etat juif. La firme fonctionne sous l’autorité du ministère des Finances, même si c’est l’Autorité du transport maritime, au sein du ministère des Transports, qui est chargée de superviser les terminaux.
En raison de la nature même de l’EAPC – en tant que co-entreprise avec l’Iran – les opérations de la firme restent excessivement secrètes et même aujourd’hui, les informations la concernant peuvent être censurées par l’armée israélienne.
Des inspecteurs contrôlent de temps en temps les activités de la firme, même si un manque de transparence empêche de connaître le rythme et les critères retenus lors de ces inspections.
Au début du mois, la Société pour la protection de la Nature a demandé au titre de la liberté d’information au ministère des Finances de révéler les détails de l’accord conclu avec les EAU. Le ministère a répondu que « nous ne pouvons pas transmettre ces informations dans la mesure où cette transmission ne relève pas de notre autorité ».
L’EAPC a dit être « attachée aux valeurs de la protection environnementale, à la protection de la région dans laquelle l’entreprise mène ses activités et cette dernière investit de nombreuses ressources dans cette préservation nécessaire ».
« C’est grâce à l’EAPC que les récifs coralliens de la baie ont été préservés et qu’ils se sont développés depuis plus de 50 ans, parallèlement au travail mené par l’EAPC, et c’est grâce aux régulations de sûreté les plus strictes et à l’engagement de la firme en faveur de l’environnement ».
« La compagnie est dotée des équipements les plus modernes et elle respecte les normes internationales définies en termes de protection environnementale », a-t-elle continué.