Eric Ciotti des Républicains soutient une alliance avec le Rassemblement national
"Nous avons besoin d'une alliance, en restant nous-mêmes, avec le RN et ses candidats", a -t-il déclaré ; de nombreuses voix se sont élevées immédiatement contre cette alliance
Le patron du parti de droite Les Républicains (LR), Eric Ciotti, a appelé de ses vœux mardi « une alliance » inédite avec le parti d’extrême droite Rassemblement national (RN) pour les élections législatives anticipées en France, provoquant une levée de boucliers au sein de son propre camp mais aussi à gauche et dans la majorité.
« Nous avons besoin d’une alliance, en restant nous-mêmes, (…) avec le RN et ses candidats », a déclaré Eric Ciotti sur la chaîne de télévision TFI, adoptant officiellement une position très controversée au sein de son parti, héritier du gaullisme.
#ElectionsLégislatives2024 :
Historique ! Éric Ciotti valide une alliance avec le RN.
L'intégralité de son intervention chez TF1 ⤵️ pic.twitter.com/IDRpRx5Wte— ???????? _Thierry d'Austrasie_???????? ???????? (@Thierry_d_Austr) June 11, 2024
M. Ciotti a précisé avoir eu des discussions avec les chefs de file du parti d’extrême droite Marine Le Pen et Jordan Bardella, grand vainqueur des élections européennes en France avec plus de 30 % des suffrages. Si l’accord se concrétise, ce sera le premier de ce genre en France entre la droite et l’extrême droite.
M. Ciotti a estimé que la droite avait besoin de cet accord pour préserver sa représentation à l’Assemblée nationale, qui compte aujourd’hui 61 députés, dont beaucoup ne sont pas sur la ligne du président du parti.
Marine Le Pen a immédiatement réagi en saluant « le choix courageux » et « le sens des responsabilités » d’Eric Ciotti. « Quarante ans d’un pseudo cordon sanitaire, qui a fait perdre beaucoup d’élections, est en train de disparaître », a fait valoir auprès de l’AFP Mme Le Pen, qui a entamé depuis une décennie une stratégie de dédiabolisation et de normalisation de son parti. Marine Le Pen a ajouté à l’AFP espérer « qu’un nombre conséquent de cadres LR le suivent ».
« Eric Ciotti choisit l’intérêt des Français avant celui de nos partis », a loué le président du RN Jordan Bardella.
Au sein de LR, de nombreuses voix se sont élevées immédiatement contre cette alliance : le président LR du Sénat Gérard Larcher, qui s’est toujours opposé à un rapprochement avec l’extrême droite, a assuré qu’il « n’avaliserait jamais, sous aucun prétexte, un accord avec le RN, contraire à l’intérêt de la France et à notre histoire ». Il a ainsi demandé à Eric Ciotti de quitter la présidence de LR.
Le président des sénateurs LR Bruno Retailleau a dénoncé « une ligne personnelle », rejoint par le patron des députés LR Olivier Marleix pour qui M. Ciotti « n’engage que lui » et doit démissionner.
« Il doit démissionner. Nous sommes les héritiers de de Gaulle, Giscard, Chirac et Sarkozy », a tancé Philippe Juvin, ancien candidat à la primaire de la droite. « Nous savons désormais qu’en juin 1940, Eric Ciotti n’aurait jamais traversé la Manche » (comme le général de Gaulle, NDLR), a grondé le député LR de l’Aisne Julien Dive.
Valérie Pécresse, présidente de la région Ile-de-France, a elle accusé Eric Ciotti de « vendre son âme pour un plat de lentilles et draper cela dans l’intérêt du pays ». « Tout ne s’achète pas. Les Républicains doivent dénoncer immédiatement l’accord proposé », a insisté l’ancienne candidate LR à la présidentielle.
Le président des jeunes LR Guilhem Carayon a tout de même défendu « le choix du courage et du bon sens » du patron du parti.
Avant l’annonce officielle du patron de LR, de nombreux dirigeants du parti, y compris Laurent Wauquiez, soutenu par Eric Ciotti comme candidat de la droite à l’Elysée en 2027, ont rejeté catégoriquement cette décision.
Le camp présidentiel a aussi pilonné l’annonce du président de LR. « Éric Ciotti signe les accords de Munich (de 1938, conclus avec Hitler, NDLR) et enfonce dans le déshonneur la famille gaulliste en embrassant Marine Le Pen », a dénoncé le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin sur X.
« Offrir à Le Pen le parti du général de Gaulle sur un plateau d’argent, la honte a désormais un nom », a tonné le ministre de la Justice Eric Dupond-Moretti.
« Aujourd’hui, Jacques Chirac (décédé en 2019, NDLR) est mort une deuxième fois. Et Eric Ciotti vient d’assassiner la droite républicaine », a abondé la présidente sortante de l’Assemblée Yaël Braun-Pivet (Renaissance).
« Eric Ciotti porte un coup terrible à ma famille politique, la droite républicaine », a déploré la ministre de la Culture Rachida Dati, issue de LR.
Christian Estrosi, numéro deux d’Horizons et adversaire depuis des années d’Eric Ciotti dans les Alpes-Maritimes a lui jugé que ce dernier « a dévoilé son vrai visage ».
En France, le RN est un parti héritier du Front national, une formation cofondée en 1972 par un ancien Waffen SS, et qui accueillit de nombreux ex-« collabos » en son sein.
« Quelle tristesse, quel naufrage ! Il faut vite rassembler et reconstruire une force solide qui s’opposera aux extrêmes », a également appelé le patron des sénateurs centristes Hervé Marseille.
A gauche, le projet d’accord avec l’extrême droite a permis aux principaux chefs de partis d’appeler en retour à un « front populaire« .
« L’hypothèse d’une majorité absolue pour le RN et ses alliés n’est plus une hypothèse d’école (…) Il n’y a plus qu’une seule alternative pour faire rempart aux nationaux-populistes : le Front populaire ! », a appelé sur X Olivier Faure, premier secrétaire du PS.
« La seule alternative au Front national est désormais le #Frontpopulaire », a abondé la secrétaire nationale des Écologistes Marine Tondelier.
« Le cordon sanitaire face au parti fondé par des Waffen-SS n’est plus », a déclaré la cheffe des députés LFI, un parti largement accusé de flirter avec l’antisémitisme, Mathilde Panot, estimant que « Les Républicains n’ont plus de républicain que le nom ».
« Toutes les digues ont sauté. LR fait alliance avec le RN. Notre responsabilité : la résistance. Notre chemin : le Front populaire », a soutenu le secrétaire national du PCF Fabien Roussel.
Selon un sondage Harris Interactive – Toluna paru lundi, le RN est crédité de 34 % d’intentions de vote pour le premier tour des législatives le 30 juin. Ce qui lui permettrait d’obtenir une majorité relative lors du second tour le 7 juillet, avec 235 à 265 députés.
Le parti du président Emmanuel Macron, avec 19 %, ne pourrait tabler que sur 125 à 155 sièges, contre 115 à 145 pour la gauche, créditée de 22 % sous sa nouvelle bannière unitaire, le « Front populaire ».
Le chef de l’État français a quant à lui exclu de démissionner « quel que soit le résultat » des législatives anticipées, convoquées après la défaite de son camp aux européennes, dans un entretien publié mardi par le Figaro Magazine.