État-nation : A Bruxelles, les élus arabes exhortent l’UE à lutter contre la loi
Ayman Odeh a vivement recommandé à la cheffe de la politique étrangère européenne de condamner et d'appeler à l'abandon de la loi jugée controversée
Raphael Ahren est le correspondant diplomatique du Times of Israël
Une délégation de députés arabes israéliens de la Liste arabe unie a rencontré mardi de hauts-responsables de l’Union européenne à Bruxelles, dénonçant avec force la loi israélienne sur l’Etat-nation qui vient d’être adoptée et accusant le gouvernement israélien de discrimination systématique contre la minorité non-juive du pays.
Au siège de la commission européenne à Bruxelles, le président du parti arabe israélien Ayman Odeh a rencontré la cheffe de la politique étrangère de l’Union, Federica Mogherini, tandis que cinq de ses co-législateurs se sont entretenus avec d’autres hauts-responsables et notamment avec le ministre des Affaires étrangères du Luxembourg, Jean Asselborn.
Quasiment au même moment, l’ambassadeur israélien de l’UE a assisté à un événement organisé par un groupe pro-implantations au Parlement européen consacré à la coexistence entre Juifs et Arabes en Cisjordanie.
« Notre lutte contre cette loi doit s’effectuer dans tous les domaines et elle s’inscrit avant tout en Israël, en coopération avec la société arabe et les forces démocratiques juives », a déclaré Odeh dans un communiqué émis à l’issue de sa réunion avec Mogherini.
« Toutefois, nos partenaires sur la scène internationale ont une contribution très importante à amener dans le soutien à notre combat contre la loi sur l’Etat-nation qui a été adoptée par le gouvernement d’extrême-droite et raciste ».
Odeh a demandé que l’Union européenne condamne et appelle à l’annulation du texte controversé, qui rétrograde l’arabe, qui a été jusqu’à présent une langue officielle, au statut de langue « à statut spécial » et qui déclare que les droits à l’autodétermination en Israël sont « uniques » au peuple juif.
Les Israéliens arabes et d’autres communautés non-juives ont protesté avec virulence contre la loi qui, disent-ils, les réduit à des citoyens de seconde zone. De nombreux Juifs israéliens et la communauté internationale ont également dénoncé cette législation.
Odeh a expliqué que la rencontre avec Mogherini a été un tournant important dans ce qu’il a qualifié « d’effort conjoint juif et arabe » de son parti visant à faire abroger la loi.
« J’ai présenté à [Mogherini] la loi sur l’Etat-nation qui, à mes yeux, est une loi d’apartheid, car elle soutient la ségrégation ainsi que la suprématie ethnique. Nous n’accepterons jamais d’être des citoyens de seconde zone dans notre pays ».
Lors de cet entretien avec Mogherini, Odeh a également déploré « la discrimination sociale et économique contre les citoyens arabes en Israël », la destruction de constructions bédouines dans le Négev et « les incitations dans les cercles du Premier ministre » contre les Arabes israéliens.
Le député Jamal Zahalka a expliqué que lui et le groupe de législateurs à ses côtés sont venus « en Europe pour créer une pression massive avec pour objectif de faire abroger la loi sur l’Etat-nation ».
Cette rencontre à l’Union européenne survient quelques semaines après que les parlementaires arabes se sont entretenus sur le même sujet avec des représentants aux Nations unies.
Cette démarche avait été largement condamnée de la part des autres membres de la Knesset, même si une partie de cette opposition déclarée avait eu pour base de fausses informations qui avaient laissé entendre que les législateurs avaient oeuvré aux côtés des Palestiniens pour faire avancer une résolution de l’ONU contre la loi.
Le gouvernement considère le problème posé par la loi comme une question intérieure et il a exprimé son indignation face aux tentatives d’implication de la communauté internationale.
Odeh a clamé que le gouvernement israélien a fait pression sur Mogherini pour faire annuler leur entretien mais en vain, a-t-il insisté.
Un porte-parole de l’UE a expliqué qu’Odeh avait demandé l’organisation d’une rencontre avec Mogherini il y a des mois, ajoutant qu’elle s’entretient régulièrement avec des responsables et des législateurs des pays partenaires qu’ils soient issus du gouvernement ou de l’opposition.
Le porte-parole a confirmé que les deux responsables ont évoqué la loi sur l’Etat-nation, ainsi que « les relations entre l’UE et Israël, les développements nationaux en Israël et le processus de paix israélo-palestinien ».
Mogherini « a pris note » des points de vue d’Odeh sur la législation controversée.
L’UE avait fait savoir antérieurement que la loi « est avant tout une question portant sur la manière dont Israël choisit de se définir », exprimant son « respect » pour le débat sur le dossier dans le pays.
« L’UE apprécie l’engagement israélien envers les valeurs partagées de la démocratie et des droits de l’Homme qui a caractérisé nos relations fructueuses de longue haleine et nous ne voudrions pas voir ces valeurs remises en question, voire menacées », avait expliqué un porte-parole de l’Union après l’adoption de la loi au mois de juillet.
« La démocratie et l’égalité et notamment l’égalité des droits pour les minorités sont des piliers essentiels qui définissent nos sociétés. Le respect pour les droits de l’Homme et les principes fondamentaux sont et ils resteront une part centrale du partenariat UE-Israël. Nous continuerons à surveiller les implications de ce texte dans la pratique ».
Rencontre pro-implantations
Alors que les députés de la Liste arabe unie s’insurgeaient contre Israël, un groupe appelé les Amis de la Judée et de la Samarie au parlement européen ont pour leur part accueilli l’ambassadeur israélien de l’UE, Aharon Leshno-Yaar, le chef du conseil régional de Samarie Yossi Dagan et plusieurs députés européens pour une conférence affirmant que les Israéliens et les Palestiniens qui vivent en Cisjordanie coexistent pacifiquement en majorité.
Les liens entre l’UE et Israël ont été glacials depuis plusieurs mois. Le Premier ministre Benjamin Netanyahu a pour sa part snobé Mogherini au mois de juin lorsque cette dernière avait prévu de le rencontrer à Jérusalem. Il avait prétexté un emploi du temps surchargé.
« Nous avons un combat particulièrement difficile à mener en termes de justice et de vérité vis-à-vis de l’Union européenne à Bruxelles », a-t-il commenté lundi lors d’une cérémonie pour la nouvelle année juive au ministère des Affaires étrangères, à Jérusalem.
Lundi également, Mogherini a indiqué lors d’une conférence des ambassadeurs de l’UE du monde entier que « la solution à deux États devient dramatiquement hors de portée ».
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