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France : Contre l’antisémitisme, l’Assemblée vote un texte, mais se déchire

Les esprits se sont vite échauffés dans l'hémicycle entre mises en cause personnelles et anathèmes, lors des débats autour d'un texte Renaissance

Photo d'illustration : L'assemblée nationale, à Paris, le 7 décembre 2021. (Crédit : JULIEN DE ROSA / AFP)
Photo d'illustration : L'assemblée nationale, à Paris, le 7 décembre 2021. (Crédit : JULIEN DE ROSA / AFP)

« Antisémite », « négationniste », « quenelle »… L’Assemblée nationale a fait éclater au grand jour ses fractures mercredi 6 mars lors du débat sur un texte contre le racisme et l’antisémitisme qui a viré au pugilat entre les Insoumis, le camp présidentiel, la droite et le Rassemblement national.

Le texte a finalement été adopté à l’unanimité des 107 votants (Renaissance, Horizons, MoDem, PS, LR, écologiste et Liot). Les députés LFI, GDR et RN se sont abstenus.

Les esprits se sont vite échauffés autour de ce texte Renaissance, visant notamment à renforcer les peines pour « provocations, diffamations et injures non publiques à caractère discriminatoire », en en faisant des délits.

Julien Odoul, député RN a parlé de « dérive antisémite » des « partisans de Jean-Luc Mélenchon », accusant notamment des responsables LFI de complaisance avec le Hamas après le 7 octobre.

S’exprimant après M. Odoul, Nadège Abomangoli (LFI) a ironisé sur « l’honneur » de « passer après un raciste et négationniste antisémite ».

Au banc des ministres, le garde des Sceaux, Eric Dupond-Moretti, a lui fait feu de tout bois. « Nous sommes ici pour adopter un texte contre le racisme et l’antisémitisme, vous n’en voulez pas, vous n’en voulez pas », a-t-il lancé en pointant successivement du doigt les bancs du RN et de LFI, alors que les débats traînaient en longueur.

Avant cela il avait accusé LFI de vouloir « complaire à (un) électorat islamiste », reprochant au leader insoumis Jean-Luc Mélenchon d’avoir dit sur X que la présidente de l’Assemblée Yaël Braun-Pivet, était allée « camper à Tel Aviv pour encourager le massacre » à Gaza.

« Jamais, nulle part, nous n’essayons d’avoir le vote des antisémites. Nous les combattons », a vertement répliqué le député LFI Antoine Léaument.

Face au RN, le ministre s’est aussi lancé dans une longue charge contre des propos tenus par des responsables du parti d’extrême droite. « Vous oubliez de rappeler que l’antisémitisme, il vient aussi de votre parti fondé par un Waffen-SS ». Mais la tension a culminé lorsque Julien Odoul a accusé le garde des Sceaux d’avoir fait une « quenelle antisémite » dans l’hémicycle.

La « quenelle » (bras tendu vers le bas et main opposée posée sur l’épaule) a été popularisée par le polémiste Dieudonné, condamné à plusieurs reprises pour des déclarations antisémites, geste qu’il qualifiait « d’anti-système ».

« C’est vous qui l’avez inventée, la quenelle », a rétorqué le ministre, en reproduisant le geste et en fustigeant l’essayiste d’extrême droite Alain Soral, condamné pour « injure publique » après la diffusion en 2019 sur Internet d’un cliché le montrant effectuant une « quenelle ».

Julien Odoul a également suscité une bronca à gauche en évoquant un « islamisme (qui) vient par bateau et par avion », et en appelant à ne pas « intégrer à la communauté nationale des gens qui sont racistes, antisémites, qui ont la misogynie dans le sang ».

Dans une atmosphère surchauffée, le député apparenté LR Meyer Habib s’en est pris aux élus « pas tous mais certains à l’extrême gauche » qui « au lendemain du 7 octobre (…) ont glorifié le Hamas », s’attirant une réponse enflammée d’Antoine Léaument : « Personne chez nous n’a fait cela. »

Un amendement proposé par Meyer Habib visant « à pénaliser l’appel à la destruction et à la négation d’Israël (et de tout autre État) » a par ailleurs été rejeté à une voix près, et ne sera pas inclus dans le texte de loi.

Le texte, qui devra aller au Sénat, prévoit d’étendre les pouvoirs du tribunal correctionnel, lui permettant de prononcer des mandats de dépôt ou d’arrêt pour certains délits relevant de la loi sur la liberté de la presse, passibles d’un an d’emprisonnement ou en situation de récidive.

Sont notamment visés les provocations « à la haine ou à la violence » en raison de l’appartenance supposée « à une ethnie, une nation, une race ou une religion », ou le fait de « minorer ou banaliser » un génocide ou un crime contre l’humanité.

Les délits de diffamation et injure portant sur une origine, une religion, le sexe, l’orientation sexuelle, l’identité de genre ou un handicap seraient aussi concernés.

Le texte crée aussi deux délits d’apologie ou de contestation « non publique » notamment de crimes de guerre, crimes contre l’humanité ou de délits de collaboration avec l’ennemi.

« Il devrait objectivement y avoir unanimité sur ce texte », mais ça « montre qu’on a une Assemblée qui n’est pas prête à avoir des débats aussi compliqués », a commenté Mathieu Lefèvre, rapporteur et auteur du texte, à l’issue du scrutin.

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