Frappes contre les Houthis : réactions
Les Houthis, soutenus par l'Iran, ont mené depuis le 19 novembre 27 attaques contre des navires qu'ils considèrent liés à Israël sur la principale route commerciale internationale depuis le 7 octobre
Les Etats-Unis et le Royaume-Uni ont bombardé dans la nuit les Houthis au Yémen, après 27 attaques commises depuis le 19 novembre par ces membres contre le trafic maritime en mer Rouge, en signe de solidarité avec son allié palestinien du Hamas.
L’Iran, qui ne reconnaît pas l’existence d’Israël, se considère avec le pouvoir en Syrie, le Hezbollah libanais, le mouvement palestinien Hamas, des groupes irakiens et les rebelles yéménites Houthis comme faisant partie de « l’axe de la résistance » face à Israël au Moyen-Orient.
Les frappes, « 73 raids », ont visé des sites militaires dans la capitale Sanaa, et les gouvernorats de Hodeidah, Taïz, Hajjah et Saada, a indiqué le porte-parole militaire des Houthis. Cinq personnes ont été tuées et six blessées parmi les Houthis, a-t-il ajouté, soulignant que cette « agression (…) ne restera(it) pas sans réponse ».
Mardi, 18 drones et trois missiles houthis avaient déjà été abattus par trois destroyers américains, un navire britannique et des avions de combat déployés depuis le porte-avions américain Dwight D. Eisenhower.
Dans une déclaration commune, Washington, Londres et huit de leurs alliés parmi lesquels l’Australie, le Canada et Bahreïn ont souligné que l’opération, menée dans un contexte de forte tension régionale, visait à la « désescalade » et à « restaurer la stabilité en mer Rouge ».
Reprochant aux Houthis d’avoir ignoré « les avertissements répétés de la communauté internationale », le Premier ministre britannique, Rishi Sunak, a qualifié les frappes de « mesures limitées, nécessaires et proportionnées en état de légitime défense ».
Le porte-parole du ministère iranien des Affaires étrangères, Nasser Kanaani, a lui déclaré dans un communiqué que l’Iran « condamne fermement » les frappes aériennes américaines et britanniques dans les zones du Yémen contrôlées par les Houthis, a rapporté vendredi Nournews. « Nous considérons qu’il s’agit d’une violation claire de la souveraineté et de l’intégrité territoriale du Yémen, et d’une violation des lois, des règlements et des droits internationaux », a ajouté Kanaani.
L’Arabie saoudite voisine du Yémen a elle appelé « à éviter l’escalade ».
Le sultanat d’Oman a condamné le « recours de la part de pays amis à l’action militaire » contre le Yémen.
Exprimant son « inquiétude » face à ce développement, un porte-parole du ministère omanais des Affaires étrangères, cité par l’agence officielle ONA, a déclaré que son pays « ne (pouvait) que condamner le recours à l’action militaire de la part de pays amis, alors qu’Israël poursuit sa guerre contre les Palestiniens en toute impunité », dans la bande de Gaza. Il a souligné qu’Oman avait « mis en garde à plusieurs reprises contre le risque d’extension du conflit dans la région en raison de l’agression israélienne continue contre les territoires palestiniens ». Le sultanat d’Oman observe une position de neutralité face au conflit au Yémen, tout en jouant le rôle de médiateur entre les rebelles et les pays de la région qui interviennent militairement en soutien au gouvernement reconnu par la communauté internationale. Mascate accueille le principal négociateur des rebelles, Mohammed Abdel Salam, et a favorisé la libération de prisonniers entre gouvernement yéménite et Houthis.
Le Koweït a dit suivre « avec inquiétude » l’évolution de la situation en mer Rouge et appelé à « préserver la sécurité et la stabilité (de cette zone) et à y garantir la liberté de navigation », dans un communiqué du ministère des Affaires étrangères.
A Abou Dhabi, les Emirats arabes unis ont exprimé leur « inquiétude pour les répercussions des agressions contre le trafic maritime » en mer Rouge, d’après un communiqué du ministère des Affaires étrangères. Le ministère souligne l' »importance de préserver la sécurité de la région, les intérêts de ses pays et de ses peuples conformément à la loi internationale ».
A Bahreïn, seul pays de la région à faire partie de l’alliance annoncée par les Etats-Unis pour faire face aux attaques des Houthis, de petits groupes de manifestants se sont regroupés après la prière du vendredi pour dénoncer les frappes américaines et britanniques au Yémen, ont rapporté des témoins.
« Ces frappes étaient défensives et visaient à préserver la liberté de navigation dans l’une des voies maritimes les plus importantes au monde », a indiqué Dylan White, porte-parole de l’Otan. « Les attaques des Houthis doivent prendre fin », a-t-il rappelé.
« Nous les condamnons », a indiqué le porte-parole du Kremlin Dmitri Peskov auprès des journalistes, estimant que ces actes sont « illégitimes » au regard du « droit international ». Peskov a assuré que la Russie avait « appelé à plusieurs reprises les Houthis à abandonner cette pratique, que nous jugeons tout à fait erronée ». Plus tôt, la porte-parole de la diplomatie russe, Maria Zakharova, avait elle aussi condamné ces frappes en dénonçant une mesure menant à « l’escalade » et ayant des « objectifs destructeurs ». « Les frappes des Etats-Unis au Yémen sont un nouvel exemple de la déformation par les Anglo-Saxons des résolutions du Conseil de sécurité de l’ONU et d’un mépris total du droit international au nom d’une escalade dans la région pour atteindre leurs objectifs destructeurs », avait-elle écrit sur Telegram.
La Chine, qui s’est grandement rapprochée du monde arabe, a quant à elle exhorté « les parties concernées à (…) faire preuve de retenue, afin d’éviter une expansion du conflit ».
Le président turc Recep Tayyip Erdogan a qualifié d’usage disproportionné de la force les frappes aériennes américaines et britanniques et a accusé les deux pays de vouloir transformer la mer Rouge en une « mer de sang ». S’adressant aux journalistes à Istanbul après la prière musulmane du vendredi, Erdogan a indiqué qu’Ankara entend par divers canaux que les Houthis soutenus par l’Iran mènent une « défense réussie » contre les États-Unis et la Grande-Bretagne.
Les frappes américano-britanniques auront « des répercussions sur la sécurité régionale », a assuré pour sa part vendredi le mouvement terroriste islamiste palestinien Hamas dans un communiqué publié sur sa chaîne Telegram. « Nous condamnons vigoureusement la flagrante agression américano-britannique sur le Yémen. Nous les tenons pour responsables des répercussions sur la sécurité régionale », a dit le Hamas.
Quant aux pays de l’UE, ils discuteront la semaine prochaine de l’envoi d’une force navale européenne pour aider à protéger les navires en mer Rouge contre les attaques de rebelles Houthis du Yémen, ont indiqué des diplomates vendredi.
Le projet est à l’étude à Bruxelles depuis plusieurs semaines. Il avait été évoqué bien avant que les forces américaines et britanniques ne frappent le Yémen.
L’UE chercherait à compléter la coalition dirigée par les États-Unis, qui comprend de nombreux pays de l’Union et opère déjà sur cette route maritime vitale. La taille et la composition d’une telle mission européenne restent toutefois à préciser.
« En tant qu’UE, nous travaillons intensément sur la manière dont nous pouvons renforcer la situation en mer Rouge et contribuer à une stabilisation. Nous devons en décider ensemble dans le cadre européen. Nous y travaillons d’arrache-pied », a expliqué vendredi la ministre allemande des Affaires étrangères, Annalena Baerbock, depuis Kuala Lumpur.
« Les Houthis sont responsables des conséquences de leurs actions. Ils doivent cesser immédiatement leurs attaques contre des navires civils », a-t-elle déclaré.
Des diplomates européens ont indiqué qu’une première discussion aurait lieu à Bruxelles mardi.
Les Houthis portent par leurs attaques de navires en mer Rouge « la responsabilité extrêmement lourde de l’escalade régionale », a signalé Paris vendredi. La France, qui a déployé une frégate dans la zone, « exige que les Houthis mettent fin immédiatement » à leurs attaques et rappelle que les Etats ont « le droit » d’y réagir, selon un communiqué de son ministère des Affaires étrangères. Paris « continuera à assumer ses responsabilités et à contribuer à la sûreté maritime dans cette zone en lien avec ses partenaires », ajoute le Quai d’Orsay, rappelant que la frégate Languedoc avait détruit des drones dans la zone en décembre.
L’Espagne ne prendra pas part à une éventuelle mission de l’UE en mer Rouge contre les attaques de rebelles Houthis du Yémen, a enfin annoncé vendredi la ministre espagnole de la Défense, alors que l’envoi d’une force navale européenne est à l’étude.
« Nous ne savons pas encore si l’Union européenne va faire une nouvelle mission », mais si c’est le cas, « l’Espagne ne va pas y prendre part en mer Rouge, parce qu’elle participe déjà à 17 missions », a expliqué Margarita Robles lors d’un point presse.
Rassemblements au Yémen
Des dizaines de milliers de Yéménites se sont rassemblés dans plusieurs villes pour entendre leurs dirigeants condamner les frappes américaines et britanniques sur leur pays en réponse aux attaques des Houthis sur les navires de la mer Rouge.
« Vos frappes sur le Yémen relèvent du terrorisme », a affirmé Mohammed Ali al-Houthi, membre du Conseil politique suprême des Houthis, en faisant référence aux États-Unis.
« Les États-Unis sont le diable. »
« Nous n’avons pas attaqué les côtes américaines, nous ne nous sommes pas déplacés dans les îles américaines et nous ne les avons pas attaquées. Vos attaques contre notre pays relèvent du terrorisme », a indiqué al-Houthi.
« Ce sont des terroristes et ils sont capables de mentir aux gens du monde entier, mais la conscience du peuple yéménite est différente. Yéménites, pensez-vous que l’Amérique se défend ou qu’elle est terroriste ? »
À Sanaa, les manifestants ont piétiné des drapeaux israéliens et américains.