Fraude aux options binaires : Washington réclame 75 M $ à un distributeur
Michael Shah, en Floride, aurait dirigé des usagers d'Internet vers des sites d'options binaires et notamment vers LBinary, TraderXP, Trade Rush, Banc de Binary et OptionRally
Simona Weinglass est journaliste d'investigation au Times of Israël
Tandis que les forces chargées de faire appliquer la loi en Israël continuent à détourner le regard du secteur de l’escroquerie en ligne, le gouvernement des Etats-Unis a demandé à un tribunal de Floride d’imposer une amende et des pénalités à hauteur de 75 millions de dollars à un escroc présumé qui se livrait à des activités liées aux options binaires et qui vit sur le territoire américain.
L’homme, Michael Shah, travaillait en tandem avec des centres d’appel en Israël, a accusé la Commodities and Futures Trading Commission (CFTC), et a dirigé des victimes originaires des Etats-Unis et de l’étranger vers de nombreux sites d’options binaires localisés au sein de l’Etat hébreu.
Les pénalités réclamées dans ce dossier sont les plus importantes jamais exigées jusqu’à présent par la CFTC à un fraudeur aux options binaires présumé et l’ampleur des dommages recherchés laisse entendre l’ampleur colossale de l’arnaque globale.
Des milliers de familles ont travaillé dans l’industrie largement frauduleuse des options binaires en Israël au cours de la dernière décennie, dérobant des milliards de dollars à des victimes dans le monde entier.
L’industrie toute entière a été interdite au sein de l’Etat juif au mois d’octobre dernier après que le Times of Israel a révélé l’escroquerie, mais le pays n’a jamais encore poursuivi un escroc aux options binaires et un grand nombre de ceux qui travaillaient dans cette activité continuent à offrir des produits d’investissements douteux depuis Israël et depuis l’étranger.
Dans une motion du référé déposé le jeudi 12 juillet contre l’annonceur en ligne Michael Shah, originaire de Floride, et son entreprise, In Zilmil Inc., l’agence gouvernementale américaine demande à une cour de l’état de lui accorder un jugement préliminaire – ce qui signifie de juger des faits qui ne sont pas contestés et dont l’issue peut être décidée sans nécessité d’un procès fait devant un jury.
La CFTC a demandé au tribunal d’exiger aux accusés de rembourser la somme de 18 671 793,97 dollars de gains mal acquis présumés ainsi qu’une pénalité de 56 015 381, 91 dollars.
Sur des centaines de pages de dépositions et de pièces, qui ont également été transmises le 12 juillet, la CFTC livre un dossier extrêmement détaillé contre Shah mais aussi contre l’industrie israélienne des options binaires dans sa totalité – une industrie dans laquelle Shah aurait joué un rôle modeste mais malgré tout significatif.
La requête décrit Shah et son entreprise, Zimil Inc., comme ayant été « le cerveau d’une escroquerie en ligne extrêmement lucrative impliquant les dénommées options binaires ».
La description faite par la CFTC des activités présumées de Shah offre un aperçu rare dans le monde des plans marketing véreux, où des vendeurs en ligne font la promotion de toutes sortes de produits, des pilules de régime aux arnaques aux investissements, en échange d’importantes commissions via des sites internet qui se distinguent par l’opacité de leurs propriétaires.
Shah et son entreprise « ont amené des gens à confier des fonds à des sites de trading d’options binaires illégales » en « offrant un logiciel miraculeux de système de trading, répondant à des noms divers, comme 2014 Millionaire, Binary Genetic et Millionaire Money Machine ».
Ils ont attiré les futures victimes, a affirmé la CFTC, en envoyant des spams avec de fausses représentations du système incriminé à des millions de personnes, payant des producteurs pour « faire des vidéos soignées – et frauduleuses – de témoignages faisant la promotion des systèmes de trading » et en créant des « dizaines, si ce n’est des centaines, de pages internet vantant – de manière mensongère – les vertus de ces systèmes ».
De plus, établit la motion, Shah s’est appuyé sur d’autres distributeurs internet, connus sous le terme « d’affiliés », pour promouvoir ses systèmes et ses sites de trading. Shah serait rentré en contact avec ces affiliés par le biais d’un site Internet appelé Clicksure.com.

Les distributeurs affiliés assuraient alors la promotion des produits en créant un « entonnoir des ventes ». Tout d’abord, ils tentaient d’amener les potentiels clients, sur la Toile, à cliquer sur un lien ou à regarder une vidéo produite par Shah qui prétendait révéler les secrets de la richesse. Les distributeurs envoyaient pour cela des courriels en masse à travers un SEO (Search Engine Optimization), et via d’autres techniques.
Si un utilisateur regardait la première vidéo – qui était souvent générale et présentait des discours grandioses sur les voies à emprunter pour devenir riche, que les élites mondiales refusent de faire connaître aux personnes ordinaires – il était alors encouragé à en regarder une deuxième qui évoquait très spécifiquement les options binaires.
Le client potentiel était alors invité avec insistance à laisser ses coordonnées de contact ou à télécharger le logiciel de trading et à ouvrir un compte d’options binaires sur le site d’une société israélienne avec un tout premier dépôt de 250 dollars. Aussitôt qu’un client avait effectué ce premier dépôt, le distributeur recevait une commission variant entre 200 et 450 dollars.
Shah et ses distributeurs affiliés aux Etats-Unis travaillaient en tandem avec les employés des centres d’appel en Israël, accuse la CFTC.
« En réalité, les systèmes de trading des accusés étaient des outils de marketing destinés à mettre les gens ‘sur la voie’ menant à l’ouverture d’un compte sur un site d’options binaires », explique la motion.
« Idéalement, la personne effectuait immédiatement un dépôt en utilisant sa carte de crédit par le biais du site de vente d’options binaires. Si la personne ne faisait pas ce dépôt, les accusés assuraient un suivi en envoyant des courriels encourageant à déposer de l’argent via un ‘négociateur’ de manière à pouvoir commencer à utiliser le système de trading. Les opérateurs du site d’options binaires assuraient également un suivi visant à persuader la personne de placer de l’argent depuis les centres d’appels situés en Israël. Les centres d’appels utilisent des tactiques de vente avec beaucoup de pression pour amener les clients potentiels à déposer de l’argent », est-il encore écrit dans la motion.
La requête de la CFTC est accompagnée de plusieurs transcriptions de vidéos que Shah et ses associés auraient créés pour piéger les potentiels clients et les amener à investir des fonds dans l’industrie frauduleuse.
Dans une vidéo de ce type, le narrateur explique : « Sachez comment un secret peu connu découvert grâce à l’expérimentation d’un génie informatique est en train de rendre tranquillement un tout petit cercle de personnes ordinaires plus riches que ne le sont les stars du rock. Regardez avec attention cette vidéo pour voir comment la découverte accidentelle en neuroscience faite par un étudiant de faculté à la pointe de la technologie vous permettra de drainer des montants presque abstraits de cash sur des marchés financiers à 4 trilliards de dollars par jour… »
Dans une autre vidéo concernant un système de trading appelé « Stripped Down Binary », une femme qui affirme être une ancienne strip-teaseuse entonne : « Vous êtes surpris de voir une femme dans l’une de ces vidéos ? Je pense que vous pouvez l’être. Et je suppose que vous serez plus surpris encore d’apprendre que je suis devenue une millionnaire des options binaires du jour au lendemain, et ce qui est le plus fou, c’est qu’il ne m’a fallu qu’un clic… »

« Ces vidéos étaient une escroquerie », établit la motion de la CFTC. « Les personnes apparaissant sur les images étaient des acteurs qui n’avaient jamais marchandé d’options binaires ou utilisé les systèmes [de Shah]… Tout ce qui est dit dans les vidéos provenait d’un script de Shah – un script pour lequel Shah a payé un rédacteur ».
Les sites d’options binaires dont Shah a fait la promotion se trouvaient presque tous en Israël. Parmi eux, LBinary, Global Trader 365, Vault Options, TraderXP, Trade Rush, Banc de Binary, CITrades, OptionRally, RBOptions, Bloombex Options, Redwood Options, BeeOptions, Amber Options, OptionsXO, et SpotFN, dit la CFTC.
Le document de la commission montre les transferts bancaires réalisés sur le compte de Shah par des Israéliens et des entreprises dont les propriétaires étaient Israéliens durant la période allant de juillet 2012 à juillet 2017, avec notamment Affilomania Ltd. (66 051 dollars), Banc de Binary (881 703 dollars), Binary Investments (212 990 dollars), Bloombex Ltd, (6 250 dollars), Dolce Formula Ltd. (64 966 dollars), GreyMountain Management ( 43 975 dollars), MoneyNet (2 373 999,47 dollars), Payoneer Inc. Clicksure (8 283 237,68 dollars), YTF Trade Ltd (1 328 856,38 dollars) et Zulutoys Ltd. (68 850 dollars).
Michael Shah n’est pas la première personne ayant travaillé dans l’industrie des options binaires à être poursuivi par le système américain. En 2011, la firme israélienne d’options binaires Banc de Binary avait accepté de verser 11 millions de dollars en remboursement et amendes à la SEC et à la CFTC.
En juillet 2016, une cour fédérale américaine avait ordonné à deux sites d’options binaires basés au sein de l’Etat juif, Vault Options, Ltd. et Global Trader 365, de payer conjointement et individuellement la somme de
3 millions de dollars en pénalités et 1 587 731 dollars en remboursement aux clients victimes de fraude. Les propriétaires de ces entreprises localisées en Israël ne sont malgré tout jamais passées devant la justice.
Au mois de juillet 2017, la CFTC avait porté plainte au civil contre Jason B. Scharf de Californie (il venait d’Israël) et contre ses associés pour avoir illégalement obtenu 16 millions de dollars à travers, entre autres, le site Citrades.
Au mois de mai 2018, un grand jury américain a inculpé Lee Elbaz pour une fraude aux options binaires présumée à travers les sites BigOption et BinaryBook. Ancienne directrice-général d’une entreprise israélienne d’options binaires, Elbaz avait été arrêtée par le FBI au mois de septembre 2017, alors qu’elle atterrissait à l’aéroport JFK pour rendre visite à des amis aux Etats-Unis.
Au mois de juin 2018, le FBI et l’IRS ont arrêté un Américain, Jared J. Davis, l’accusant d’exploiter depuis le sol américain les sites internet OptionMint, OptionKing et OptionQueen. Même s’il se trouvait aux Etats-Unis, Davis utilisait la plate-forme SpotOption qui était actionnée depuis Israël.
Toutes les entreprises d’options binaires citées ci-dessus ont utilisé les services de marketing de Michael Shah, fait savoir la CFTC dans sa requête du 12 juillet. En fait, la commission a découvert les activités de Shah lorsqu’elle enquêtait sur une firme d’options binaires différente, note-t-elle.
« En 2015, la division chargée de la répression de la CFTC enquêtait sur deux sites d’options binaires, Vault Options Ltd. et Global Trader 365 », précise la motion.
« Au cours de l’enquête, les personnels ont noté des paiements totalisant 367 200 dollars de la part de Targeted Marketing Solutions, un canal de paiement de Vault and Global Trader 365 (« GT 365 »). Le 30 octobre, les personnels ont cité à comparaître Zilmil pour des documents relatifs à ces paiements et au travail réalisé pour Vault ou GT 365. Zilmil, par le biais de son avocat d’alors, John Cotton, a présenté des courriels et des documents de transfert financier entre Zilmil et Vault et GT 365 montrant que Zilmil était distributeur indépendant pour GT 365, et que Zilmil recevait des commissions sur la base des premiers dépôts réalisés par les clients (les ‘FTD’ ou ‘first-time depositors’), ajoute la requête.
L’avocat de Shah, dans une contre-motion pour le jugement préliminaire, a nié toutes les allégations contre son client et affirmé que la CFTC manque de preuves pour relier son client aux options binaires. De plus, il a expliqué que la CFTC n’a aucune compétence sur des activités qui se déroulent hors des Etats-Unis.
Au cours de la dernière décennie, Israël est devenu un pôle mondial des fraudes aux investissements, un secteur qui emploie plus de 10 000 citoyens – un grand nombre d’entre eux de nouveaux immigrants et des personnes parlant des langues étrangères.