Gel des aides aux terroristes : Baisse drastique des salaires de l’AP et soutien
Le ministre des Finances palestinien a déclaré que Ramallah se trouve dans une "solution financière dangereuse" mais une solution partielle pointe à l'horizon

Au début de l’année, Ahmad, membre des forces de sécurité de l’Autorité palestinienne (AP), devait déjà se battre pour joindre les deux bouts. Marié et père de deux enfants, il affirme qu’il touchait, à ce moment-là, un maigre salaire de 2 500 shekels.
Et c’était encore avant que l’AP n’entre dans une nouvelle crise financière entraînée par la décision israélienne de geler de l’argent issu des taxes collectées pour les Palestiniens à cause des aides versées par l’AP aux prisonniers sécuritaires et aux familles des terroristes tués lors d’attentats.
Après cela, Ahmad a vu son revenu mensuel, déjà insuffisant, encore réduit de 500 shekels, avec des répercussions supplémentaires sur le quotidien familial.
« Mon fils a une maladie de peau et je dois acheter pour lui des médicaments qui me coûtent 800 shekels par mois », explique Ahmad, un habitant de Naplouse de 31 ans qui refuse de donner son nom de famille.
« Il faut que je paie ça, il faut que je paie de quoi manger, le loyer du logement, de nombreuses factures. Et je n’ai tout simplement pas assez d’argent pour couvrir mes dépenses aujourd’hui », ajoute-t-il.
Comme Ahmad, des dizaines de milliers d’employés de l’AP, en Cisjordanie, ont vu leurs rémunérations drastiquement réduites depuis mars.
Israël a commencé à mettre en vigueur une nouvelle loi, au mois de février, qui autorise le gouvernement à déduire la somme de 11,5 millions de dollars en impôts collectés chaque mois au nom de l’AP.
Les responsables israéliens ont dit que la somme retenue est équivalente à celle qui est versée par l’AP aux prisonniers incarcérés pour des raisons de sécurité en Israël, notamment aux terroristes, ainsi qu’aux familles de terroristes tués.

L’Etat juif, pour sa part, maintient que la politique palestinienne consistant à donner de l’argent aux prisonniers sécuritaires et aux familles des terroristes tués constitue une incitation aux attaques violentes contre les Israéliens.
Les autorités palestiniennes de Ramallah affirment, pour leur part, chercher à fournir des aides sociales aux familles palestiniennes et compenser ce qu’ils qualifient de système judiciaire inéquitable.
Le président de l’AP, Mahmoud Abbas, a protesté contre la loi israélienne, faisant savoir qu’il refuserait dorénavant la la somme collectée pour les impôts chaque mois dans sa totalité – elle s’élève à 170-200 millions de dollars – et constitue la moitié du budget palestinien.
« Nous ne recevrons pas de fonds partiels », a dit Abbas lors d’une réunion de cabinet du mois d’avril.
Ce conflit, qui s’associe à une perte de plus de 50 % des aides internationales au cours des six dernières années, a plongé les Palestiniens dans la précarité – ce que le ministre des Finances de l’AP, Shukri Bishara, a récemment qualifié de « position financière dangereuse ».
Les Palestiniens ont coupé tous les salaires de l’AP au-dessus de 2 000 shekels et réduit les dépenses opérationnelles. Ils ont également cessé d’octroyer des augmentations et emprunté des dizaines de millions de dollars dans les banques locales.
Jafar Sadaka, journaliste pour Wafa, le principal média d’information officiel de l’AP, explique que son salaire a été divisé par deux. Il est passé de 4 000 à 2 000 shekels.
« Dorénavant, je ne paie que ce qui est absolument nécessaire pour ma famille. Je veux parler de la nourriture, de l’eau et de l’électricité – l’essentiel », dit Sadaka, un résident de 51 ans d’Anza, un village au sud de Jénine. Il ajoute avoir dû se battre pour trouver l’argent nécessaire pour payer les frais trimestriels des études de sa fille, qui est à l’université, et ses mensualités de prêt.
« Je n’ai même pas pu acheter des cadeaux ou de nouveaux vêtements pour mes enfants au cours de l’année passée durant le Ramadan », déplore-t-il, évoquant une coutume palestinienne propre à la fête de l’Aïd al-Fitr, qui célèbre la fin du mois du Ramadan.

Sadaka, père de six enfants, explique travailler en extra dans la soirée pour avoir plus de liquidités.
« Cet argent supplémentaire a une utilité mais c’est très difficile de répondre aux besoins de ma famille », dit-il.
Les hommes d’affaires palestiniens estiment que le refus de l’AP d’accepter les fonds fiscaux pèse significativement sur une économie déjà en danger en Cisjordanie et où le taux de chômage s’est stabilisé à 18 %.
« Les employés de l’AP dépensent habituellement leurs salaires sur nos marchés et ils dynamisent ainsi notre économie », dit Jamal Jawabra, secrétaire-général de la Fédération des chambres de commerce palestinienne. « Mais lorsqu’ils ne font pas d’achats, les propriétaires de magasin s’approvisionnent moins auprès des usines qui, à leur tour, commencent à moins produire : Et tous cela ralentit l’économie dans sa totalité ».
Pour Hisham Massad, un comptable de Jénine, un grand nombre des 600 entreprises dont son cabinet s’occupe sont tombées dans la dette.
« Un nombre important des firmes avec lesquelles je travaille sont sur le point de s’effondrer », explique-t-il. « Elles accumulent des dettes qu’elles ne pourront pas rembourser. Et dans de nombreux cas, elles subissent une chute dans leurs ventes de 30 à 40 %. »
Massad ajoute qu’il a recommandé à ses clients qu’ils réduisent les coûts dans la mesure du possible pour éviter un plus important endettement.

Mohammed Odeh, un responsable de l’AP qui travaille au bureau d’Abbas, explique avoir récemment dit à son fils qu’il ne pouvait plus l’emmener au cinéma.
« Je me suis senti très mal mais je n’ai vraiment pas d’argent à dépenser dans des choses comme ça », explique Odeh, 62 ans et père de quatre enfants.
Odeh raconte que son salaire au sein de l’AP est passé de 6 000 shekels à
3 000 shekels.
Malgré les difficultés financières continues, les trois employés de l’Autorité palestinienne qui se sont entretenus avec le Times of Israel ont déclaré soutenir la décision prise par Ramallah de rejeter le transfert de fonds fiscaux dans leur version réduite.
« C’est une question très sensible qui affecte un très grand nombre de foyers palestiniens », explique Sadaka.
« Presque tous les Palestiniens ont un membre de leur famille qui a été emprisonné ou qui est tombé en martyr. L’AP ne peut pas accepter des fonds partiels parce que cela légitimerait le narratif israélien qui se réfère aux détenus et aux martyrs comme à des terroristes », dit-il.
Odeh estime que Ramallah ne peut se permettre d’accepter les fonds dans la mesure où une telle démarche établirait un précédent qui pourrait déboucher sur d’autres déductions à l’avenir.
« Il se trouvera que dans le futur, Israël ne sera pas d’accord sur une autre question et fera exactement la même chose », dit-il. « Et notre argent sera retenu encore une fois sans notre permission. Nous ne pouvons pas permettre que ça puisse arriver ».
Pour sa part, Abbas s’est tourné vers les Etats arabes pour offrir un filet de sécurité à l’AP susceptible de l’aider à affronter ses déboires financiers.

Même si la plus grande partie du monde arabe n’a pas répondu aux supplications d’Abbas en transférant des fonds à l’AP, le Qatar a pour sa part annoncé qu’il placera 300 millions de dollars dans les coffres de Ramallah.
Selon les responsables palestiniens, Doha va allouer la somme de 50 millions de dollars en subventions et de 250 millions de dollars en prêt au cours des 12 prochains mois, offrant un peu de marge de manœuvre à l’AP.
Plusieurs ministères palestiniens ont refusé de répondre à nos questions.
Pour leur part, des responsables israéliens et palestiniens se sont rencontrés à quelques occasions au cours de ces derniers mois pour discuter du conflit sur les fonds issus des impôts.
Hussein al-Sheikh, un proche d’Abbas, déclare que ces entretiens n’ont pas permis de trouver une solution.
« J’ai rencontré hier le ministre israélien des Finances [Moshe] Kahlon et nous avons parlé des moyens à mettre en place pour résoudre la question de la retenue de l’argent par Israël et qui revient aux Palestiniens par Israël mais aucun progrès n’a été fait », a écrit Sheikh sur Twitter, le 26 juin.
Un porte-parole de Kahlon a confirmé que ce dernier avait rencontré Sheikh pour évoquer des « problématiques économiques et civiles », mais il a refusé de répondre à d’autres questions.
Une solution partielle – en plus des fonds versés par le Qatar – pourrait néanmoins poindre à l’horizon.
Le radiodiffuseur Kan a cité, le 2 juillet, une source palestinienne non-identifiée disant que l’Etat juif et l’AP avaient trouvé un accord de principe pour exempter le paiement par les Palestiniens des taxes sur le carburant.

L’AP verse habituellement environ 56 millions de dollars en droits de douane à Israël chaque mois pour le carburant qui est importé en Cisjordanie et dans la bande de Gaza. Une somme qui, avant la crise actuelle, était récupérée lors du transfert par l’Etat juif des 170 millions à 200 millions de taxes collectées pour Ramallah.
Le ministre des Affaires sociales Ahmad Majdalani a déclaré au Times of Israel que le sujet avait été débattu mais que l’Autorité palestinienne et Israël n’avaient pas encore trouvé un accord.
Si les deux parties devaient s’entendre sur cette proposition, elle fournirait à peu près l’équivalent d’un tiers des taxes collectées par l’Etat juif pour les Palestiniens tous les mois – et un peu de répit.
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