George H. W. Bush, Israël et les milliers de juifs qu’il a sauvés
Le 41e président américain avait une relation souvent conflictuelle avec la communauté et Israël, mais son héritage est perçu avec beaucoup plus de bienveillance
WASHINGTON (JTA) – George H. W. Bush, le président à mandat unique dont le débat public avec les dirigeants juifs a fait la Une des journaux et dont les interventions privées ont aidé à mettre des dizaines de milliers de Juifs hors de danger, est mort.
Bush, 94 ans, est mort vendredi chez lui à Houston, selon sa famille, moins d’un an après le décès de sa bien-aimée Barbara.
L’échec de la tentative de réélection de Bush en 1992 a marqué un creux dans les relations entre les républicains et la communauté juive. Bush n’a obtenu que 11 % des suffrages des Juifs dans cette compétition, soit un tiers de ce qu’il avait obtenu quatre ans auparavant, lors de sa victoire contre Michael Dukakis en 1988.
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La présidence Bush a été marquée par des tensions tant avec le Premier ministre israélien Yitzhak Shamir qu’avec les dirigeants juifs américains.
En 1991, Bush s’en est pris aux militants pro-israéliens qui avaient envahi le Congrès en réaction à la réticence du président à approuver les garanties de prêts demandées par Israël pour aider à accueillir des centaines de milliers de Juifs de l’Union soviétique qui venait de s’écrouler.
Bush se disait « un homme seul », combattant « un millier de lobbyistes sur la Colline » [le Capitole]. Les dirigeants juifs ont vu l’insinuation selon laquelle la communauté pro-israélienne possédait un pouvoir de nuisance pour déstabiliser le dirigeant du monde libre en le qualifiant d’antisémite borderline. Le propos « un homme seul » a hanté Bush par la suite, et même les Juifs républicains ont eu tendance à utiliser la première présidence de Bush pour montrer jusqu’où ils avaient pu aller pour attirer le soutien des Juifs.
Pourtant, cela ne constituait pas toute l’histoire. On se souvient moins bien de la façon dont, en tant que vice-président de Ronald Reagan, Bush a tranquillement aidé à organiser certains des moments cruciaux dans l’effort pour faire sortir les Juifs de l’ex-Union soviétique, d’Éthiopie et de Syrie.
« Si vous additionnez le nombre de Juifs qu’il a sauvés, il est un grand tzaddik », a déclaré Abraham Foxman, ancien directeur national de l’Anti-Defamation League, en 2013, en utilisant le mot hébreu pou « homme juste ».
M. Bush était profondément impliqué dans la politique étrangère en tant que vice-président, et les dirigeants juifs ont déclaré qu’il avait aidé à orchestrer le spectaculaire seder organisé par le secrétaire d’État George Schultz à l’ambassade des États-Unis à Moscou en 1987.
Il a également ignoré les conseils d’une grande partie de son équipe de sécurité nationale en 1991 – la période même où il était aux prises avec ses arguments les plus difficiles avec les dirigeants juifs – et a approuvé les ouvertures américaines au régime de Mengistu en Éthiopie qui ont abouti à l’opération Salomon, qui a amené 15 000 Juifs en Israël. Entre autres choses, Bush a obtenu un « parachute doré » pour Mengistu Haile Mariam, le dictateur qui préparait déjà sa fuite vers le luxueux exil au Zimbabwe.
Bush a également contribué à persuader Hafez Assad, le dictateur syrien, d’autoriser des jeunes femmes juives à quitter la Syrie pour New York afin qu’elles puissent se marier à des hommes de la communauté juive syrienne.
Bien que certaines de ces actions furent secrètes à l’époque, M. Bush n’a pas voulu en revendiquer la responsabilité, même au cours des années qui ont suivi.
« C’était un homme de la vieille école », a dit Marshall Breger, qui était l’agent de liaison avec la communauté juive sous Reagan et Bush.
« Avec lui, vous aviez le sentiment qu’il était discret sur ses émotions et sensible à l’idée qu’il pouvait être considéré comme vaniteux et mielleux envers les autres avec des déclarations exagérées. »
Breger se souvient d’avoir voyagé sur la banquette arrière d’une voiture avec Bush pour inaugurer les nouveaux locaux du National Museum of American Jewish Military History, en 1984. Une partie de la dédicace comprenait l’apposition d’une mezuzah, et Breger a tenté de donner une kippa à Bush. Bush n’a pas voulu la mettre.
Breger a fait remarquer qu’il s’était procuré une kippa de camouflage pour l’occasion, mais que cela a semblé encore aggraver les choses.
« Je lui ai dit : ‘Vous devrez porter ce genre de chose’. Et il a répondu : ‘On va croire que je me prostitue’. C’était tout à fait contraire à son code de séduction », a déclaré M. Breger, aujourd’hui professeur de droit à l’Université catholique de Washington.
« Je lui ai dit : ‘Tout d’abord, ils penseront que vous avez un comportement approprié et, deuxièmement, ils adoreraient que vous les séduisiez' », se rappelle Breger.
Bush a revêtu à contrecœur la kippa, mais Breger a remarqué qu’il l’avait enlevée avant la fin de la cérémonie.
La pudeur intense de Bush a été perçue comme de la froideur et a permis à ses rivaux de le dépeindre comme patricien et distant. Deux moments de l’élection de 1992 ont contribué à éloigner le public du président, dont la gestion magistrale de la première guerre du Golfe persique a contribué à enterrer l’ambivalence de l’après-guerre du Vietnam à l’égard des militaires.
Sa surprise apparente face à la technologie des scanners de supermarché suggérait qu’il n’était pas familier avec les tâches quotidiennes de l’Américain moyen. Bien que l’histoire ait été démystifiée – Bush connaissait bien l’appareil, mais a été étonné par un scanner de nouvelle génération exposé lors d’une convention des épiceries en Floride – l’image est restée.
Lors d’une assemblée publique à Exeter, New Hampshire, pendant les primaires, en regardant ses notes, Bush a lu à haute voix, « Message : Cela me tient à cœur », ne réalisant pas que c’était le conseil d’un de ses assistants. La phrase est devenue l’emblème de son incapacité maladroite à communiquer.
Pourtant, la fonction publique était un attrait naturel pour George Herbert Walker Bush, dont le père, Prescott Bush, était un sénateur américain du Connecticut. Plus tard, il se rappellera à quel point il lui semblait naturel de s’enrôler dans la Marine après avoir obtenu son diplôme de l’Académie d’élite d’Andover en 1942. Il est devenu pilote de bombardier et a reçu la Distinguished Flying Cross de l’armée de l’air après que les Japonais eurent abattu son appareil en 1944.
Un an plus tard, il épouse Barbara Pierce et, comme ses aïeux, fréquente l’Université Yale. Cherchant à se débrouiller seul dans la vie, il a décliné l’offre d’emploi de son père dans une banque d’investissement et s’est rendu au Texas, où il s’est lancé dans le commerce du pétrole. Il a commencé par vendre des fournitures et, en quelques années, il est devenu un homme du pétrole.
Mais Bush n’a pas pu résister à l’appel du service public, et à la fin des années 1950, il était actif au sein du Parti républicain d’État. En 1966, il a été élu au Congrès, ce qui représentait une réussite à l’époque pour un républicain du Texas.
À Washington, il a rapidement noué des liens d’amitié avec des organisations juives nationales. Nommé ambassadeur aux Nations Unies par Richard Nixon en 1972, il a fait la Une des journaux lorsqu’il a annulé une apparition au Dick Cavett Show après que les dirigeants juifs lui ont demandé de ne pas donner de légitimité à un autre invité de Cavett le soir même. L’invité était Meir Kahane, de la Ligue de défense juive, dont les propos radicaux et parfois violents avaient ébranlé les institutions juives.
Bush écrivit à Cavett à l’époque qu’il avait vérifié auprès de « certains dirigeants responsables et très respectés d’organisations juives nationales » qui le convainquirent que « tout geste de ma part qui donnerait la moindre apparence de reconnaissance ou de crédibilité à Kahane nuirait aux sérieux efforts productifs et juridiques qu’eux-mêmes et des milliers de leurs compatriotes juifs ont entrepris pour alléger la souffrance de leurs frères ».
Aux Nations unies, Bush a fait du judaïsme soviétique l’un de ses sujets de prédilection, et la communauté juive lui a organisé un dîner d’hommage en 1973 après la fin de son mandat.
Son intérêt pour Israël et ses relations avec les États-Unis s’est manifesté à nouveau en 1976, alors qu’il était directeur de la CIA. Bush était furieux que les responsables de la CIA aient estimé dans un forum semi-public qu’Israël disposait de 10 à 20 bombes nucléaires prêtes à être utilisées. Depuis les années 1960, le protocole conjoint américano-israélien ne vise ni à confirmer ni à nier la possession présumée d’armes nucléaires par Israël.
Dans une déclaration faite cette année-là à JTA, Bush n’a pas abordé la révélation présumée, mais a ajouté : « Dans la mesure où des informations confidentielles auraient pu être mentionnées, j’accepte l’entière responsabilité. Je suis déterminé à ce que cela ne se reproduise plus. »
Bush a dirigé une primaire controversée contre Reagan en 1980, puis a accepté son offre comme colistier. Il a assumé des rôles critiques en politique étrangère sous Reagan, mais les deux hommes ne se sont jamais rapprochés. Reagan n’a pas été surpris par Bush en 1988.
Néanmoins, le président sortant a rendu service à son successeur au début de 1989, en donnant le feu vert aux relations de bas niveau entre les États-Unis et l’Organisation de libération de la Palestine (OLP. Bush aurait été confronté à une tempête politique s’il avait initié de tels liens, mais il en avait besoin pour ouvrir la voie à l’une de ses grandes ambitions : Conduire les frères ennemis du Moyen Orient dans un nouvel ordre mondial de paix, mené par ce qui était en passe de devenir la seule superpuissance de la planète.
Le patricien lèse-majesté de Bush a irrité les responsables israéliens, en particulier le Premier ministre Yitzhak Shamir, dont la jeunesse brutale en tant qu’enfant de parents assassinés par leurs voisins polonais, puis en tant que militant pré-État, n’aurait pu être plus en contraste avec l’éducation de Bush.
Dans A World Transformed, le récit de sa présidence que Bush a co-écrit avec son conseiller à la sécurité nationale, Brent Scowcroft, Bush félicite Shamir d’avoir pris la décision impopulaire de ne pas frapper l’Irak pendant la guerre du Golfe en 1991, malgré la pluie de missiles tirés sur les villes israéliennes.
Quelques pages plus tard, Bush se demande pourquoi Shamir n’était pas enthousiaste à l’idée de participer à la conférence de paix de Madrid que les États-Unis avaient convoquée après la guerre. Bush écrit qu’il s’attendait à un certain degré de gratitude de la part d’Israël pour l’avoir protégé pendant la guerre du Golfe – apparemment sans se rendre compte que c’est précisément cette protection non désirée qui a suscité le ressentiment des Israéliens farouchement engagés à se protéger.
Les affrontements diplomatiques n’ont pas diminué. En juin 1990, le conseiller le plus digne de confiance de Bush, James Baker, comparaissant devant la commission des Affaires étrangères de la Chambre des représentants des États-Unis, a demandé un peu de « bonne foi » à Shamir. « Quand vous serez sérieux au sujet de la paix, faites-nous signe », dit Baker, s’adressant à un Shamir virtuel, et donnant le numéro du standard de la Maison Blanche.
En mars 1992, Ed Koch, l’ancien maire de New York, écrivait que Baker n’avait pas tenu compte de la colère des Juifs en disant : « Au diable les Juifs, ils ne votent pas pour nous ». Baker l’a catégoriquement démenti.
Fred Zeidman, un homme d’affaires de la région de Houston et collecteur de fonds du parti républicain qui est ami avec la famille Bush et avec Baker, a déclaré que cette remarque a longtemps été mal comprise. M. Baker dirigeait sa colère contre un autre membre du Cabinet, a dit
M. Zeidman, et il a voulu que ce soit une plaisanterie.
A la mi-1992, alors que sa campagne présidentielle était en cours, Bush semblait irrémédiablement blessé aux yeux de la communauté juive. La solide performance de la primaire de Pat Buchananan, un guerrier culturel connu pour ses méandres occasionnels dans sa séduction de l’électorat juif, n’a pas aidé. Le discours-programme apocalyptique de Buchananan n’a pas non plus été prononcé à la convention cet été-là.
Les dirigeants juifs ont dit que dans leurs rencontres avec Bush depuis sa présidence, ils se sont efforcés de lui faire comprendre à quel point il est cher à la communauté. Malcolm Hoenlein, ancien vice-président exécutif et président de la Conférence des présidents des principales organisations juives américaines, se souvient d’une rencontre avec Bush peu de temps après sa remarque « un homme seul ».
M. Bush avait les larmes aux yeux, a dit M. Hoenlein, et il a insisté sur le fait qu’il n’avait jamais eu l’intention d’attaquer. « J’ai mené toute ma vie différemment », a dit M. Bush à la délégation.
Bush interagissait rarement avec les dirigeants juifs après sa présidence, et il n’a jamais su l’adulation que son fils mériterait dans certains quartiers juifs pour son dévouement envers Israël.
Le jeune Bush semblait, d’une certaine façon, contredire directement les politiques de son père. L’un des premiers actes de l’ancien Bush fut de mettre en branle le processus qui allait finalement accueillir le leader de l’OLP, Yasser Arafat, dans la sphère américaine. Dès le début de sa présidence, le jeune Bush a décidé d’isoler Arafat, qu’il a qualifié de terroriste impénitent.
Foxman a dit que l’histoire juive jugerait Bush avec bienveillance.
« Je crois qu’il restera dans l’histoire juive comme le président qui s’est engagé dans un grand nombre d’initiatives pour sauver davantage de Juifs dans les pays où ils étaient persécutés », a-t-il déclaré.
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