Hayut: Sur quelle base interdirions-nous à un député de former le gouvernement ?
"N'intervenez pas", disent les représentants de la Knesset et de Mandelblit aux juges ; le tribunal évaluera également la légalité de l'accord de coalition Likud-Kakhol lavan
La Cour suprême israélienne a passé en revue dimanche les arguments pour et contre l’autorisation du retour de Benjamin Netanyahu au poste de Premier ministre, malgré sa mise en accusation dans trois affaires de corruption.
Les audiences du matin, effectuées par un panel élargi de 11 juges, ont été dominées par les représentants du Likud, de Kakhol lavan et des branches concernées du gouvernement, qui ont tous demandé à la cour de ne pas intervenir dans la nomination de Netanyahu. Les audiences de la Haute Cour ont été retransmises en direct.
Netanyahu, au pouvoir depuis 2009, et l’ancien chef militaire Benny Gantz se sont affrontés lors de trois élections peu concluantes en moins d’un an. Aucun des deux hommes n’étant en mesure de former une coalition gouvernementale viable au sein du Parlement israélien, profondément divisé et comptant 120 sièges, ils ont convenu d’un accord de partage du pouvoir le mois dernier, affirmant qu’ils visaient à éviter un quatrième vote rejeté par l’ensemble du spectre politique.
Mais l’accord fait l’objet de huit recours contestant sa validité devant la Cour suprême de justice. Cinq de ces huit recours, présentés par des groupes de surveillance de la corruption et d’autres, font valoir que des membres de la Knesset inculpés de corruption, comme Netanyahu, ne peuvent être nommés Premier ministre.
Les discussions du matin à la Haute Cour ont donné la parole aux intervenants qui soutiennent Netanyahu, bien que pour des raisons diverses et parfois contradictoires.
« Cette décision est tellement politique et complexe, touchant aux relations entre la Knesset et le gouvernement », a déclaré l’avocate Avital Sompolinsky, représentant le département juridique de la Knesset, que le tribunal devrait « adopter le point de vue selon lequel il ne peut entrer dans cette arène sensible et profondément politisée que dans les cas les plus extrêmes ».
Anar Herman, représentant le procureur général Avichai Mandelblit, a déclaré que « dans la situation actuelle, Netanyahu n’est pas disqualifié pour le poste de Premier ministre », même s’il a souligné la gravité des accusations portées contre le Premier ministre.
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Et un avocat du Likud a insisté sur le fait que « l’ensemble du processus » de sélection d’un Premier ministre, depuis le choix des électeurs le jour du scrutin jusqu’aux recommandations des députés et à la nomination présidentielle, « est un processus constitutionnel et non administratif ». Il est inapproprié pour le tribunal d’intervenir dans le jugement constitutionnel du peuple et des membres de la Knesset ».
Le tribunal s’est interrompu pour une pause à midi, puis est revenu à 13 heures pour commencer à entendre les arguments des requérants contre le retour de Netanyahu au poste de Premier ministre.
La juge en chef Esther Hayut a insisté auprès des requérants pour qu’ils fournissent une base à leur demande d’empêcher un législateur qui a été recommandé par la majorité de ses pairs de la Knesset de former le gouvernement.
« Montrez-nous quelque chose ! Une loi ! Un verdict ! De l’histoire de ce pays ! De […] ailleurs dans le monde ! Quelque chose ! Après tout, [vous nous demandez de créer] un précédent mondial ! Vous voulez que nous statuions sans fondement simplement en fonction de votre opinion personnelle ? » a insisté Hayut auprès des requérants anti-Netanyahu, tandis que le juge en chef adjoint Hanan Melcer, assis à côté d’elle, acquiesçait de la tête.
Suzie Navot, une éminente spécialiste du droit constitutionnel, a déclaré vers la fin de la journée de discussion que les juges semblaient penser qu’ils ne bloqueraient pas Netanyahu, et semblaient transmettre un message du genre « Qu’attendez-vous de nous ? Voulez-vous que nous légiférions pour vous ?… Ce n’est pas notre travail. C’est le travail de la Knesset. »
Navot, s’adressant à la Douzième chaîne de télévision vers la fin des audiences de la journée, a déclaré qu’elle était encline à penser, étant donné « l’esprit » des séances et les divers commentaires des juges, que la cour n’interviendrait pas sur la question de savoir si Netanyahu est autorisé à mettre en place et à diriger un nouveau gouvernement.
Lundi, la Cour a entendu les autres recours concernant les aspects controversés de l’accord de coalition de trois ans négocié par Netanyahu et Gantz.
La Cour suprême de justice a terminé son audience vers 17h.
La Cour se réunira à nouveau demain pour entendre les autres recours concernant les aspects controversés de l’accord de coalition de trois ans négocié par Netanyahu et le président de Kakhol lavan, Benny Gantz.
Dans le cadre de cet accord, les six premiers mois du gouvernement seront principalement consacrés à la lutte contre le nouveau coronavirus qui a infecté plus de 16 000 Israéliens et ravagé l’économie.
L’accord prévoit de profonds changements dans l’ordre constitutionnel d’Israël, dont certains sont contraires aux lois, traditions et précédents établis.
Entre mardi et jeudi, l’attention se portera sur la Knesset, où trois lois seront modifiées par l’accord de coalition, dont deux sont des lois fondamentales constitutionnelles.
Elles doivent devenir loi d’ici jeudi, car c’est la date limite pour que la Knesset nomme un Premier ministre dans ses rangs ou convoque de nouvelles élections. Il est peu probable que la Knesset approuve le nouveau gouvernement si la législation assurant l’accord de rotation entre Netanyahu et Gantz n’est pas entrée en vigueur.
Le procès de Netanyahu doit commencer le 24 mai.
La loi israélienne interdit à une personne inculpée d’occuper un poste de ministre ordinaire, mais n’oblige pas un Premier ministre inculpé au pénal à quitter ses fonctions.
La complication concernant Netanyahu est qu’il n’est pas actuellement un Premier ministre ordinaire. Il a été le chef intérimaire d’un gouvernement de transition pendant plus de 18 mois d’impasse politique.
Selon certaines interprétations de la loi israélienne, cela fait de Netanyahu un simple candidat pour le poste de Premier ministre.
Les opposants à l’accord font valoir que sa candidature devrait donc être rejetée par les autorités.
Dans un avis remis à la Cour suprême cette semaine, le procureur général Mandelblit, qui a inculpé Netanyahu, a fait valoir qu’il n’y a pas de base juridique pour lui interdire de diriger un gouvernement.
Interviewé samedi par la radio publique, le ministre de l’Energie et allié de Netanyahu, Yuval Steinitz, a déclaré que si le tribunal jugeait que Netanyahu ne peut exercer ses fonctions, cela équivaudrait à « une attaque sans précédent contre la démocratie israélienne ».
L’accord de coalition Gantz-Netanyahu est « une nécessité, le résultat de trois campagnes électorales et le désir des Israéliens d’éviter une quatrième élection », a-t-il déclaré.
Selon l’avis du procureur général, si « certaines dispositions de l’accord de coalition soulèvent de grandes difficultés… à l’heure actuelle, il n’y a pas de motif de disqualification ».
Il a conseillé que les dispositions problématiques soient examinées « au stade de la mise en œuvre ».
Si le panel élargi de 11 juges chargé d’entendre l’affaire juge l’accord de coalition invalide, Israël pourrait être contraint de tenir sa quatrième élection en moins de deux ans.