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Analyse

Hezbollah, l’encombrant nouveau voisin d’Israël dans le Golan

La Syrie a longtemps dominé le Liban. Désormais, c’est au tour du Hezbollah de mener la danse à Damas. Un très mauvais présage pour le voisin israélien

Avi Issacharoff est notre spécialiste du Moyen Orient. Il remplit le même rôle pour Walla, premier portail d'infos en Israël. Il est régulièrement invité à la radio et à la télévision. Jusqu'en 2012, Avi était journaliste et commentateur des affaires arabes pour Haaretz. Il enseigne l'histoire palestinienne moderne à l'université de Tel Aviv et est le coauteur de la série Fauda. Né à Jérusalem , Avi est diplômé de l'université Ben Gourion et de l'université de Tel Aviv en étude du Moyen Orient. Parlant couramment l'arabe, il était le correspondant de la radio publique et a couvert le conflit israélo-palestinien, la guerre en Irak et l'actualité des pays arabes entre 2003 et 2006. Il a réalisé et monté des courts-métrages documentaires sur le Moyen Orient. En 2002, il remporte le prix du "meilleur journaliste" de la radio israélienne pour sa couverture de la deuxième Intifada. En 2004, il coécrit avec Amos Harel "La septième guerre. Comment nous avons gagné et perdu la guerre avec les Palestiniens". En 2005, le livre remporte un prix de l'Institut d'études stratégiques pour la meilleure recherche sur les questions de sécurité en Israël. En 2008, Issacharoff et Harel ont publié leur deuxième livre, "34 Jours - L'histoire de la Deuxième Guerre du Liban", qui a remporté le même prix

Une rue de Syrie ravagée par la guerre, en 2014. (Crédit : AFP)
Une rue de Syrie ravagée par la guerre, en 2014. (Crédit : AFP)

Les récents développements qui ont agité les hauteurs du Golan constituent un chapitre important dans les livres d’histoire sur le nouveau visage du Moyen Orient.

La remise en cause du calme relatif observé entre Israël et la Syrie ces quarante dernières années, n’est pas le seul élément en question.

C’est surtout l’évolution du tissu complexe des relations entre le Hezbollah et Damas, qui est notable.

Si Hafez al-Assad, le père de l’actuel président syrien, était vivant et observait le rôle prépondérant attribué au Hezbollah, par son rejeton, dans la défense du régime alaouite, il serait tombé raide mort.

Le Hezbollah a été fondé en 1982 par des membres des Gardiens de la Révolution et des religieux chiites libanais qui, pour la plupart, ont reçu leur éducation religieuse à Qom, en Iran.

Depuis la naissance du mouvement, le Hezbollah et Damas n’avaient jamais fait montre d’une quelconque affection mutuelle. Bien au contraire. Hafez al-Assad a soutenu Amal, une organisation chiite rivale.

A partir de 1987, Damas a également envoyé ses chars combattre directement le Hezbollah. Deux années durant, l’armée syrienne a mené bataille contre le Hezbollah dans l’objectif d’affaiblir l’organisation.

Dans les années qui suivirent, Assad père a permis au Hezbollah d’empoisonner la vie des Israéliens au Sud-Liban, tout en veillant à empêcher les transferts d’armes sensibles au mouvement chiite.

En 2000, Hafez décède, et son fils Bashar fait volte-face à l’égard de l’organisation terroriste. Le jeune président syrien arme le Hezbollah à grand renfort de roquettes, de missiles et d’armes.

Objectif : renforcer la dissuasion syrienne face à Israël

A cette époque, Bashar présumait que la Syrie n’était pas en mesure de récupérer le plateau du Golan, annexé par l’Etat hébreu.

Par contre, le Hezbollah pourrait certainement faire payer à Israël le prix de son infamie.

Ainsi, la Syrie de Bashar a affiché son soutien militaire au Hezbollah pendant des années, tout en prenant soin de ne pas leur fournir d’armes sensibles qui pourraient égratigner la patience d’Israël.

Résultat : une grande quantité de missiles fabriqués pour le compte du Hezbollah ont été conservés sur le sol syrien, prêts à être dégainés le jour J, à savoir l’escalade contre Israël.

Or la guerre civile en Syrie a modifié les règles du jeu. Damas devient désormais un fardeau pour le Hezbollah.

Quand le régime syrien commence à montrer ses premiers signes de vacillement, Bashar se tourne vers le chef de l’organisation Hassan Nasrallah, pour réclamer son assistance.

Le secrétaire général du Hezbollah, Hassan Nasrallah, lors de son discours rendant hommage aux martyrs du Hezbollah, 16 février 2014 (Crédit : capture d'écran youtube/MTVLebanonNews)
Le secrétaire général du Hezbollah, Hassan Nasrallah, lors de son discours rendant hommage aux martyrs du Hezbollah, 16 février 2014 (Crédit : capture d’écran youtube/MTVLebanonNews)

Dans un premier temps, Nasrallah impose une fin de non-recevoir à la demande syrienne. Mais c’était sans compter sur l’intervention directe du guide suprême iranien, l’ayatollah Ali Khamenei.

Le numéro un du Hezbollah se vit signifier qu’il n’avait guère d’autre choix que d’obtempérer. Le mouvement chiite lance alors l’opération la plus complexe de son histoire. Sa mission : sauver le soldat Bashar.

Résultat : cette action militaire sur le territoire d’un État étranger, contre des musulmans sunnites, a fait perdre au Hezbollah le soutien et la popularité dont il jouissait à travers le Moyen Orient.

Et pourtant, le groupe chiite libanais n’a pas baissé garde. Il a envoyé des milliers de ses propres combattants se battre dans une guerre qui n’était pas la sienne, a subi la perte de centaines d’entre eux, et les blessures de milliers d’autres. Ils sont également devenus la cible privilégiée d’Al-Qaïda dans la région.

Un seul bénéfice peut être tiré de tout ce carnage par le Hezbollah : la dépendance totale du régime d’Assad vis-à-vis de l’organisation pour assurer sa survie.

L’armée syrienne n’est pas en mesure de faire pencher toute seule la balance de son côté dans le conflit qui l’oppose aux rebelles. Assad a donc impérativement besoin de l’implication totale du Hezbollah.

Et effectivement, depuis que Nasrallah a porté assistance militairement au régime, les victoires ont commencé à arriver.

Cela a débuté avec la bataille de Qusair et cela s’est poursuivi cette semaine avec Yabroud et le village de Ras al-Ayn à proximité.

Le Hezbollah a essentiellement éclairci le corridor au bénéfice d’Assad le long de la frontière libanaise et a porté un coup fatal aux lignes d’approvisionnement des groupes djihadistes opérant des deux côtés de la frontière.

Cette dépendance a créé une nouvelle réalité

Si, par le passé, la Syrie percevait le Liban comme son terrain de jeu favori, c’est au tour du Hezbollah de traiter avec frivolité son voisin.

Par ailleurs, si Damas a utilisé le Hezbollah au cours des dix dernières années pour faire couler le sang israélien, c’est désormais la milice chiite qui tire profit de Bashar pour enflammer la frontière ennemie, et plus précisément le plateau du Golan.

La dépendance de la Syrie au Hezbollah oblige les premiers à payer au second le prix coûtant.

Accorder le feu vert au Hezbollah en Syrie pourrait s’avérer particulièrement problématique le jour où la guerre civile arrivera à son terme (si ce jour arrive).

Si la milice décide alors de stationner ses troupes en Syrie, elle pourrait chercher à prendre sa revanche contre Israël, comme elle tente de le faire aujourd’hui.

Assad pourrait également décider d’infliger à l’Etat hébreu une punition pour ses frappes visant des cibles syriennes ou à l’encontre du Hezbollah.

Pourtant, des représailles israéliennes contre des positions militaires syriennes, dans le Golan, sont bien plus grave pour le régime de Damas que pour le Hezbollah.

La politique israélienne de représailles se concentre sur Assad, en particulier lorsque ces attaques sont menées dans des zones directement ou indirectement sous son contrôle.

En effet, Israël préfère frapper des positions du régime syrien, et ne pas risquer une opération militaire contre le Hezbollah qui pourrait entraîner une grave escalade des violences avec le mouvement terroriste.

Quand Israël frappe Assad, et en particulier son armée de l’air, le maître de Damas perd un avantage face aux rebelles. C’est la raison pour laquelle les analystes militaires pensent que ce dernier ne cherche pas de nouvelle escalade contre Israël.

Or, il est difficile de lire dans l’esprit d’un leader et de prédire ses réactions.

Assad a déjà multiplié les incohérences.

La possibilité que le président syrien, ou l’un de ses sbires, poursuive des actions menant à une flambée des violences à la frontière israélo-syrienne, ne peut pas être exclue.

La confiance acquise au cours de la guerre civile, pourrait ainsi le conduire à se lancer tête baissée dans de nouvelles aventures risquées sur le plateau du Golan.

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